La décision du président Trump de retirer les troupes américaines de la Syrie aurait été prise après une conversation téléphonique avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, ont révélé vendredi des responsables américains, cités par Associated Press. L'entretien téléphonique entre les deux présidents qui a eu lieu le 14 décembre dernier a été à l'origine de cette décision, y compris la démission du chef du Pentagone, James Mattis, annoncée jeudi en signe d'opposition à la démarche du chef de la Maison Blanche, affirment deux responsables de l'administration Trump qui ont requis l'anonymat. Une décision à la hâte prise par le président Trump sans prendre en considération l'avis émis par le Conseil de sécurité national (NSC), présidé par John Bolton, ni même informer au préalable les alliés des Etats-Unis en Syrie, selon les mêmes sources. L'appel en question a été arrangé par le secrétaire d'Etat, Mike Pompeo, après avoir échoué à obtenir auprès de son homologue turc, Mevlut Cavusoglu, des éclaircissements sur l'offensive militaire qu'Erdogan menace de mener contre les rebelles kurdes dans le Nord-est de la Syrie, où les forces américaines sont stationnées. En prévision de cette conversation téléphonique, Mike Pompeo et James Mattis ainsi que d'autres membres du NSC ont préparé une liste de points de discussion pour le président Trump afin de convaincre Erdogan de renoncer à sa menace d'intervenir contre les kurdes. Trump qui a accepté au préalable la feuille de discussion présentée par son équipe a fini par se ranger du côté d'Erdogan. Selon les deux sources, l'entretien téléphonique du 14 décembre a engendré quatre jours de discussions frénétiques pour dissuader Trump de renoncer à sa décision ou du moins la retarder pour donner aux Kurdes le temps de se préparer au retrait des forces américaines. Mais le président était insensible aux appels de son cabinet, relèvent les deux sources. "Les points de discussion étaient fermes», a déclaré l'un des responsables, expliquant que le président américain a été conseillé de s'opposer clairement à une offensive turque dans le nord-est de la Syrie et de proposer en échange une collaboration bilatérale pour répondre aux préoccupations sécuritaires. Il était question d'offrir à la Turquie quelque chose qui ressemble à une petite victoire, en lui accordant éventuellement le contrôle d'un territoire aux frontières, expliquent les mêmes sources. Mais le président Trump a été rapidement mis sur la défensive par Erdogan qui lui avait rappelé ses déclarations répétitives, sur la raison de la présence américaine en Syrie qui est de combattre le groupe terroriste autoproclamé Organisation de l'Etat Islamique (EI/Daech). «Pourquoi êtes-vous toujours là-bas ?», aurait demandé Erdogan à Trump, en lui précisant que les forces turques pourraient traiter avec les derniers militants de l'EI. Selon les deux responsables, Trump a rapidement capitulé, promettant de se retirer de la Syrie. Sa décision a choqué aussi bien le chef du NSC, John Bolton, qui était présent lors de cet entretien, que le président Turc lui-même. Pris au dépourvu, Erdogan a mis en garde Trump contre un retrait précipité des forces américaines. Bien que la Turquie ait fait des incursions en Syrie, elle ne dispose pas cependant de suffisamment de forces mobilisées aux frontières pour pénétrer les vastes étendus du nord-est syrien, expliquent-ils. La conversation téléphonique a pris fin lorsque le président Trump a répété à Erdogan qu'il allait retirer ses troupes mais sans lui donner de précision sur la manière de procéder. Aux Etats-Unis, la décision inattendue du chef de la Maison Blanche a été vivement critiquée par la classe politique américaine l'assimilant à une trahison envers les Kurdes qui ont combattu aux côtés des forces américaines. Les Etats Unis ne peuvent s'acquitter efficacement du rôle de nation indispensable dans le monde libre sans maintenir de solides alliances et faire preuve de respect envers ces alliés, a écrit James Mattis jeudi dans sa lettre de démission. Le départ du chef de Pentagone a été très mal accueilli par le Congrès qui voit en lui une force de stabilité dans l'administration Trump. Nancy Pelosi, la chef de file des démocrates, a déclaré jeudi que James Mattis a fait preuve d'un grand patriotisme. Sa lettre que tous les Américains doivent lire «est un énoncé de valeurs», a-t-elle dit.