L'organisation Human Rights Watch a révélé vendredi l'existence d'éléments prouvant que la police marocaine avait torturé des manifestants et activistes du mouvement Hirak du Rif, en les forçant à reconnaître des actes qu'ils n'avaient pas commis, invitant la Cour d'appel de Casablanca, qui doit rejuger prochainement ces militants, à y tenir compte. «Un tribunal ne peut pas tout simplement ignorer des preuves de torture» (Ahmed Benchemsi) Dans un rapport rendu public, vendredi, Human Rights Watch est revenu sur le déroulement du procès du mouvement Hirak, en apportant des éléments nouveaux prouvant de «graves actes de tortures» commis par la police marocaine à l'encontre des activistes rifains durant leur arrestation et emprisonnement à la prison d'Oukacha à Casablanca. Le 26 juin, un tribunal de première instance avait condamné l'ensemble des 53 accusés à des peines allant jusqu'à 20 ans de prison après avoir retenu leurs «aveux» comme «preuves» à charge et balayé leurs réfutations desdits «aveux», qu'ils disaient arrachés sous la contrainte. A ce propos, l'ONG a indiqué que la justice marocaine n'a pas expliqué pourquoi elle avait écarté des rapports médicaux établis par une instance indépendante suggérant qu'au moins une grande partie des accusés avaient subi des tortures et des violences policières pendant ou après leurs arrestations. «Un tribunal ne peut pas tout simplement ignorer des preuves de torture», a déclaré Ahmed Benchemsi, directeur de la communication et du plaidoyer pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord chez Human Rights Watch, affirmant que «la cour d'appel se doit d'écarter tout aveu suspect, et de garantir que personne ne soit condamné si ce n'est pour des crimes réels». Selon le rapport de l'ONG, des médecins légistes mandatés par le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), un organe indépendant, ont ausculté 34 détenus du Hirak, dont 19 du groupe de Casablanca les 17 et 18 juin 2017. Dans leurs rapports médicaux, les médecins ont écrit que les blessures subies par des détenus du mouvement Hirak présentaient un «degré de concordance élevé» ou «moyen» avec leurs allégations d'abus policiers. Mais le tribunal s'était appuyé sur des rapports de médecins qu'il avait lui même mandatés afin d'infliger de lourdes peines aux accusés, s'est indigné l'ONG internationale, citant dans ce sillage le cas de celui de «Jamal El Abassi, qui avait bien relevé que des marques de violences sur les corps de trois détenus, dont Nasser Zefzafi, leader du Hirak, mais refusant d'établir de lien entre ces marques et les violences policières illégales que les trois hommes disent avoir subies». Les droits de la défense ignorés par la justice Dans ce contexte, Human Rights Watch a précisé avoir eu à examiner «les sections pertinentes» du jugement du tribunal de première instance de Casablanca, ainsi que 41 rapports d'expertise médicale, dont 19 rédigés par les médecins mandatés par le CNDH et 22 par celui mandaté par le tribunal, assisté à 17 des 86 audiences du procès, consulté 55 documents judiciaires du dossier Hirak, et interrogé 10 avocats de la défense et six proches des activistes emprisonnés. «Selon les procès-verbaux de leurs audiences devant le juge d'instruction chargé de l'affaire, 50 des 53 accusés ont déclaré que durant leurs interrogatoires au siège de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), à Casablanca, des policiers avaient fait pression sur eux, d'une façon ou d'une autre, afin de leur faire signer des aveux auto-incriminants sans même lire leur contenu", a signalé l'ONG, ajoutant que parmi les accusés, «21 ont déclaré que les policiers marocains avaient menacé soit de les violer, soit de violer leurs épouses ou leurs filles mineures».