Rares sont les hommes et les femmes qui se sont donnés pleinement pour une cause nationale sacrée, à l'image de Lalla Zoulikha qui, par convictions, n'a pas reculé devant les menaces de mort des soldats coloniaux qui l'ont martyrisée puis assassinée. Lalla Zoulikha Oudaï est une figure emblématique de toutes les femmes du monde qui se sont distinguées par leur force de caractère, leur forte personnalité. Telle a été Fathma N'Soumeur et d'autres femmes de la révolution libératrice mortes les armes à la main. On a connu aussi des femmes mortes sous la torture en refusant de dénoncer d'autres membres de réseau ; elles étaient pieds et poignets liés, suspendues, battues, électrisées. Lalla Zoulikha Oudaï, traquée, torturée avant d'être tuée. N'a-t-elle pas dit qu'elle irait jusqu'à se faire brûler vive comme jeanne d'Arc pour libérer le pays du joug colonial. C'est le genre de femmes dont le courage n'a pas de limite et qui a défié l'ennemi. « Mes frères, soyez témoins de la faiblesse de l'armée coloniale qui lance ses soldats armés jusqu'aux dents contre une femme. Ne vous affolez pas. Continuez votre combat jusqu'au jour où flottera notre drapeau national sur tous les fronts de nos villes et villages. Montez au maquis ! Libérez le pays ! Tahya El Djazaïr » (propos prononcés par l'héroïne avant de mourir en guise de serment et rapportés par l'auteur). Combat d'une grande héroïne pour l'indépendance Elle a combattu jusqu'au jour où, après un ratissage, elle eut le malheur de tomber entre les mains des soldats ennemis agissant sous les ordres du lieutenant colonel Gérard Le Cointe. Prendre le maquis a été un acte réfléchi pour cette femme, épouse et mère aux fortes convictions. Sitôt après son arrestation, elle fut d'abord longuement torturée et assassinée. Elle a été exécutée le 25 octobre 1957, après son époux Si Larbi Oudaï, et son fils Lahbib. Son fils, c'est elle-même qui l'avait encouragé à prendre le maquis à l'âge où il devait se marier. « Monte au maquis, tu te marieras après, à l' indépendance », lui avait-elle dit avec force ; pour que vive l'Algérie libre, dix sept de ses proches et siens, sont morts eux aussi en martyrs. Dans l'histoire des femmes, c'est ce genre d'élément féminin pur et dur qui a toujours apporté de l'oxygène à des mouvements de libération qui ont besoin de se remettre en question ou de se renouveler pour se revigorer et aller de l'avant jusqu'à la victoire. Lalla Zoulikha Oudaï est un « nom emblématique des rares femmes qui ont bravé l'ennemi dans tous ses états. Une fois, alors qu'elle passait par là, elle a pris la défense d'un pauvre concitoyen qui se faisait malmener par un méchant colon qui lui adressait des propos racistes et durs à entendre. Une marque d'injustice inacceptable qui s'ajoutent à d'autres comme les barrières dressées contre les jeunes algériens pour les empêcher d'aller au collège. C'est le cas de Lalla Zoulikha qui venait d'obtenir le certificat d'études primaires et à qui on a opposé un refus. Pourtant l'administration coloniale n'hésitait pas à enrôler des Algériens dans l'armée pour les envoyer en Indochine. A cheval contre les colons français, Lalla Zoulikha était cependant compatissante vis-à- vis des malades algériens du typhus, maladie contagieuse de la sous alimentation et de la malnutrition. Elle n'hésitait pas en s'exposant à la contagion à leur porter secours. Des actes humanitaires dignes d'éloges. La France coloniale n'a jamais été reconnaissante, aux milliers d'Algériens morts à la Seconde Guerre mondiale, elle a répondu par la répression de 1945 qui a coûté la vie à des milliers de nationaux. Et au tremblement de terre d'El Asnam en 1954, les autorités coloniales ont fait des injustices flagrantes dans la distribution des aides aux Algériens et aux français. Lalla Zoulikha avait le franc parler pour dénoncer toutes les injustices coloniales et le courage d'affronter les pires adversaires, elle a pris le maquis. Une famille dan les réseaux FLN-ALN et la lutte armée La famille de Lalla Zoulikha Oudaï a trop souffert des injustices coloniales pour s'engager corps et âme dans le processus révolutionnaire amorcé en 1954 aux côtés de Si H'mimed, responsable de liaison. Elle était prête à rentrer dans le mouvement de libération, tant elle a subi d'injustices et jusqu'à l'institutrice d'un de ses enfants qui avait refusé de la recevoir alors qu'elle avait commis des injustices. C'est toute la famille qui a pris le maquis, le père, la mère, le fils tombés tous les trois au champ d'honneur pour que vive l'Algérie libre. Avant de rejoindre de rejoindre les frères de combat, Lalla Zoulikha a eu le temps de parler au gendarme qui était venu demander à Lehbib de se présenter à la caserne. « Vous voulez le voir revenir à la maison dans un cercueil lui dit Lalla Lehbib qui voulait parler de son frère mort, sans doute, pendant la 2ème Guerre mondiale. Le gendarme eut une réponse cinglante, ne savant pas que Lehbib était déjà au maquis. Les chefs militaires et de la police ne cherchent qu'à débusquer le responsables FLN-ALN pour gagner des grades, comme le lieutenant colonel Gérard Le Cointe devenu colonel et aspire à devenir général, avec le désir d'éliminer les têtes pensantes comme Lalla Zoulikha Oudaï à la poignée de fer qui organise tout autour d'elle et ne se gêne pas de regarder dans les yeux un chef en employant le ton péremptoire qui infléchit son interlocuteur. Entretemps, tant qu'il n'y a pas de traître interposé, Lalla Zoulikha reste active dans ses réseaux. Il en est de même du côté des combattants de l'ALN qui planifient des embuscades à Tizi Franco, Sâadouna, entraînant beaucoup de morts du côté français. Lalla Zoulikha a placé en lieu sûr ses trois petits enfants. Quant à son fils Lehbib et son époux El Hadj Larbi Oudaï, ils ont été tués. Le commissaire, de son côté est fou de rage d'avoir un entretien avec Zoulikha qui a employé un ton dur, alors qu'il s'est avéré qu'elle est une principale responsable du secteur. Il a accusé ses subordonnés de n'avoir pas été à la hauteur pour la découvrir ; les moudjahidine sont traités de tous les noms. Le commissaire dit à Zoulikha : votre mari, un bandit, un gangster comme Amar Hamoud, Badji, eux aussi tombés au champ d'honneur. Lalla Zoulikha traquée, est allée se réfugier à Alger, puis dans une maison et chez Il Lbiya une accoucheuse traditionnelle qui lui a offert tout, y compris le gîte. Son guide Djelloui Daouaoua a été attrapée par des militaires avec son panier au contenu compromettant. Mais, piracle ! il a été relâché. Lalla Zoulikha Oudaï, elle aussi, a échappé miraculeusement à un barrage, en se faisant maculer le visage de boue et en se faisant passer pour une femme croulante, sourde et muette, d'un vieil homme. A sa mort le 15 octobre 1957, après des scènes de tortures atroces, tout le monde est resté choqué. La famille Oudaï a eu, en définitive, un itinéraire glorieux plus qu'honorable. Kamal Bouchama a su mettre en valeur chacune des péripéties qui ont jalonné l'histoire de cette famille liée à celle de l'Algérie de la révolution libératrice. Son livre bien élaboré est digne des grands écrivains parce qu'il a su lui donner une valeur historique et une vocation psychologique. Il est intéressant et enrichissant d'autant qu'il comporte en additif un épilogue et une portface suivis de photos de famille. Nul doute que Lalla Zoulikha Oudaï va intéresser un nombreux public et susciter dans chaque région d'Algérie, l'envie d'écrire sur des personnages illustres de la révolution libératrice restés encore dans l'anonymat. Quel dommage ! - Lalla Zoulikha Oudaï, la mère des résistants, Kamal Bouchama, Ed Juba, 295 pages, 2016 BIOGRAPHIE DE KAMEL BOUCHAMA Kamel Bouchama, homme politique, homme de lettres, a assumé de grandes responsabilités dès son jeune âge : responsable national de la jeunesse, commissaire national du parti du FLN, secrétaire permanent du CC du FLN, ministre et ambassadeur. Il a publié de nombreux articles dans la presse nationale et dans des journaux du Moyen-Orient et est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages.