L'APS a interrogé deux experts dans les questions énergétiques, Abdelmadjid Attar et Mourad Preure, à propos des enjeux de la Conférence ministérielle de l'Opep et la réunion ministérielle des pays Opep et non Opep prévues aujourd'hui à Vienne, dont le principe est la reconduction de l'accord de réduction de la production. Pour Abdelmadjid Attar, « cette position sera certainement défendue par la majorité des membres de l'Opep et des pays producteurs non-Opep, parce qu'ils savent tous que la récente augmentation du prix du baril est conjoncturelle, qui est liée à quatre facteurs: une situation géopolitique au Moyen-Orient aggravée par les tensions entre l'Iran et l'Arabie Saoudite, l'instabilité del' Irak, et de l' Iran suivie de la Turquie née des ambitions d'indépendance du Kurdistan, une forte spéculation sur des achats massifs de Brent par rapport au WTI, et des conditions météorologiques exceptionnelles. C'est pour toutes ces raisons que la prudence doit être de mise, et qu'une reconduction de l'accord de réduction est la meilleure sinon la seule décision à prendre». Quant à Mourad Preure, il pense que «la reconduction de l'accord est quasiment actée et, d'ailleurs, intégrée par le marché. Le niveau des prix s'en ressent d'ailleurs. Les analystes sont surtout convaincus que les deux principaux producteurs impliqués dans cet accord, soit l'Arabie Saoudite et la Russie, ont fortement subi le choc de la guerre des prix et ont grand intérêt à un raffermissement de ces derniers. A la question de savoir si, pour rééquilibrer davantage le marché, les dirigeants de l'Opep voulaient convaincre davantage de pays producteurs pour limiter leur production, Abdelmadjid Attar estime que « c'est une tâche très difficile et cela ne pourra aboutir qu'avec des pays dont l'économie est très dépendante de la rente pétrolière ou ayant en ce moment des intérêts géopolitiques. Mais à mon avis, on s'oriente vers une période pouvant se prolonger au moins jusqu'en 2022-2025, où c'est le marché qui va définir les niveaux de production et les prix et non l'inverse ». Pour sa part, Mourad Preure rappelle que « l'Opep détient 71,5% des réserves contre 41% de la production » et estime que «même si son influence s'est réduite, elle reste et restera longtemps encore un marqueur économique et géopolitique majeur du marché. Une dynamique vertueuse a été amorcée par le Sommet d'Alger, qui s'est concrétisée par la réunion de novembre 2016 ». Enfin, concernant les disparités entre les prévisions sur les prix entre la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), qui estime que le cours du baril atteindra les 60-65 dollars en 2018, et la Banque mondiale qui prévoit un baril à 56 dollars en 2018, Abdelmadjid Attar fait remarquer que «les incertitudes au sujet d'une éventuelle reprise de la croissance économique mondiale, ainsi que celles liées à l'évolution des foyers d'instabilité dans et autour des principaux pays producteurs de pétrole Opep ou non-Opep pèsent en ce moment beaucoup plus que les facteurs fondamentaux (offre-demande et croissance économique) sur les prévisions en matière de prix du baril. C'est pour cette raison qu'il est difficile, sinon impossible, en ce moment de faire des prévisions au-delà d'une année ».