Le poète, écrivain, et philosophe français Paul Valéry au début du siècle dernier avait écrit un vers ineffaçable de la mémoire : «la mer toujours recommencée». Près de cent ans derrière la rédaction de ce fragment de ses compositions en quatrains, un phénomène humain obéissant aux migrations antiques, vers des terres plus hospitalières pour fuir de brutaux changements climatiques, les guerres, ou l'acharnement de la misère, sinon les opérations de nettoyage ethniques se poursuit de nos jours quotidiennement. Au péril de leurs vies, les boat people fuient par voie de mer comme le faisaient les Vietnamiens à la fin des années soixante dix l'une des guerres les plus meurtrières et des plus horribles, pour amerrir en Europe de l'ouest. Voilà plus de dix sept ans que les traversées des candidats à l'émigration se poursuivent, en dépit des fermetures des frontières nationales de l'Union européenne. Les causes des départs des prétendants à une vie meilleure qui les fait rêver journellement par la grâce des canaux télévisuels, sont les mêmes qu'autrefois. Les objectifs les attirant comme une force centrifuge vers un bonheur virtuel sont si attrayants, si séduisants, que le risque de laisser sa vie en disparaissant dans les profondeurs abyssales paraît à certains stades du désespoir, totalement dérisoire. Malgré le durcissement des lois de nombres de pays pour refouler les migrants, ces derniers par vagues successives, et déferlantes «toujours recommencées» bravent les dangers, les hostilités des pays riverains de la méditerranée, et bien plus, puisque les contrées des pays nordiques n'échappent pas à l'invasion «des damnés de la terre» tel que l'aurait écrit Frantz Fanon pour décrire : «La violence qui a présidé à l'arrangement du monde colonial», parce qu'il ne saurait y avoir de fumée sans feu, ni de dédouanement des responsabilités politiques des anciens comme des actuels dirigeants de la planète. Les chiffres que publient les autorités des deux rives de la mer méditerranée sont sans appel, vis à vis du phénomène grandissant du nombre de candidats aux migrations qui choisissent des embarcations de fortune pour braver une destinée moribonde. Ces derniers jours, les garde-côtes interceptent des harragas au large des rivages de l'ouest et de l'est du pays en raison des courtes proximités séparant l'Espagne et l'Italie de l'Algérie. On savait que les harragas seraient plutôt de jeunes diplômés qui ont fait des études supérieures, ou possédant des qualifications professionnelles, auprès d'autres postulants sans qualification. On savait que les fonctionnaires tentaient ce type d'aventure en grand nombre avec des chômeurs généralement, ce que nous apprenons avec effroi, c'est l'existence parmi les harragas de commerçants, d'enfants en bas âge avec leur mère, ainsi que des handicapés.