Incroyable. Le pêché d'orgueil continue de faire ses victimes au sein de la famille des éditeurs. Après avoir entretenu une relation duelle sous les vocables : presse indépendante versus presse parapublique, journaux à grands tirages versus petits journaux, l'infamie a consisté aujourd'hui à qualifier le second versant de cette antonymie impropre de journaux dociles. Serait-il alors permis d'opposer ce mot à son antonyme naturel : sauvages ? Quoi qu'il en soit, le propos n'est guère dans le jeu de mots, mais dans le sens des mots. Les auteurs de ce qualificatif qui nourrit la surenchère politicienne sur le champ des batailles corporatistes voudraient, par effet d'opposition au mot docile, s'ériger en militants politiques du journalisme, des espèces de défenseurs engagés de la liberté d'expression et de la presse en voie de disparition. C'est le rôle le plus facile en Algérie, puisque tout le monde a le droit de dire ce qu'il veut et d'écrire ce qu'il veut, y compris que l'Etat l'empêche de dire ou d'écrire ce qu'il doit ou veut dire ou écrire. Ce que ces «dénonciateurs» ont omis de dire, en revanche, et qui ruine tout leur raisonnement, c'est qu'à un certain moment, il y a de cela plusieurs années, la publicité institutionnelle, qu'ils disent être l'apanage des «journaux dociles», leur avait été proposée et ils l'avaient tout simplement dédaignée. Avaient-ils peur d'être domestiqués ? Avaient-ils alors trop de publicité de la part du secteur privé ? Etaient-ils trop embarqués dans une certaine ligne politique pour s'offrir le luxe du soupçon de double jeu ? Pour notre part, ne répondons pas à ces questions, et respectons l'intelligence de nos lecteurs qui n'attendent pas de nous de nous ériger en partis politiques, mais plutôt de les informer. Aujourd'hui, cette publicité publique, très fortement en déclin, est convoitée et certains parmi les titres qui s'estiment non dociles essayent de prendre ce qui reste, eux qui sont habitués au faste, à leur corps défendant, quittes à appauvrir davantage ceux qui ne vivent que de cette pub institutionnelle grâce à laquelle ils paient, au mois le mois, les salaires de leurs employés. Quelle docilité y a t-il à être professionnel, responsable, éthique et patriote ? De l'autre côté, quel héroïque engagement militant peut-on voir dans une attitude qui consiste à manquer de respect à tous et à tout ? Les journaux dits indépendants, à gros tirage ont l'Algérie entière à apprendre de ceux qu'ils qualifient de titres dociles et petits journaux. Ceci est la leçon algérienne du jour.