Les deux ONG de défense des droits de l'homme demandent à la justice marocaine de s'assurer de l'origine des aveux des prisonniers sahraouis, qui auraient été extorqués sous la torture ou les mauvais traitements, avant de rendre son verdict. C'est aujourd'hui que la cour d'appel de Rabat rendra sa sentence dans le procès des détenus sahraouis, accusés d'être responsables de la mort de onze membres des forces de sécurité marocaines lors des affrontements ayant émaillé le démantèlement par la force en 2010 d'un grand camp de protestation à Gdeim Izik, au Sahara occidental. Déclarés coupables à l'issue d'un procès militaire, avant que la cour de cassation, plus haute instance judiciaire au Maroc, n'ordonne la tenue d'une nouvelle procédure civile, suite à l'adoption d'une nouvelle loi interdisant de juger des civils devant des tribunaux militaires, les prisonniers sahraouis comparaissent devant la cour d'appel de Rabat depuis le 26 décembre 2016. Et c'est l'occasion qui a été choisie par les deux organisations non gouvernementales de défense de droits de l'homme, Human Rights Watch et Amnesty International, pour interpeller la justice marocaine. Pour Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, "le Maroc a pris une mesure positive en ordonnant un nouveau procès devant une instance civile, mais il devrait encore veiller à ce que nul ne soit déclaré coupable sur la base de preuves extorquées sous la torture". "L'appareil judiciaire marocain ne doit pas gâcher l'occasion de rendre justice que représente cette procédure civile", a déclaré de son côté Heba Morayef, directrice des recherches pour l'Afrique du Nord à Amnesty International. Elle a ajouté que "le tribunal doit exclure ces aveux et déclarations, sauf s'il parvient à démontrer de manière convaincante qu'ils ont été faits volontairement. Aucun accusé ne doit être sanctionné au motif que ses allégations de torture n'ont pas fait l'objet d'investigations pendant des années". Ceci étant, les rapports médicaux, que Human Rights Watch et Amnesty International ont pu consulter, relèvent les types de torture et de mauvais traitements que chacun des accusés affirme avoir subis lors de son arrestation et de son interrogatoire, peu après leur interpellation fin 2010. Ils affirment notamment avoir été roués de coups, parfois alors qu'ils étaient suspendus par les poignets et les genoux, et avoir subi des sévices sexuels (y compris des viols à l'aide d'un objet). On leur aurait également arraché les ongles des doigts et des orteils. Lors du précédent procès, un tribunal militaire de Rabat a déclaré tous les accusés coupables, en se fondant presque exclusivement sur des "aveux" qui auraient été obtenus sous la torture. La plupart des accusés ont été condamnés à de lourdes peines et ont déjà passé plus de six ans en prison. Il est rappelé que la Constitution marocaine interdit les actes de torture ou les actes "cruels, inhumains, dégradants ou portant atteinte à la dignité". Le code pénal marocain érige en infraction la torture. Pour le code de procédure pénale marocain, les aveux obtenus par la "violence" ou la "contrainte" ne sont pas recevables devant les tribunaux. Reste à savoir si la cour d'appel de Rabat prendra en considération ses nouvelles dispositions de la législation marocaine. Merzak Tigrine