Un concert de musique malouf, a été animé jeudi soir à Alger, par le chanteur constantinois Salim Fergani, qui a ravi le public, avec un florilège de pièces du patrimoine andalou, au ton mélodieux relevé et aux déclinaisons rythmiques composées. Accueilli à la salle Ibn Zeydoun de l'Office Riadh El Feth (Oref), le récital a permis au public, relativement nombreux, de revisiter le registre de la chanson malouf, école de l'est algérien de la musique andalouse, qui compte également les genres, « Sanaa» d'Alger et «Gharnati» de Tlemcen. Soutenu par son frère Rachid aux «nakkaret» (timbales), Said Boufennara à la derbouka, Abdelmadjid Mekki au tar, Nabil Taleb et Lyès Meskine aux violons altos, Karim Baghriche au ney (flûte orientale) et Mohamed Anis Banhamida à la mandoline, Salim Fergani au luth, a déroulé un programme en trois parties, répondant, par moment, à la demande de l'assistance, dans une ambiance conviviale. Tout de blanc vêtu et «heureux de se produire devant le public algérois», Salim Fergani, à la voix présente, dotée d'une large tessiture, a, près de deux heures et demie durant, entonné une dizaine de pièces dont, «Ya bahi el djamel», «Ya racha amri gharib», «Dalma», «Moulet el khana» et «Men sabni mâa lemlih lila». Le public a pris part au voyage dans la délectation et la solennité du moment, reprenant joyeusement les refrains du «Cheikh», ponctués par des applaudissements répétés et des youyous nourris. Conduites par une interprétation vocale singulière aux accents narratifs, les sonorités à dominance aigue des violons et du ney, se mêlant à la densité des notes du oud et aux percussions ornées par les frissonnements du Tar, renvoyaient indéniablement au ton identifiant de la chanson constantinoise et propre au genre malouf. Dans des variations modales, qui ont, entre autre, brillamment porté les mélodies du «zidène» au «dil barrani», passant par le «h'cin» et le «raml», sur la diversité des cadences, dont «lem'cheghlet», «el mahjouz», «zedjel», «n'çrafet» et «kh'lasset», Salim Fergani, comme à chacun de ses spectacles, entend ainsi montrer «la richesse du patrimoine andalou, dans sa variante malouf». Les instrumentistes, professionnels du métier, ont fait preuve de maîtrise et de technique, montrant l'étendue de leur savoir-faire, dans une prestation de haute facture, à l'instar de Nabil Taleb et Karim Baghriche, au violon et au ney, respectivement. Digne héritier de son père, Cheikh Mohamed Tahar Fergani (1928-2016) -maître et mémoire vivante du malouf, qui avait oeuvré 70 ans durant à perpétuer le genre constantinois, charmant avec sa voix exceptionnelle et son coup d'archet inégalable le public algérien-, Salim Fergani, à son tour, oeuvre depuis 50 ans, à «la sauvegarde et la transmission de cette musique savante». Rassemblant sa carrière dans une compilation de 40 CD constituant l'Anthologie de la musique constantinoise, le genre malouf et ses dérivés dans toutes les noubas notamment, Salim Fergani s'est étonné de «l'inexploitation à ce jour», de ce «grand projet», pourtant initié, selon l'artiste, par le «ministère de la Culture», et «achevé en janvier 2016». Rappelant son passage réussi en mai 2018 au siège des Nations unies à New York, lors du lancement des journées d'information sur l'Algérie, où il avait enchanté les représentants du monde entier, Salim Fergani a, en revanche, déploré la programmation «très insuffisante, voire inexistante» de l'artiste algérien qui, selon lui, peine dans son pays à «enchaîner des dates» pour aller « à la rencontre de son public». Citant l'exemple de la période du Ramadhan 2018, où, à Constantine même, il n'a eu à se produire «aucune fois», Salim Fergani a rappelé l'importance pour un artiste d' «entretenir le lien avec son public», à travers une «exploitation régulière de ses oeuvres». Le concert de Salim Fergani a été programmé par l'Oref à Alger pour une représentation unique.