«Maqamat Al Andalus», une nouvelle revue semestrielle dédiée à la musique andalouse est parue récemment et vient s'ajouter aux quelques titres existant dans le paysage des publications culturelles. Editée dans un format standard par la Fondation «Cheikh Abdelkrim-Dali», la revue, d'une quarantaine de pages, est répartie en rubriques consacrées aussi bien aux carrières d'artistes qui ont marqué la scène culturelle, qu'à l'actualité des plus jeunes d'entre eux. Pour son premier numéro, sorti en février 2018, la revue revient sur les dix ans d'existence de la fondation, avec des haltes sur quelques évènements organisés, à l'exemple de la première édition du prix Abdelkrim-Dali tenue en novembre 2016. Entre évocation, témoignages et biographies, la revue restitue les parcours artistiques de six grands maîtres représentant les trois écoles, «Gharnati», «Sanâa» et «Malouf», de la musique andalouse et rappelle leur rôle dans la préservation de l'héritage andalou et sa transmission aux jeunes générations. Le lecteur est ainsi renseigné sur les carrières singulières du chantre de la chanson hawzie, Cheikh Abdelkrim Dali (1914-1978) et Maâlma Yamna Bent El Hadj El Mehdi (1859-1993), qui avait réussi à s'imposer comme chanteuse andalouse dans un univers musical exclusivement masculin à la fin du XIXe siècle. Présentant des «capacités pour le chant et la pratique instrumentale» dès son enfance, bravant les tabous et les interdits de son époque, Maâlma Yamna a su «s'imprégner de ses aînés et de ses contemporains pour s'affirmer à l'âge de 21 ans, comme chanteuse» et inscrire son nom parmi les grands de l'époque, peut-on lire dans la biographie que lui consacre la revue. Pour atteindre le niveau des maîtres du genre, comme Maâlem Mnemech (1809-1891), Mohamed Sfindja (1848-1908) et Mouzino (Saûl Durant), Yamna Bent El Hadj El Mehdi «peaufine son art et l'améliore», multipliant les prestations avec son orchestre féminin qu'elle «constituera en 1880». Avec lui, elle enregistre en 1912, «Galou laârab galou», hymne à la résistance de Salah Bey contre l'occupant français, et «Bismillah bdit enze-mam aân tedj errousla» qu'elle interprétera un peu plus tard sur une poésie de Sidi Lakhdar Benkhelouf. Ouvrant la voie à d'autres artiste-femmes devenues célèbres, comme Meriem Fekkaï (1889-1961), Cheikha Tetma (1891-1962) et Fadila Dziriya (1917-1970), Maâlma Yamna Bent El Hadj El Mehdi, musicienne polyvalente à la voix présente et étoffée, se consacrera, une nouvelle fois entre 1922 et 1928 à l'enregistrement, d'une grande partie de son répertoire, rappelle encore la revue, laissant ainsi un legs inestimable aux générations futures. Les parcours artistiques de Mohamed Bouali (école de Tlemcen), Sid Ahmed Serri (Alger), Abdelmoumen Bentobbal (Constantine), et des frères Mohamed et Abderrezaq Fekhardji (Alger) sont également exposés dans la revue qui clôt son premier numéro avec la transcription de «Noubet Ghrib» dans ses différentes déclinaisons mélodiques et rythmiques. Espace de transmission entre artistes de l'ancienne et de la nouvelle génération, la revue Maqamat Al Andalus vient offrir aux lecteurs une tribune destinée à la mise en valeur de cette musique savante et plus généralement du patrimoine culturel algérien.