«J'ai été très touché par un geste noble et autant significatif de mon frère Djamel Allam. Déjà malade – les signes de son déclin apparaissaient sur son visage – il a préféré être présent avec moi, à un événement culturel et historique, que de s'empresser pour reprendre ses soins à l'étranger. Cette «Hadda», Djamel, qui est un acte de civilité, sans précédent, je ne te l'oublierai jamais..., jamais !!!» J'ai beaucoup d'amis, parmi les artistes et hommes de Lettres, avec lesquels je me permets de prendre mes aises en les fréquentant assidument, et d'aller loin, assez loin avec eux, dans l'analyse et..., quelquefois, dans les confidences. Parmi ceux-là, deux sont sortis de mon espace et non de mon affection... Ils sont allés rejoindre l'autre monde, celui du repos éternel. Ils nous ont quittés, selon la volonté du Seigneur, pour leur dernière demeure, après avoir donné tout ce qu'ils possédaient en termes de savoir, et tout ce qu'ils celaient, au plus profond d'eux-mêmes, comme valeurs intrinsèques telles l'amitié, la clarté, l'intelligence, la dignité, l'humilité, là bravoure et j'en passe... Oui, je m'arrête là, parce que les deux, quoiqu'éloignés l'un de l'autre, dans l'espace et le temps, n'étaient pas moins unis sur le plan du rendement tangible et des qualités fondamentales, dont ils faisaient leur maître-mot dans leur environnement social. Le premier est parti, il y a dix (10) ans, Mahmoud Derwiche, laissant en moi cette impression que la poésie de combat a cessé de vivre, après le départ de ce grand aède tout en éloquence, en verve, en grâce, en symbole et en métaphore. Oui, j'ai avec lui des souvenirs inoubliables concernant notre combat commun pour la jeunesse et le peuple de Palestine. Le second – Djamel Allam, c'est de lui qu'il s'agit, et c'est lui qui fera l'objet de ma présente eulogie – a tiré sa révérence, il y a quelques jours, le mois de septembre 2018, et nous a dit humblement adieu, dans une extrême humilité, ce sentiment qui n'a d'égal que son talent, sa virtuosité. En effet, Djamel Allam, mon ami et je suis fier qu'il l'est – plutôt qu'il le fut – nous a fait la démonstration, dans la Cité des Hammadite, de cette grande affection que des foules de jeunes et de moins jeunes ont eu à son égard, en l'accompagnant à sa dernière demeure. Une marée humaine, vraiment, symbolisant cette parfaite performance, en notre temps où l'indifférence fait bon ménage avec le mépris quant au manque de respect que nous affichons, quelquefois ou souvent, à nos morts, en dépit de toutes les règles de bienséance et du savoir-vivre. Ainsi donc, cet hommage, ne peut être que sincère et convaincant, car Djamel, cet homme valeureux, n'a jamais été pour moi ce lointain artiste que je pouvais ne pas suivre, ou ne pas trop apprécier, sauf à l'occasion. Il a été bien plus pour moi. Il a été celui qui me grisait avec sa voix étincelante, claire, souvent frissonnante, de même qu'avec sa grande culture, son affabilité, son exubérance, son élégance sur scène et son intelligence. Il a été cet homme intrépide, mais lucide et expressif dans ses interprétations de la chanson kabyle, qu'il a modernisée pour la rendre, non seulement plus accessible aux jeunes et aux amateurs de musique d'aujourd'hui, mais aussi plus charmante et plus attirante. Les commentaires et témoignages qui m'ont précédé ne l'ont pas tari d'éloges. Ils ont été rédigés dans des expressions à la hauteur de sa personnalité, de sa sensibilité et de sa générosité. À mon tour de laisser l'Histoire dérouler son fil, comme un écheveau à démêler. À mon tour, de solliciter ma mémoire et mes sentiments pour me guider afin de remonter le temps, tel un mouvement de balancier. Et ainsi, je m'installe dans la prairie de mes souvenirs pour faire ressortir, d'abord et avant tout, ce trop plein d'énergie et de vivacité d'esprit par lequel mon frère Djamel se manifestait, spontanément, lors de nos fréquentes discussions où l'on s'arrêtait vivement sur d'importants sujets, comme de jeunes passionnés pour en terminer sur des conclusions évidentes, comme de sages adultes. Alors, je peux dire, pour ma part, que ce penchant pour la connaissance, dont les Sciences et la Culture, le fervent artiste, l'enthousiaste et le non moins sympathique Djamel Allam, l'a certainement développé à partir de cette relation d'attachement avec son environnement familial, qui a évolué de façon cohérente et continue. En effet, il avait de qui tenir, notre Djamel, quand on s'aventure dans une analyse selon son caractère. Ainsi, dans ce contexte, précisément, ne dit-on pas, généralement, que tout être humain vit sous l'emprise de son environnement immédiat et que son caractère se forge à partir de l'impact et des incidences de ce dernier. C'est ce qui correspond exactement à Djamel Allam, cet enfant terrible, dont la mère génitrice est la tribu des Ath Ouaghlis, une tribu dont sont issus de grands révolutionnaires et d'illustres savants, pétris d'érudition. J'ai à l'esprit deux, parmi le nombre de personnalités qui peuvent s'enorgueillir d'avoir cette légendaire tribu pour origine. Cheikh Tahar El Djazaïri, de son vrai nom, Cheikh Tahar El Sem'ouni El Ouaghlissi (1852 - 1920), créateur du «Mouvement Scientifique Moderne» en Syrie et ami de Medhet Pacha, le gouverneur de Damas pendant la période Ottomane. Il y avait aussi, dans ce pays du Levant, un autre Ouaghlissi et pas des moindres, Abou Yacine, le combattant de la cause palestinienne. Il était chef de commando dans les unités de Azzedine El Qassem, pendant l'insurrection d'Abdelkader El Husseïni (1936 - 1939). Il tombe en héros, au champ d'honneur, les armes à la main, en 1936 dans la région de Haïfa. Ne fallait-il pas mentionner ces deux personnages des Ath Ouaghlis, pour expliquer dans quel mortier – le courage, la détermination et la fougue – a été fait le fervent Djamel ? En effet, – dans ce bouillon de culture et... d'origines –, Djamel Allam, ne pouvait être que plus expansif, plus volubile, plus exubérant, parlant avec les gestes, mais toujours généreux. Ce sont autant de qualités qui désignaient notre artiste et le rendaient plus près de son métier, mais aussi partisan de l'effort intellectuel avec sa volonté de vouloir gagner pour bien servir son prochain et son pays. Cela répondait à une pulsion innée chez Djamel de vouloir projeter ses gènes, le plus loin possible, sur le chemin de la Vie..., de la réussite. N'est-ce pas de bonnes références pour ce sacré Djamel Allam qui ne pouvait, depuis sa tendre enfance, se dérober aux origines de ses parents et de ces illustres personnages, qui ont fait l'actualité en leur temps ? En effet, comme ses parents et les compatriotes de ses parents des Beni Ouaghlis – bon sang ne saurait mentir ! – il disposait du label du savoir-faire et, je précise du bien-faire, parce qu'il nous a légué, en guise de bilan d'une vie concrète, les preuves de son combat pour le devenir, de sa lutte opiniâtre pour le progrès, de son engagement total pour la Culture, les Arts et les Lettres et, enfin, de ses meilleurs sentiments d'amour du prochain dans la bonté et la générosité. Ainsi, on ne peut, à cette occasion, ne pas l'évoquer à travers le savoir et les valeurs qui expriment la profondeur de son être. Mais avant cela, il est opportun de dire aux jeunes qui ne le connaissent pas assez, comment a-t-il entamé son ascension dans cet extraordinaire et non moins passionnant monde de la Culture. D'abord, il faut souligner qu'à peine âgé de dix-huit (18) ans, le jeune Djamel se sentant attiré par les activités culturelles, éducatives et sociales de ces premières années de l'indépendance, programmées, dirigées et encadrées par les jeunes eux-mêmes, et désireux de construire son identité militante, est allé trouver mon ami de longue date, Salah Adour, le responsable de la section locale, le Béjaoui de souche, véritable titi qui représente cette figure du passé, pour adhérer à la JFLN. Ce premier acte responsable d'un jeune, qui avait tout à apprendre, Djamel ne l'a jamais oublié. Je me rappelle bien après, dans les années 70 quand, en visite chez ses parents à Béjaïa, il passait me voir à Bouira, en faisant cette halte traditionnelle, mais toujours fraternelle – j'étais alors jeune Commissaire national du parti du FLN. Avec une pointe d'humour, agrémentée d'un sourire espiègle, il se mettait au garde-à-vous devant moi et me disait : «Voilà chef, je fais escale chez toi !» ; et il renchérit aussitôt, ne se laissant jamais vaincre, puisqu'il aimait les précisions : «plutôt chez moi, parce que je n'oublierai jamais que je suis un ancien militant de la JFLN !» Et là, on discutait de choses et d'autres, mais surtout de Culture qui était sa passion première. Je sentais en lui cet encyclopédique omniscient qui touchait à tout, dans ce domaine de l'Art er des Lettres, et qui se mettait au diapason de l'actualité. La chanson kabyle, il en raffolait, c'est vrai, et l'interprétait superbement dans ses styles modernes, mais me sachant féru de poésie, il venait souvent marcher sur mes plates bandes pour me taquiner. Et en avant la musique..., et c'est rien de le dire! On évoquait les poètes, les écrivains, les hommes de théâtre..., de chez nous et d'ailleurs. On faisait des plongées, pas sous-marines dont il était friand, mais des voyages dans les profondeurs de belles Lettres. Ces rencontres se sont perpétuées, plus tard, quand j'occupais le poste de ministre de la Jeunesse et des Sports. Et la plus importante des rencontres, a eu lieu lors du Festival national de la Jeunesse, une manifestation réalisée par mes soins en juillet 1985, où j'ai eu le plaisir de rester longuement avec Djamel, parce que j'avais plus de temps à lui consacrer. Ces rencontres, je les qualifiais de face-à-face littéraires, en des débats où s'installaient, en bonne place, l'émulation et la fraternité et où j'apprenais, encore et encore, avec lui. J'avoue franchement que mon frère Djamel me damait le pion, de par ses grandes connaissances..., et à chacune de nos rencontres, il m'étonnait davantage. Et les occasions se multipliaient, surtout en 2006, lorsque je présidais aux destinées de la manifestation d'«Alger, capitale de la Culture arabe, pour l'année 2007» et quand au cours de longs conciliabules, à la Villa Pouillon, nous nous appesantissions, sur l'Histoire de notre pays, nos origines, nos grands Hommes, ces valeureux ancêtres qui ont largement et longuement contribué à la civilisation du Bassin méditerranéen. Nous voyagions à travers les siècles pour nous arrêter sur des savants dont la science a rayonné dans la région et même au-delà. Nous évoquions des héros, ces «Aguellids» à l'imperturbable ambition de vaincre, sur leur sol, les visées expansionnistes des indus-occupants. Mon frère Djamel était rayonnant, bouillonnant de savoir et captivant dans ses récits. Avec lui, je me sentais véritablement en retard..., je l'avoue. Alors, un jour, au cours d'un de ses élans d'inspiration, pendant que je le regardais fixement car surpris par sa faconde et son éloquence, il reprit de plus belle, mais avec beaucoup de tact et un brin de complaisance. Quel Monsieur ce Djamel Allam ! Car, sans tiquer – il comprenait mon silence –, et ne s'avouant pas surpris, il me dit, avec cette humilité des Grands : -«Kamel, j'aime beaucoup tes écrits... J'ai bouffé les livres que tu m'as offerts, mais ce que j'ai aimé, le plus, c'est ton bel ouvrage : «De Iol à Caesarea à... Cherchell» où tu remontes l'Histoire de cette capitale antique de la Numidie, depuis le roi Juba II, son épouse Cléopâtre-Sélénée et leur fils, le roi Ptolémée. Cela me rappelle ma Bgayet – Saldae, du temps de l'Empire romain – où de grands savants y ont étudié au Moyen-âge, les Raymond Lulle, Fibonacci et et Ibn Khaldoun.» Dans ma réponse, je voulais qu'il sache, qu'au fur et à mesure que nos rencontres se multipliaient, j'éprouvais un immense plaisir à l'écouter et, assurément, à nous enrichir mutuellement. Bejaïa et Cherchell ont beaucoup d'aspects communs, historiques et culturels, qui les lient et qui ont fait qu'elles soient, l'une et l'autre, deux capitales dans l'éphéméride de l'Histoire du Maghreb. En effet, nous nous permettions, en ces moments de retrouvailles, de nous étaler sur les classiques et leurs auteurs, de toutes langues et de toutes tendances. Et c'est là où je le percevais plus costaud que je ne l'espérais, sur plusieurs questions culturelles et d'innombrables personnages qui résonnent fort dans le ciel de la littérature mondiale. À l'entendre converser de la sorte, j'étais persuadé que Djamel allait loin dans ses recherches. Je le sentais assidu en permanence, fouinant énormément dans tous les ouvrages d'hier et d'aujourd'hui, dans tous les écrits qui lui tombaient entre ses mains, et c'est tant mieux, puisque le résultat de ce travail de fourmi le préservait de la flemme intellectuelle et lui permettait d'être au fait des événements et avoir cette aisance dans tous ses entretiens, en toutes circonstances. Et la musique, j'en ai parlé peu... Est-ce peut-être parce qu'il en a fait énormément, depuis la JFLN en passant par cette extraordinaire École, le conservatoire de la ville de Bejaïa, sous la direction de Sadek Bedjaoui ? Ou, tout simplement, parce que nombre de ses amis ont axé leurs témoignages sur la musique, la très belle musique, je l'avoue, de cette bête de scène, comme le qualifiait Malika Domrane ? Je ne sais pas. En tout cas, sur ce plan, je ne peux être plus expressif concernant notre artiste multiple et fécond, je ne peux être à la hauteur des Boubekeur Khelfaoui, Oulahlou, Arezki Metref ou Arezki Tahar dit Kiki, ceux-là qui l'ont peint objectivement, et exceptionnellement, avec des pointes d'affection. Je ne peux ajouter que ce petit bémol pour dire que j'aime énormément la musique de Djamel Allam, en m'excusant que dans cet hommage je me suis laissé emporter, beaucoup plus, par la présentation de l'Homme, l'infatigable érudit et de surcroît artiste, plutôt que de parler de ses chansons qui ont dépassé le cadre de nos frontières. Néanmoins, ce que je peux dire sur ce plan, sur son talent de compositeur-interprète, est qu'un autre jour, en 2006, lors de la préparation de la manifestation, déjà citée, et au cours d'une de nos discussions passionnées à propos de sujets importants, il me dit tout de go : «Ah, Kamel qu'est-ce j'aimerai bien écrire comme toi, ciseler de belles phrases pour raconter l'Histoire de notre pays !... » Et à moi de répondre : «Tu sais... Djamel, moi-aussi, que ne ferai-je pour avoir une belle voix comme la tienne et chanter de belles chansons pour la jeunesse !...» Là, je veux dire que quelquefois, chacun de nous, voudrait être l'autre... Ah, nos esprits féconds qui n'ont point d'ailes pour accompagner le vol rapide de notre imagination ! Disions-nous à l'unisson... ! Voyons encore d'autres chemins qu'a empruntés Djamel Allam, pour dire qu'il ne s'est pas arrêté à la musique..., seulement. Il ne s'est pas arrêté à cette lubie d'Apollon, assurément. Il a suivi également le chemin du cinéma, qui le définit convenablement, dans le sens le plus noble. Parce que, quand nous avons affaire à quelqu'un de la trempe de notre artiste – dans la plénitude de l'expression – l'on ne doit s'étonner de rien. En effet, l'artiste était partout, pluridisciplinaire, et portait bien ses missions. Il composait la musique de films, il était aussi comédien pour le cinéma, de l'autre côté de la Méditerranée et chez lui, en Algérie, où il a tenu un rôle dans le film «Mostefa Ben Boulaïd» de Ahmed Rachedi. Ainsi, il a été récompensé lors du 13ème Festival du film amazigh de Tizi-Ouzou, par l'octroi du Premier prix pour son film «Le Banc public». Une haute distinction que «L'Olivier d'or», qui lui a été attribué, lors de la cérémonie officielle, au Théâtre régional Kateb-Yacine de la ville des genets. De là, le trophée, entre ses mains, Djamel Allam confessait : «C'est un rêve d'enfance qui vient de se réaliser», et de continuer en rendant un vibrant hommage à Abderrahmane Bouguermouh, l'auteur de l'adaptation au cinéma de «La Colline oubliée». C'est lui, affirmait l'artiste ému, devant un public qui buvait ses paroles sincères, honnêtes et reconnaissantes, «qui m'a encouragé à me lancer dans cette aventure cinématographique. Je lui dois beaucoup pour cette montée sur le podium...» Quelle gratitude, et quelle humilité ! Madame Amhis, Nna El Djoher, la battante, qui a assisté à cette cérémonie mémorable, m'a fait cette déclaration en guise de pensée à ce grand personnage qui vient de nous quitter : «Djamel Allam est d'une ouverture extraordinaire sincère et fidèle à ses origines... Je l'ai rencontré à Tizi-Ouzou lorsqu'il a reçu L'Olivier d'or pour son documentaire... Il était plein d'humour. Quel bonhomme ce Djamel Allam ! Bravo pour sa Culture, son amour pour le pays et j'ajouterai, pour sa sympathie inégalable !» Autant de témoignages qui viennent conforter mes impressions sur celui qui a marqué de son sceau la musque kabyle, le chaâbi et introduit des notes de modernisme dans son riche répertoire. Enfin, et ça ne sera jamais la fin avec cet Homme de Culture qui a marqué son temps dans la musique, l'art et le cinéma, parce que l'Histoire, plus que l'homme, a bonne mémoire, je dois rappeler à ceux qui aiment Djamel Allam ma dernière rencontre avec lui. J'aime la raconter, parce que ce fut une rencontre d'une autre facture, d'un autre niveau d'appréciation de l'amitié et de la fidélité. J'étais à Bejaïa le 9 mai 2013, en tant qu'invité du Café littéraire organisé par l'Association des journalistes et correspondants de la wilaya, qui se tenait au Théâtre régional de Malek Bouguermouh. Je devais faire une conférence sur «L'apport concret des Algériens de Bilâd ec-Shâm, l'exemple de Cheikh Tahar El Djazairi», ce personnage que j'ai déjà évoqué en début de cet hommage. Et voilà qu'avant l'entame du programme qui m'a été prescrit, je voyais pointer devant moi mon frère Djamel Allam qui me dit, avant de m'embrasser : «Kamel, je suis là pour toi et pour notre ancêtre des Beni Ouaghlis, cheikh Tahar El Djazaïri. Je suis content d'assister à cet événement à travers lequel tu vas nous faire connaître davantage l'apport d'un de mes aïeuls au Moyen-Orient...» Ensuite, il m'enlace et me dit : «Je devais être aujourd'hui en France, mais vu l‘intérêt que j'ai pour cette conférence et le plaisir de te rencontrer pour te remercier pour ce geste que tu fais pour les gens de Bejaïa, j'ai décidé de retarder mon voyage à demain...» J'ai été très touché. Parce que Djamel déjà malade – les signes de son déclin apparaissaient sur son visage – a préféré être présent à un événement culturel et historique que de s'empresser à reprendre ses soins à l'étranger. Pour cela, je lui dis, et je pense qu'il m'entendra là où il est : cette «Hadda», Djamel, qui représente un acte de civilité, sans précédent, je ne te l'oublierai jamais..., jamais !!! Ainsi, je peux répéter ce que me disait un jour mon ami Yasser Arafat : «Celui qui produit ne meurt pas ! » Il avait raison, frère Djamel, et c'est pour cela que je dis que tout ce que tu as pu présenter pour les tiens, pour nous, pour ton public, pour ton Algérie que tu aimais tant, pour la musique kabyle, la musique chaâbie, traditionnelle et universelle, pour le cinéma, pour le théâtre, pour les artistes en termes d'attention, d'aide, de fraternité, d'amour et de solidarité, sont autant de produits qui te conserveront pour l'éternité dans le cœur des Algériens et des artistes du monde qui t'ont apprécié et aimé. Je ne termine pas ce modeste rappel, en hommage à ta mémoire, sans te dire qu'avec la musique qui était portée dans ton sang, toi l'artiste-créateur, tu resteras la légende par tes formidables interprétations, notamment les toutes premières, «Argu», «M'ara d-yughal», ensuite «Thella» ou «Djawhara», ces belles chansons qui, selon un critique littéraire, ont des sons et des couleurs, avec lesquelles tu as acquis ta notoriété tant nationale qu'internationale. Tu resteras la légende de ton temps et un véritable érudit avec ta vaste Culture. Tu resteras le meilleur des chantres avec ton oreille fine, ton sens du rythme, ton assurance et ta maîtrise, enfin, tu resteras le plus humble des copains, avec ta bonhomie, ton sens de l'humour, ton partage, ton don de soi, ton affabilité et ton humilité. Vas, rejoins confiant ton Seigneur qui aime tous ceux qui, comme toi, respectent et aiment autrui, ceux qui l'aident et se dépensent et se sacrifient pour lui. N'est-ce pas là, l'idéal que tu caressais constamment? Repose en paix, dans le vaste Firdaous d'Allah... Tu l'as bien mérité, mon frère Djamel ! «Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée ; entre donc parmi Mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis» [Sourate Al Fajr, versets 27-30].