Le président par intérim de l'ANIE rencontre le SG de la CJCA    L'Algérie triomphante mise sur une société civile responsable et efficace, aux côtés des institutions de l'Etat    Boughali reçoit l'ambassadeur du Royaume-Uni, de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord auprès de l'Algérie    La Cour d'Alger organise une journée d'études sur la lutte contre les crimes de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme    L'UFC organise une cérémonie à l'occasion de la Journée du savoir    Sport/Jeux Méditerranéens-Tarente 2026: organisation d'un séminaire international pour mettre en lumière les préparatifs    Reddition de 2 terroristes et arrestation de 9 éléments de soutien aux groupes terroristes en une semaine    L'Algérie présente son approche en matière de prévention et de lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains    Journée du Savoir: Hommage aux mérites de Cheikh Abdelhamid Ibn Badis, activités variées à l'Ouest du pays    Foot/formation des préparateurs physiques: début du 4ème module à Tipasa    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 51.025 martyrs et 116.432 blessés    Baccalauréat professionnel: ouverture de 5 filières principales en septembre    Education: rencontres entre la tutelle et les représentants syndicaux sur le statut particulier et le régime indemnitaire    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha reçoit le ministre mauritanien de la Défense    Ouverture officielle de l'appel à candidatures algériennes    Les conditions d'un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars et d'une production de 200 milliards de m3 gazeux 2028/2030    Les dernières pluies sauvent les céréales    Plus de 3.600 véhicules volés en 2024 !    Un risque de dévaster les économies les plus vulnérables    « Dévoilez vos talents avec Ooredoo ! »    Le ministre des Moudjahidine rend visite à la moudjahida Meriem Ben Mohamed    "Cirta court-métrage": clôture de la manifestation avec la consécration du film "Il était une fois"    Le Quai d'Orsay et le lobby pro-israélien, principaux soutiens de Boualem Sansal    «Je reviendrai plus fort et meilleur qu'avant»    Un bilan qui promet    Lorsque le stratagème de l'ALN l'emporte face à l'arsenal militaire colonial    Décision de Paris de demander à 12 agents consulaires algériens de quitter le territoire français: Alger prend acte    Foot/ Coupe d'Algérie 2024-2025 (1/2 finale) : l'USMA donne rendez-vous au CRB pour une finale passionnante    L'Algérie obtient avec brio un siège au Conseil de paix et de sécurité de l'UA    L'OPGI relance les retardataires à Relizane    Des demi-finales et une affiche    La corruption est partout dans le royaume    Participation de 12 œuvres cinématographiques    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    Création «prochaine» de délégations de wilayas de la société civile    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Inventeur de la chanson moderne
Publié dans La Nouvelle République le 12 - 04 - 2017

Avec les feuilles mortes, le poète et scénariste Jacques Prévert bouleverse les perspectives de la chanson française. Quarante ans après sa mort, il reste une référence centrale. Evocation d'une œuvre immortelle.
«Oh! je voudrais tant que tu te souviennes / Des jours heureux où nous étions amis / En ce temps-là la vie était plus belle, / Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui / Les feuilles mortes se ramassent à la pelle / Tu vois, je n'ai pas oublié / Les feuilles mortes se ramassent à la pelle / Les souvenirs et les regrets aussi»... Il est peu de poètes que l'on chante autant que Jacques Prévert, sans pour autant se tenir raide contre un piano de concert ou sans prendre une figure de rebelle du verbe. Or les feuilles mortes sont dans la mémoire de tous les francophones, de tous les milieux sociaux et de toutes les générations depuis la fin des années 1940. Le tendre désespoir de ce texte en fait, pour beaucoup d'entre eux, la plus belle chanson d'amour au monde. Mais s'il n'y avait que celle-ci... Le nom du poète Jacques Prévert est associé à tant d'autres chansons qui portent les couleurs de la révolte ou des souvenirs d'enfance, des humeurs amoureuses ou des cafards définitifs – Barbara, Je suis comme je suis, La Pêche à la baleine, Le Tendre et Dangereux visage de l'amour, Chasse à l'enfant, Déjeuner du matin, Les Enfants qui s'aiment, Compagnons des mauvais jours, Sanguine, Pages d'écriture... Et, génération après génération, Prévert revient toujours. Cela ne tient pas uniquement au fait que son recueil Paroles, paru en 1946, est le livre de poésie paru au XXe siècle qui a été le plus vendu, notamment aux enfants des écoles et des collèges. Quelques semaines avant le quarantième anniversaire de sa disparition, une soirée d'hommage aux Bouffes du Nord réunissait le 20 mars, sous la direction artistique de BabX, une pléiade d'artistes : Thomas Fersen, Cyril Mokaïesh, Camélia Jordana, L (Raphaëlle Lannadière), Maissiat, Gaël Giraudeau, Albin de la Simone, André Minvielle... Tandis que le triple-album publié par Universal présente tous les maîtres de la chanson classique, chacun dans "son" Prévert : Yves Montand, Juliette Gréco, Mouloudji, Serge Reggiani, Les Frères Jacques, Germaine Montero, Catherine Ribeiro... jusqu'à Prévert lui-même dans un enregistrement inédit de La Femme acéphale. L'association Prévert/Kosma Parler de Jacques Prévert, auteur de chansons, exige de rendre justice au plus célèbre de ses complices, le compositeur Joseph Kosma. Il arrive en 1933 à Paris, à vingt-huit ans, sans parler un mot de français. Juif hongrois, il ne se sent guère en sécurité dans son pays, et encore moins en Allemagne où il est resté quelques années, notamment pour travailler avec Bertolt Brecht et Kurt Weill. Comme eux, il pense que le travail de compositeur ne vaut que s'il touche les masses. Et si l'on n'a pas à sa disposition une troupe de théâtre ou un opéra, c'est vers le cinéma et le music-hall qu'il faut se tourner, avec l'ambition, selon lui, d' «écrire des chansons dont l'objet ne serait pas seulement de distraire, mais aussi d'exprimer l'angoisse des hommes devant les menaces de notre monde moderne, passablement inhumain». Pour cela, il lui faut un auteur, de la même manière que Kurt Weill travaille avec Bertolt Brecht. Ce sera Jacques Prévert, rencontré par hasard dans les bureaux d'un producteur de cinéma. Né en 1930, celui-ci est scénariste, poète, dramaturge. Proche du mouvement Surréaliste, il n'en supporte pas le dogmatisme ; membre du groupe théâtral Octobre, il en refuse l'alignement sur les positions du Parti communiste. Pour le cinéma, il a déjà manifesté son talent pour les dialogues insolents et incisifs. La chanson à deux de Prévert et Kosma est écrite pour Le Crime de M. Lange, de Jean Renoir, en 1936 : À la belle étoile chanté par Florelle : "Au jour le jour / À la nuit la nuit / À la belle étoile / C'est comme ça que je vis / C'est une drôle d'étoile / C'est une triste vie". Leurs chansons se répandent à la fin des années 30 dans des cabarets comme le Bœuf sur le Toit ou Chez Agnès Capri où elles sont notamment interprétées par la très controversée Marianne Oswald. À la Libération, Marcel Carné réalise le film Les Portes de la nuit sur un scénario Jacques Prévert. Ce sont les retrouvailles des maîtres du réalisme poétique qui, avec Quai des Brumes, Les Visiteurs du soir ou Les Enfants du Paradis, ont donné au cinéma français quelques-uns de ses chefs d'œuvre. Ce nouveau film raconte une sombre histoire dans le Paris du dernier hiver de la guerre. Il contient une grande chanson dont la mélodie revient de manière lancinante dans la bande originale et que l'on entend interprétée sous le métro Barbès-Rochechouart par un chanteur des rues. Les enfants qui s'aiment, écrite par Jacques Prévert et composée par Joseph Kosma, reprend le titre du film : "Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout / Contre les portes de la nuit / Et les passants qui passent les désignent du doigt / Mais les enfants qui s'aiment / Ne sont là pour personne». Les feuilles mortes En revanche, une autre chanson de Prévert et Kosma s'entend à peine : Yves Montand, héros du film, n'en chante que deux vers à mi-voix au cours d'un dîner au restaurant et on entend revenir la chanson en voix off quand il sort de l'hôpital où vient de mourir son amour. C'est Les Feuilles mortes. À sa sortie en décembre 1946, le film n'est pas un succès. C'est un bide, même. Et la chanson aussi. Sa destinée deviendra une légende : Yves Montand la chante pendant presque deux ans sans parvenir à séduire le public des music-halls tandis que, dans les petits cabarets de Saint-Germain-des-Prés, Cora Vaucaire en fait un des mots de passe de la jeunesse "existentialiste". Mais, en 1949, c'est le raz-de-marée : avec un incroyable retard, la chanson devient un standard et Montand en vend un million de 78 tours. Dès lors, Prévert devient un des maîtres de la chanson française... mais n'en écrira pas plus d'une centaine, en comptant des poèmes mis en musique. Cependant, il a apporté une révolution à cet art avec Les Feuilles mortes : un poète contemple le quotidien ordinaire, la plus banale histoire d'amour, qu'il transforme en mythe. Il met en musique des sentiments que chacun d'entre nous connait un jour ou l'autre dans sa vie – la mélancolie du bonheur, la certitude que les jours heureux ne reviendront plus. En somme, c'est l'invention de la chanson qui parle de nous, de la chanson à hauteur d'homme, de la chanson vécue par tous ; c'est l'invention de la chanson moderne.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.