Le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, considère dimanche à Sétif que les générations montantes doivent connaître les gens de la carrure du cheikh savant Fodil El-Ouartilani. Présidant l'ouverture du 4e séminaire national sur cette figure intitulé «le juste milieu dans la pensée El-Ouartilani», le ministre a souligné qu'aucune génération ne peut évoluer sans ses rapports avec son identité, son histoire et les grandes figures qui ont marqué cette histoire. Il a ajouté que «ces figures, à qui on doit loyauté et de qui on tire des leçons constituent de véritables repères pour les jeunes générations». Le ministre a rappelé le fait exceptionnel qu'avaient constitué en 1987 le rapatriement d'Ankara (Turquie) et la ré-inhumation des restes du cheikh El-Ouartilani en présence d'une foule considérable de la région. Auparavant, le ministre a visité l'exposition de manuscrits et de photographies organisée dans le hall de la maison de la culture Houari Boumediene, à l'occasion de la rencontre de deux jours dont une partie des activités de cette rencontre aura lieu dans la commune de Béni Ouartilane. Un court métrage sur la vie du cheikh El-Ouartilani réalisé par Toufik Cherbal a été projeté au début de la rencontre. Né le 18 février 1906 à Béni Ourtilane, dans la wilaya de Sétif, au sein d'une famille aisée, de tradition lettrée, Fodil el Ouartilani fait ses études au «kuttâb», puis à l'école franco-musulmane et dans les institutions religieuses fondées par les oulémas de sa ville natale. Il s'inscrit à l'université Zitouna de Tunis et fait partie de l'entourage de cheikh Abdelhamid Ben Badis, qu'il prend pour maître et devient un membre très actif de l'Association des oulémas musulmans algériens, dès sa création en 1931. Vers 1934, l'association le désigne pour encadrer les expatriés algériens en France en les sensibilisant à l'idée nationale algérienne et aux idéaux du réformisme musulman (Nahda) d'Afghani, Mohamed Abduh et Rachid Ridha. Il fonde ainsi une dizaine d'associations et de clubs où l'on apprend la langue arabe, l'histoire musulmane, les règles élémentaires de la religion et de la morale, et les rudiments du nationalisme, inséparable de l'arabisme et de l'islam. Très vite suspect aux yeux des autorités françaises en raison de ses activités, on cherche à le neutraliser. Menacé, il se réfugie clandestinement en Suisse, passe en Allemagne, se rend en Italie, s'enfuit en Grèce pour enfin arriver à Port-Saïd en Egypte, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Afin de justifier son séjour au Caire, il s'inscrit aussitôt à al-Azhar et échappe ainsi à la persécution des Anglais, lesquels, sur dénonciation française, pouvaient l'accuser d'intelligence avec les forces de l'Axe. Il obtient la ‘Alimiyya' et poursuit des études spécialisées d'abord à la Faculté de théologie puis à celle de la Sharia. Pendant ce temps, il ne cesse son combat pour la cause nationale. Durant cette période, il noue des solides liens avec les Yéménites Muhammad Nouman et Mahmmud al Zubayri. Il part visiter le Yémen avec pour motif officiel la création d'une entreprise commerciale et parvient à pénétrer dans l'entourage du prince héritier à Taez et subjugue tout le monde. Il anime dans le pays une série de conférences et causeries littéraires et rencontre tous les responsables de l'Etat, les grands oulémas, les têtes de l'opposition et ceux qui souhaitent un changement de régime, y compris des commerçants et des chefs de tribus. Après l'assassinat de l'imam Yahya, le 17 février 1948, Fodil el Ouartilani fait, un temps, partie du gouvernement yéménite avant de quitter le pays pour Beyrouth. Après le déclenchement de la guerre de libération nationale, Cheikh el Ouartilani rallie le Front de libération nationale. Il multiplie conférences, articles et interviews, au Liban comme en Syrie en faveur de la cause algérienne. Il meurt le 12 mars 1959 à Istanbul, avant d'avoir à cette indépendance pour laquelle il s'est voué corps et âme. Sa dépouille repose depuis le 12 mars 1987 au cimetière des martyrs de Beni Ouartilane, la région qui l'a vu naître.