Bachir Mazouz, spécialiste du management public et président du Regroupement algérien des universitaires Algériens au Canada s'est retrouvé sous les feux de l'actualité. Invité par l'Ecole Supérieure des Sciences de Gestion, et des universités de Annaba et de Guelma, Bachir Mazouz a animé plusieurs conférences-débats avec des étudiants et des enseignants. Et par le biais de la vidéoconférence, il s'est adressé aux personnels de différents ministères. A ses côtés, deux anciens ministres, celui de l'Industrie, à savoir Fayçal Boudra et de celui des Finances, M. Abdelatif Benachnou. Profitant d'une période creuse au Canada, l'expert en management public a tenu à se rendre à Annaba, répondant à une invitation du directeur de l'Ecole Supérieure des Sciences de Gestion, M. Mahfoud Benosmane. Nous lui avons tendu le micro pour aborder l'actualité, et pour porter son regard, par trop perspicace et méticuleux, voire imprudent, sur l'Algérie. L'expert nous parlera aussi de son rôle, et de sa mission première en tant qu'enseignant universitaire au Québec. Il a fait état, en effet, de sa vision de l'Algérie, «vue à partir du Canada», de la situation de la communauté algérienne dans ce même pays, de ses appréciations sur le niveau des étudiants algériens et, enfin, sur la méthode de gestion appliquée en Algérie. Il a bien voulu répondre à nos questions sans langue de bois. Avec sincérité. Entretien. Apparemment, le Canada représente la plus grande concentration de cerveaux algériens au monde. Qu'est-ce qui attire donc le plus nos nationaux à jeter leur dévolu pour ce grand pays ? Le respect et l'estime qu'accordent les autorités canadiennes aux chercheurs, scientifiques, praticiens et autres spécialistes comme les médecins, les nanoélectroniciens... J'en citerai quelques-uns, comme Tayeb Hafsi, recteur de l'une des plus importantes universités canadiennes. Omar Aktouf, Rachid Boukhil Mohamed Bentorkia, spécialiste de l'imagerie médicale et beaucoup d'autres d'origine algérienne, à l'exemple de Mohamed El-Hachemi, recteur de l'université de Toronto, qui est l'une des meilleures universités du Canada. Tous se sont facilement intégrés via des associations. Majoritairement, ils ont été formés en Algérie, pour choisir par la suite de s'installer au Canada. Je dois dire que nous avons les meilleurs spécialistes dans ce pays. Quelles sont les régions du Canada où il y a une forte concentration de scientifiques algériens ? Le Québec et Montréal représentent les régions où il y a une forte concentration d'Algériens. Ces derniers se sont imposés grâce à leur parfaite maîtrise dans divers domaines scientifiques, universitaires, techniques, administratifs et de services. Nous avons des ministres, des avocats, des magistrats, des secrétaires généraux des ministres canadiens d'origine algérienne. D'autres sont chargés, ou versés dans des postes stratégiques, telle la planification au niveau de l'Etat, ou encore des députés. Il ne faut pas oublier qu'à l'exception des autochtones, le Canada est composé de différentes nationalités. Il y a pas moins de 123 citoyennetés différentes; uniquement à Montréal. C'est ce qu'on appelle «les communautés». Il y a des résidents permanents qui ne sont pas en mesure d'occuper des postes stratégiques dans des sociétés ou administrations. D'autres, par leurs activités diverses, créent des richesses. Tous sont au Canada pour réussir, pour travailler, pour créer de la richesse. Le Regroupement des universitaires et experts algériens établis au Canada que je préside, et qui est apolitique, nous permet d'être constamment en contact les uns avec les autres. Ses membres sont présents dans 157 secteurs universitaires et d'expertise dont la nanotechnologie, les sciences et l'imagerie médicale, et autres... Et également dans le secteur des sciences de hautes technologies et dans le domaine social. Les Algériens au Canada ont-ils prévu le retour au pays natal ? Je pense que le retour n'est rien d'autre qu'un mythe. Par contre, le sentiment de rester là où ils sont est latent. Il y a bien sûr ceux qui parlent de retour, mais pour jouir de leur retraite. Voulant dire qu'ils sont totalement usés. Il reste que l'idée commune est «quand on m'appelle, je répondrai positivement au pays». La planification est très importante. C'est-à-dire ne pas programmer et déprogrammer des manifestations scientifiques ou autres. Au Canada, notamment dans le milieu des scientifiques et des universitaires, ça tourne au 1⁄4 de tour dans l'organisation. Rien n'est improvisé. Par exemple, en ce qui me concerne en tant qu'enseignant universitaire, je sais ce qui m'attend pour le mois de septembre 2017. Comme on le dit, «à chaque jour suffit sa peine». Nous avons vécu une expérience à l'occasion de la célébration de la journée des Algériens ayant réussi au Canada. Organisée par le ministère des Affaires étrangères, elle avait été programmée à une date pour être différée à une autre. Mais tout de même, beaucoup, dont le Pr Tayeb Hafsi, recteur de l'université au Québec ont tenu à venir. Pour ce faire. Ils ont été contraints de bousculer leur agenda. Ils ont été nombreux à faire comme lui. Ils sont venus, ils ont signé des conventions de partenariat entre différentes universités algériennes et celles canadiennes. Je peux dire que c'est une bonne expérience qui nous permettra de mieux voir comment parfaire notre collaboration Durant plusieurs jours, vous avez eu à suivre les événements économiques du pays. Quelles conclusions tirez-vous ? La conférence-débat avec les opérateurs économiques, initiée par l'Ecole Supérieure des Sciences de Gestion sur le management public a été très instructive. Je dois dire que la priorité est dans la redynamisation de notre économie pour la rendre plus compétitive ; ce qui sous-entend des efforts pour rassurer les investisseurs privés et créer un espace d'affaires qui soit fiable et serein. A mon avis, il est temps de faire intervenir des experts de haut niveau pour décortiquer et apprécier la pertinence et l'efficacité de tel ou tel projet. Il est indispensable de multiplier de pareilles rencontres, qui apportent fondamentalement un plus à la collaboration pour un développement harmonieux de notre économie. On a l'impression qu'en Algérie, on a tendance à se passer du management et de la planification. N'est-ce pas votre avis ? Je comprends la situation actuelle qui fait que l'on a l'impression que les responsables du pays ne prennent pas suffisamment en compte les avis de la communauté algérienne installée à l'étranger. Notamment celle du Canada, majoritairement composée de grands noms auquel le pays d'asile a donné toute latitude de démontrer la plénitude de leurs capacités dans différents secteurs d'activité. Une harmonisation des points de vue et une cohérence dans la vision sont indispensables. Il est donc de l'intérêt de tous, d'aller vers une collaboration forte, qui prendrait en compte les préoccupations des uns et des autres. Nous ne demandons rien. Nous, nous proposons d'apporter notre collaboration, totalement désintéressée. Cette collaboration doit venir progressivement. Quel est votre avis sur la situation de notre pays, qui subit la crise économique générée par la chute du prix du baril du pétrole ? Il ne faut surtout pas persister dans des positions négativistes. Ce qui se passe en termes de problèmes socio-économiques est tout à fait normal. C'est la rançon du développement dans tous les domaines. Nous voulons un pays réformé et fort et nous savons tous que ce n'est pas facile. Mettons toutes nos énergies à l'aider et si cela ne marche pas, on pourra critiquer. Mais se jeter sur toutes les décisions, attaquer tous les décrets, décrier toutes les actions, cela finira par nuire à l'action globale et donc à l'intérêt général. Nous devons, tous, faire de même, et de procéder à des bilans pour réajuster, si nécessaire. J'estime que la journée de célébration organisée par notre MAE pour la réussite des Algériens au Canada est une bonne chose, au-delà de certains autres aspects. J'estime qu'ils sont secondaires au regard de la finalité que l'on veut accorder à cette manifestation. La signature des conventions entre les universités canadiennes et algériennes en est le début. Certes, nous sommes désorganisés, c'est un constat et non une critique. Seulement, je dois poser la question sur l'absence de toute transparence. Je ne comprends pas pourquoi et pour qui ils le font. Et vos relations avec les autorités canadiennes ? Elles sont tout simplement excellentes. Ça ne peut pas être autrement dans la mesure où la communauté algérienne est la plus active dans le domaine de la recherche, des découvertes et de la technologie. C'est pour cela que nous sommes capables de faire l'impossible pour réussir. En ce qui concerne le développement de notre pays l'Algérie, je suis très optimiste. par rapport aux potentialités qui existent. Les Algériens vivant au Canada se sont rapidement intégrés aux communautés grâce à leur talent et à leur savoir-faire scientifique et technologique. Il est reconnu qu'ils sont les meilleurs en tout. C'est ce que nous proposons à notre pays. Aux responsables, nous disons : gardez votre argent et gardez vos postes. Nous n'en voulons pas, car nous gagnons bien notre vie. Tout ce que nous désirons, c'est de participer au développement de notre Algérie. La Fondation Club Avenir, créée par Tayeb El-Hafsi au Canada, est la preuve avérée des capacités algériennes. Elle est fréquentée par les représentants des plus hautes institutions à travers le monde. Chaque année, nous organisons une rencontre dont l'organisation coïncide avec la célébration du 1er Novembre au pays. Des personnalités scientifiques et politiques dont des ministres et le gouverneur du Canada sont venus nous féliciter en tant qu'Algériens, et bien sûr pour ce que nous apportons au Canada, dans le domaine des sciences et de la technologie.