Annaba est connue pour être une wilaya où la corruption a atteint des proportions très alarmantes dans pratiquement toutes les institutions de l'Etat. Elle est aggravée par le comportement contraire aux lois de la République de quelques membres du Parlement dont l'opportunisme n'a d'égal nulle part ailleurs. Cette situation n'a plus cours depuis quelques mois. La place publique locale a l'impression qu'Annaba a été choisie par le ministre de la Justice et Garde des sceaux, Tayeb Louh, pour servir de rampe de lancement d'une opération «Mains propres». Telle est l'interprétation qu'accordent les justiciables locaux aux comportements positifs des acteurs directs de la Cour de justice et ses démembrements depuis l'avènement du procureur général, Ahmed Rahim, à la tête de la Cour de justice dans cette wilaya. Les visites inopinées dans les services ont imposé le respect des heures et des conditions de travail. Elles ont été pour beaucoup dans la disparition des malfrats en col blanc, et autres spécialistes de la corruption et du trafic d'influence habitués des lieux. Il semble qu'ils aient été classés sur le registre des «persona non grata» par le procureur général. Mieux, pour permettre aux justiciables de se rapprocher davantage de son institution, ce magistrat responsable qui s'est refusé à toute déclaration à la presse, leur a ouvert ses portes. Ils sont de plus en plus nombreux à se presser chaque mardi de 8h à 16h, sans interruption pour être reçus en audience. De même qu'il a procédé à des permutations et affectations des cadres et agents dans les structures placées sous son autorité. On est loin de la période où, dans les coulisses, les «gros ventres» spécialistes des billets de banque et des villas à offrir, jugeaient et condamnaient eux-mêmes leurs adversaires. On est loin de la période où, à Annaba, un condamné à une peine de prison ferme se pavanait libre au volant d'une grosse cylindré. Celle où les «affaires» se traitaient sur le perron de la Cour ou d'un des tribunaux de Annaba. Fini le temps, où, au parquet des administrateurs de justice tous niveaux confondus, accédaient comme dans un moulin dans n'importe quel service pour «s'informer» de tout et de rien. Fini aussi le temps où moyennant contrepartie, certains avocats imposaient la programmation d'un dossier de justiciable sur le canevas d'un magistrat instructeur «cool,» «compréhensif», ou «sensible» aux chants des sirènes. Véritable secret de polichinelle, toute cette situation était quotidiennement dans les discussions de l'opinion publique. La réponse des uns et des autres était toujours celle de grand-mère : «à qui te plaindre quand le juge est ton adversaire». L'actuel procureur général qui a ouvert grandes les portes de son institution au public, a fait délié les langues. Celles des justiciables qui se présentent chaque mardi pour dénoncer des situations insoupçonnables. C'est ce qui a permis de mettre au jour l'affaire des deux avocates (une sous mandat de dépôt, l'autre sous contrôle judiciaire), et un faux entrepreneur en fuite objet d'un mandat d'arrêt. Celle aussi de la douzaine d'autres hommes et femmes du prétoire, appelés à être entendus pour divers délits par le procureur de la République. Il s'agit d'une comparution préliminaire. Elle précède l'instruction de leur dossier par un magistrat qui fixera chacun sur son sort. Mais au titre d'auxiliaires patentés de justice et de la franche collaboration entre les deux institutions «justice-bâtonnat», il a été convenu que l'accord du ministère est obligatoire préalablement à l'entame d'une quelconque action judiciaire sur des faits reprochés à un avocat. Selon des indiscrétions proches du barreau, cette démarche a été respectée par le parquet d'Annaba. Tout concorde à dire que le ministère ne s'est pas opposé aux poursuites judiciaires. Il reste néanmoins que la question se pose pour les parties civiles. Les avocates mises en cause étant membre du barreau, il est certain qu'aucun de leurs confrères ne se constituerait contre eux. « ...Si mes consœurs sont arrivées a ce stade, je mets leur comportement à l'inexpérience professionnelle. Elles n'ont fait que suivre l'exemple de leurs ainés. A une seule différence, leurs ainés possèdent ce professionnalisme, Elles, malheureusement, sont novices dans la profession... Croyant suivre le bon exemple, elles se sont noyées dans un verre d'eau», dira une avocate interrogée. Pour l'opinion publique, il se dit que la lutte contre la corruption lancée à partir de Annaba, devrait être généralisée toutes les institutions de la République pour prétendre réhabiliter l'autorité de l'état.