Nous avons tous eu, en tant que partie intégrante des pays anciennement colonisés, un penchant pour Zola, grand romancier, d'origine italienne, immigré en France, de tendance socialiste et défenseur des causes justes. L'œuvre d'art, selon lui, c'est la réalité transposée par une vision d'artiste. Cela ne veut pas dire copier la réalité, mais se fonder sur la raison et la vérité pour manifester sa personnalité et son tempérament. Mais en tant que naturaliste, il opère un rapprochement entre l'art et la science. Toute œuvre romanesque pour Zola doit être le fruit de la méthode expérimentale. Le romancier a alors comme souci majeur de tout regarder et de tout dire sur la société. Le naturalisme, un courant littéraire fondé sur l'observation et l'analyse scientifique Toute œuvre romanesque pour l'écrivain naturaliste est produite dans un but scientifique. Les espèces humaines y sont étudiées comme les espèces animales. Thérèse Raquin et Germinal en donnent des preuves indiscutables. Zola a relaté l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second empire dans une série de romans édités sous des titres significatifs : La fortune des Hugon, La Curée, Le ventre de Paris, La conquête de Plassans, La faute de l'abbé Mouret, Son excellence Eugène Rougon, l'Assommoir, Une page d'amour, Nana, Pot Bouille, Au bonheur des dames, La joie de vivre, Germinal, L'œuvre, La Terre, Le rêve, La bête humaine, l'Argent, La Debâcle, Le docteur Pascal. Une vingtaine de romans qui restent des chefs d'œuvre de la littérature produits pour mettre en évidence l'influence du milieu sur des personnages mieux que cela n'avait été fait dans Thérèse Raquin ayant pour but éluder les réactions du tempérament. La lecture des revues médicales traitant des problèmes psychologiques et psychothérapiques qu'envoyait un maître du domaine, avait fait de Zola un fin connaisseur de l'incompatibilité des caractères de quatre sortes dont les sanguins, les plus fréquents comme les lymphatiques, sont déterminants pour les relations entre individus. Des conflits entre l'homme et la femme de caractère sanguins tous les deux, en sont une parfaite illustration. En s'amusant à constituer des couples dont les partenaires sont de même caractère, Zola voulait étudier dans une seule famille les questions de sang et de milieu. La physiologie joue un rôle plus important que les rouages sociaux. Par l'étude des tempéraments, il voulait aussi étudier tout le second empire en peignant tout âge social. Les problèmes des tempéraments et des milieux ont conduit Zola à donner à l'ensemble de son œuvre le titre : «Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second empire». Une seule famille lui a suffi pour montrer le changement d'une race, d'un tempérament sous l'influence du milieu. La constitution des Rougon Macquart Les thèmes choisis donnent à comprendre l'envergure de cette série de romans produits sur une période de près de vingt ans (1871-1893). Ainsi, il y a eu un roman sur les chemins de fer, un autre sur le haut commerce, puis un autre sur la débâcle de l'empire, sur la terre... et bâtis selon un plan rigoureux conforme à la méthode des scientifiques. Zola a voulu montrer que l'hérédité a ses lois comme la pesanteur, que les accidents sanguins et nerveux se déclarent dans une race à la suite d'une première lésion organique. Le second empire, correspondant probablement à la période du règne de Napoléon III, par référence aux dates ci-dessus indiquées, a servi de cadre socio historique. Zola a beaucoup insisté surtout dans Germinal sur l'accroissement du capital par une bourgeoise assoiffée d'argent et qui a exploité sans vergogne la classe ouvrière composée de toutes les catégories sociales : vieillards, adultes, hommes valides, enfants qui n'avaient aucun droit. «La Terre» nous donne à voir une image du paysan marqué au quotidien par les mœurs, la convoitise du sol dont les conséquences sont le crime et la haine. On dit que c'est par Zola que le monde ouvrier en tant que classe sociale fait pour la première fois son entrée dans la littérature romanesque. Victime des conditions inhumaines de travail, cette classe ouvrière après une période d'exploitation, donnait les signes d'une révolte prochaine ayant pour buts de revendiquer les droits les plus élémentaires : de repos en cas de maladie, ou de congé de maladie payé, une réduction de la journée de travail éprouvant. Tous ces droits longtemps ignorés laissaient présager une révolte sanglante des prolétaires pour l'effondrement de la société bourgeoise. Dans Au bonheur des dames par exemple, Zola parle du conflit opposant le capital au travail, les boutiques au commerce des grandes surfaces; tout cela entre dans la perspective de l'influence du milieu sur les individus. L'assommoir est un chef d'œuvre à lire avec beaucoup de concentration en tant que succès de scandale. Il parlait aux lecteurs dans un langage qui leur correspond pour traiter des problèmes essentiels de son temps, faisant de ce roman une œuvre d'art et une leçon de choses. C'est autour des querelles suscitées par L'assommoir que le naturalisme a porté ses fruits. Il développait des idées pour faire admettre des principes évidents et faire brèche dans l'opinion. Pour être convainquant dans ses arguments, il empruntait à Claude Bernard sa théorie de l'expérimentation pour faire du bruit autour de ses œuvres. Les théories scientifiques dont il se prévalait servaient aussi de stimulant de son génie. «Peu importe, écrivait-il, que l'écrivain déforme la réalité, s'il doit nous la rendre curieusement travaillée. Sa célèbre formule sur le roman est : «Une œuvre d'art est un coin de la nature vu à travers un tempérament».