Pour sa deuxième sortie sur des médias publics, Lakhdar Brahimi ancien ministre des Affaires étrangères, s'est efforcé d'expliquer le sens de sa démarche qui ne correspond, insiste-t-il, à aucune mission consistant à «vendre la feuille de route du Président». Hier matin, sur les ondes de la Chaîne III de la radio nationale dont il était l'invité de la rédaction, Lakhdar Brahimi a fait constater que, dans la situation actuelle, il y a un blocage et non une impasse, espère-t-il, en soulignant la nécessité du dialogue, qu'il ne cesse de répéter, dit-il. C'est une urgence, plutôt on commence à parler, mieux ça vaut, selon lui. Il estime qu'il est absolument certain que le dialogue est "indispensable et urgent". Il trouve compréhensible que la rue tienne la position qui est la sienne, mais, pour lui, ce qui est moins compréhensible, c'est que ceux qui se disent des leaders, des cadres, des meneurs, suivent la rue au lieu d'essayer de diriger ce mouvement qui a commencé, rappelle-t-il, il y a bientôt un mois. Pour l'ancien ministre des Affaires étrangères, la revendication du changement prônée par la population est parfaitement légitime, compréhensible et, ajoute-t-il, même attendue. Il estime qu'il y a unanimité dans le pays quand la rue a scandé ses premiers slogans : non au 5ème mandat, pour le changement, pour la 2ème République. Il a ajouté néanmoins que le changement «ne se fait pas tout seul», et la deuxième République incarnant ce changement «est une aspiration légitime», qui passe par un programme «complexe et compliqué» et le premier pas est d'une importance capitale qui ne doit pas se faire dans «le désordre». Ce premier pas, explique-t-il, se fait dans l'organisation. Il appelle à un dialogue «organisé et structuré», c'est ce dont on a besoin, selon lui, et pour cela, ajoute-t-il, il faut commencer à parler dans un premier face à face et pas le dos tourné les uns aux autres. Lakhdar Brahimi fait remarquer que la voix de «la rue a été entendue» (par le pouvoir) et «il faut mettre au point ce qui a été décidé». Il ajoute qu'à partir des interventions du président Bouteflika, de ce qu'il a entendu lui-même, de la part des responsables qu'il a rencontrés, il lui semble que «le message est arrivé cinq sur cinq». Se défendant d'avoir été mandaté «pour vendre la feuille de route du président», «c'est impensable», dit-il, l'ancien diplomate croit déceler une mauvaise volonté de la part de ceux qui lui posent, chaque fois, cette question. Il rappelle qu'il est à la retraite depuis 1993, que l'Algérie est son pays et qu'il a des liens de toutes sortes, familiaux, amicaux et aussi avec des gens avec lesquels il a travaillé jusqu'en 1993. «Ni le président, ni le gouvernement, répond-il, ne m'ont donné de mandat». Pour le diplomate algérien, ce qui se passe dans la rue est «très enthousiasmant, encourageant» mais d'un autre côté, «ça ne peut pas continuer indéfiniment». Il a relevé que la rue avait des slogans «très simples que tout le monde a compris et donné son accord» pour le changement «rapide et immédiat», rappelant que le président de la République avait «répondu favorablement en renonçant au 5ème mandat et le report des élections. D'accord aussi, ajoute-t-il, pour une deuxième République «Il faut maintenant que les gens s'assoient pour mettre un programme pour effectuer le changement en vue de l'avènement de la 2ème République», a-t-il dit. C'est ce qui manque en ce moment, fait-il constater. Il rappelle que les responsables sont disposés au dialogue mais, précise-t-il, ce sont ceux qui se sont désignés porte parole du mouvement qui disent «Non, partez tous !». Il insiste sur le risque de ce «partez, tous !» en citant l'exemple de la situation pénible dans laquelle s'était retrouvée l'Irak, sans vouloir faire peur, insiste-t-il. Il s'adresse aux manifestants pour leur conseiller d'être conscients des dangers et d'avancer les yeux ouverts. Par ailleurs, Lakhdar Brahimi estime que l'on n'a pas su opérer cette évolution d'une génération à l'autre. Il a fait savoir que depuis 1962, plusieurs «tournants très importants» n'avaient jamais été «négociés de la bonne manière», ce qui, constate-t-il, «nous a chaque fois précipité dans le fossé», mettant en garde pour ne pas refaire les mêmes erreurs en saisissant cette «opportunité historique» de mettre le pays sur les rails «pour longtemps». A propos des jeunes, Lakhdar Brahimi reconnaît qu'on n'a pas su les mobiliser.