Le 16 novembre 2016, le procureur militaire de la ville dE Tunis a en vertu du code de la justice militaire et du code pénal, inculpé Rached Khiari, le rédacteur en chef du journal et du site Internet Al-Sadaa l'accusant d'avoir touché et critiqué la réputation de l'armée et porté atteinte à son moral. Khiari est apparu pour la première fois devant le juge d'instruction le 21 novembre, selon Human Rights Watch. Le 26 septembre, le procureur avait déjà inculpé le journaliste Jamel Arfaoui, pour son article en date du 30 juillet 2016 qui critique l'insuffisance de l'enquête menée par l'armée sur un accident d'avion militaire dans lequel ont péri deux officiers l'accusant d'avoir porté atteinte à la réputation de l'armée dans un article du site Tunisie-telegraph.com, en vertu de l'article 91 du code de la justice militaire. Les deux hommes sont libres pour l'instant. Amna Guellali directrice du bureau de Tunis de Human Rights Watch a déclaré à ce sujet que «les tribunaux militaires s'appuient encore et toujours sur le même article de la loi militaire pour museler la liberté d'expression... Au lieu de s'employer à faire taire les critiques, les autorités devraient amender les lois, adoptées lors de périodes plus répressives, qui font de la critique des institutions ou des personnalités publiques un crime», souligne-t-elle. Un autre invité de l'émission «La conversation tunisienne» diffusée sur la chaîne Al-Hiwar al Tounsi a été aussi inculpé par les autorités tunisiennes suite à sa déclaration à l'antenne que les autorités avaient signé un accord permettant aux Etats-Unis d'établir une base militaire en Tunisie, citant un article en date du 26 octobre du Washington Post, qui attribuait l'information à des responsables américains non identifiés. L'article indique en outre que le Pentagone dispose d'une base de drones en Tunisie, à partir de laquelle sont déployés des aéronefs sans pilote et des militaires américains dans le cadre de missions d'espionnage en Libye. Le ministre de la Défense tunisien, Farhat Horchani, a démenti ces informations alors que le 22 novembre, le président Béji Caid Essebsi a confirmé, dans un entretien télévisé, avoir autorisé l'utilisation de drones américains non armés pour mener des missions de surveillance en Libye depuis le territoire tunisien. Juger Khiari et Arfaoui devant un tribunal militaire constitue une violation du droit international en vertu duquel ce type de juridiction ne devrait pas avoir compétence s'agissant de civils, a relevé Human Rights Watch. Les Principes et Lignes directrices de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples relatives au droit à un procès équitable et à une assistance juridique en Afrique stipulent que les tribunaux militaires ne devraient en aucune circonstance avoir compétence sur les civils. La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples a de son côté déclaré que les sanctions pénales pour diffamation sont incompatibles avec la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. L'article 31 de la Constitution tunisienne de 2014 protège le droit à la liberté d'expression. Le code de la presse tunisienne adopté par le décret-loi 115 en 2011 a aboli les peines d'emprisonnement pour les chefs d'inculpation de diffamation ou de diffamation criminelle d'institutions étatiques, mais ces infractions figurent toujours au code pénal et au code de justice militaire. Le Parlement tunisien devrait amender toutes les lois prévoyant des peines de prison pour diffamation ou offense envers les institutions de l'Etat, y compris l'armée, a déclaré Human Rights Watch.