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Le chef de file du naturalisme
Emile Zola (1840-1902)
Publié dans La Nouvelle République le 24 - 06 - 2010

Émile Zola, grand écrivain français, est considéré comme le chef de file du courant naturaliste. Il a joué, également, un grand rôle dans la révision du procès relatif à l'affaire de l'officier Alfred Dreyfus.
Années de jeunesse
Fils unique de Francesco Zola (7 août 1795 à Venise-27 mars 1847), ingénieur italien qui travaillera à Aix-en-Provence, à la construction du canal qui portera son nom, et d'Émilie Aubert (6 février 1819-17 octobre 1880), originaire de la Beauce bourguignonne, Émile naît à Paris le 2 avril 1840. La famille s'installe à Aix-en-Provence et connaît, à la mort du père, de graves difficultés financières. Au collège d'Aix, il est condisciple de Paul Cézanne à qui il dut, plus tard, de rencontrer des peintres comme Monet, Sisley, Pissarro, Manet. Il rentre au lycée Saint-Louis à Paris en mars 1858 et, en 1859, échoue par deux fois au baccalauréat (à cause du français...). Ne voulant plus être à la charge de sa mère, il abandonne ses études et cherche du travail. Le 1er avril 1860, Zola entre aux docks de la douane mais quitte son emploi deux mois plus tard. En 1862, il est naturalisé français, trouve un modeste emploi comme manutentionnaire, pour 100 francs par mois à la librairie Hachette, où il restera jusqu'en 1866.
Activités journalistiques
En quelques mois, il devient chez Hachette chef de la publicité et noue nombre de relations avec de grands noms tels que Taine ou Littré. Dès 1863, Zola collabore aux rubriques littéraires de différents journaux. Son activité de journaliste est promise à occuper dans sa vie une place de choix. Dès 1866, il tient dans l'Événement la chronique littéraire ainsi qu'une chronique artistique. Il a alors pour amis Édouard Manet, Camille Pissarro et fait la connaissance d'Edmond et Jules de Goncourt. A l'Illustration, il donne deux contes. Il écrit dans un journal alors de gauche, le Figaro, dans le Globe, le Gaulois et la Libre Pensée.
Il conçoit le projet Rougon-Macquart, qu'il terminera en 1893. Cela sans cacher qu'il s'agit d'un objectif vénal : gagner de l'argent étant l'une de ses obsessions avec celle de rendre à sa mère une dignité sociale. Il commence par écrire et faire paraître des contes, mais son projet est romanesque et s'inscrit dans le réalisme de Balzac et de Flaubert, auquel il ajoute un intérêt marqué pour les névroses. Avec Thérèse Raquin, l'entreprise se dessine, mais elle va s'accomplir avec les Rougon-Macquart, vaste fresque romanesque de vingt romans dans lesquels l'auteur entreprend de décrire tous les milieux sociaux et de montrer comment se transmet et se transforme dans une famille une même tare génétique. A ce travail colossal, Zola consacre l'essentiel de son temps pendant plus de vingt années (Nulla dies sine linea - Pas un jour sans une ligne - était sa devise). Il se marie, en 1870, avec Alexandrine Méley, mais n'aura pas d'enfants d'elle.
La même année il est engagé comme secrétaire par le député de gauche Alexandre Glais-Bizoin. En 1871, il est journaliste parlementaire à la Cloche et collaborateur régulier du Sémaphore de Marseille et du Messager de l'Europe, mensuel dans lequel paraîtront en 1878 les Romanciers contemporains et, en 1879, le Manifeste du mouvement naturaliste, le Roman expérimental.
A partir de 1873, il se lie avec Gustave Flaubert et Alphonse Daudet. Il rencontre Joris-Karl Huysmans, Paul Alexis, Léon Hennique et Guy de Maupassant qui deviendront les fidèles des soirées de Médan, lieu, près de Poissy où il possède une petite maison de campagne, acquise en 1878. Il devient le chef de file des naturalistes. Le volume collectif de ces Soirées paraîtra deux ans plus tard. En 1886, Zola rompt avec Paul Cézanne qui eut peut-être raison de se reconnaître dans le personnage de Claude Lantier, le peintre raté de l'œuvre. La publication de la Terre soulève la polémique : le Manifeste des cinq marque la critique de jeunes écrivains naturalistes. Sa vieillesse est pourtant illuminée par les deux enfants nés durant ces années.
Une vocation tardive ?
Les Rougon-Macquart achevés, Zola entreprit une nouvelle œuvre en trois volumes, Les Trois Villes : Lourdes, paru en 1894 et aussitôt mis à l'index ; Rome, en 1895 ; Paris, en 1898. Ce triptyque décrit l'aventure de Pierre Froment, fils d'un couple singulier composé d'une dévote et d'homme de science.
Il est le foyer des oppositions de la fin du siècle : la science et le retour au spiritualisme. Les Quatre Évangiles suivront : Pierre a fini par épouser Marie, avec laquelle il a trouvé le bonheur ; ils auront quatre fils, nouveaux apôtres auxquels il appartient de réaliser sur la Terre la justice et la paix. Mathieu est le héros de Fécondité (1899), Luc celui de Travail (1900), Marc celui de Vérité (1902). Zola meurt, alors qu'il travaille à Justice, dont Jean aurait été le héros.
Zola et l'affaire Dreyfus
Installé dans une confortable notoriété (il transforme régulièrement la maison de Médan avec ses droits d'auteur), il n'hésite pas à entrer dans la lutte politique lorsqu'il est convaincu de l'innocence du capitaine Dreyfus accusé d'espionnage à la solde de la Prusse. Il ne se manifeste pas lors de l'arrestation de Dreyfus en 1894. Pourtant, dès 1895, Zola est indigné par les campagnes antisémites, en particulier par celle d'Édouard Drumont dans la France juive et son journal la Libre Parole. La dégradation publique de Dreyfus, le 5 janvier 1895, et son emprisonnement à l'Île du Diable l'interpellent. Le 16 mai 1896, il publie l'article Pour les juifs dans le Figaro en réaction aux campagnes à la Drumont et s'inquiète déjà de l'honneur de la France.
Cet engagement, sa stature et son statut de chef de file du naturalisme, son indépendance à l'égard des religions et de l'argent, son efficacité rhétorique, poussent les dreyfusards Scheurer-Kestner et Bernard Lazare à lui demander d'intervenir. Il hésite mais, en septembre 1897, il écrit à sa femme qu'il est décidé. Le 13 janvier 1898, il publie dans l'Aurore de Georges Clemenceau son fameux «J'accuse» (Lettre au président de la République), donnant ainsi une nouvelle dimension au processus de la révision. Un procès en diffamation le condamne à un an d'emprisonnement, le maximum de la peine prévue, et à une grosse amende -- qui, avec les frais, s'élève à 7 500 francs (elle est payée par l'écrivain Octave Mirbeau). Il part en exil à Londres pour éviter l'emprisonnement. De retour, un an plus tard, il publie dans la Vérité en marche ses articles sur l'affaire.
Honneurs posthumes
Le 29 septembre 1902, Zola meurt asphyxié, chez lui, à cause d'une cheminée bloquée. Cette mort serait accidentelle, mais étant donné le nombre d'ennemis qu'avait pu se faire Zola (notamment chez les anti-dreyfusards) la thèse de l'assassinat n'a jamais été totalement écartée. Après sa mort, une enquête est réalisée mais n'aboutit à aucune conclusion probante. Au cours de ses obsèques au cimetière de Montmartre, une délégation de mineurs descendue du Nord défile devant sa tombe en scandant le mot «Germinal». Prononçant l'oraison funèbre, Anatole France dira de Zola : «Il fut un moment de la conscience humaine.»


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