«Plus tôt on commence à parler, mieux ça vaut», a-t-il affirmé. Pour ce diplomate chevronné, «ceux qui s'en disent les leaders, voire les meneurs, devraient diriger la rue au lieu de la suivre». Répondant aux revendications de millions d'Algériens descendus dans la rue depuis le 22 février pour réclamer un changement de régime et l'avènement d'une 2e République, l'ancien diplomate, Lakhdar Brahimi, a appelé à un «dialogue structuré et organisé». L'ancien ministre des Affaires étrangères a, lors de son passage hier sur les ondes de la Chaîne III de la radio nationale, souligné l'«urgence d'amorcer le dialogue organisé pour sortir du blocage», soutenant que la revendication du changement prônée par la population est «légitime, compréhensible et attendue». Lakhdar Brahimi reconnaît qu'il existe un «blocage» dont il dit espérer qu'il ne soit pas une «impasse». Selon lui, et quelles que soient les dispositions de la «rue», le dialogue est «indispensable et urgent». «Plus tôt on commence à parler, mieux ça vaut», a-t-il affirmé. Pour ce diplomate chevronné, «ceux qui s'en disent les leaders, voire les meneurs, devraient diriger la rue au lieu de la suivre». Pour l'ancien diplomate, le changement aspiré par la jeunesse algérienne ne peut pas se faire tout seul. «Il faut un programme pour réaliser ce changement et aller vers la 2e République», a-t-il indiqué. La deuxième République incarnant ce changement «est une aspiration légitime», qui passe, selon Brahimi par un programme «complexe et compliqué» et «un premier pas d'une importance capitale» qui ne doit pas se faire dans «le désordre». Pour l'invité de la radio, ce qui se passe depuis près d'un mois dans la rue est «très enthousiasmant et encourageant», mais d'un autre côté, «ça ne peut pas continuer indéfiniment». Il a relevé que la rue avait des slogans «très simples que tout le monde a compris et donné son accord» (le pouvoir notamment) pour le changement «rapide et immédiat». Pour lui, le président de la République Abdelaziz Bouteflika avait «répondu favorablement en renonçant au 5e mandat et en reportant les élections». Un report, qu'il semble omettre, a été rejeté par la rue qui continue de se manifester contre ce qu'elle a appelé une énième violation de la Constitution. «La voix de la rue a été entendue (par le pouvoir). Il faut mettre au point ce qui a été décidé», a-t-il réitéré. Alors que justement, tout ce qui a été décidé (report de la présidentielle, et la formation d'un nouveau gouvernement) n'a pas été pour plaire aux Algériens qui ont répondu par la rue aux propositions de Bouteflika. Le message reçu «cinq sur cinq» ! Evoquant les rencontres qu'il a effectuées à son retour en Algérie depuis le début des évènements, il indiquera que les responsables politiques ont reçu le message «cinq sur cinq». «Ce sont ceux qui se sont institués comme les porte-parole du mouvement à ce propos, je crois qu'ils n'ont pas été désignés par qui que ce soit qui disent non, changement immédiat», a-t-il indiqué. «Très bien, laissez-nous partir mais organisons le départ. On ne va pas mettre la clé sous le paillasson et partir», a avancé le ministre à la retraite, ajoutant qu'«en Irak, ils sont partis tous. Mais regardez ce qui est arrivé à ce pays». Répondant aux accusations de vouloir faire peur en évoquant l'Irak, Lakhdar Brahimi a estimé qu'«il y a cette manière de dire que nous ne sommes pas comme tout le monde, nous sommes différents, et ce qui est arrivé aux autres ne peut pas nous arriver. Il faut faire attention». «Parler de l'Irak ou de la Syrie, ce n'est pas essayer de dire à la population ‘'ne bougez plus''. On leur dit avancez les yeux ouverts et essayez de faire en sorte que les dangers qui ont endeuillé les autres ne vont pas nous endeuiller à notre tour», a insisté Lakhdar Brahimi. Interrogé sur son rôle dans cette crise, il dira : «Je suis un Algérien à la retraite depuis 1993. C'est quand même mon pays», a-t-il rétorqué, ajoutant : «Ni le Président ni le gouvernement ne m'ont donné de mandat». L'ancien diplomate a également réagi aux accusations concernant une éventuelle déconnexion entre la réalité algérienne et lui. «Je ne connais pas suffisamment bien mon pays, mais comme je le dis partout, on ne connaît jamais suffisamment. Il y a toujours quelque chose à apprendre et j'ai beaucoup à apprendre au sujet de mon pays», a indiqué Brahimi. «Mais je n'ai jamais rompu avec mon pays. Je ne suis jamais resté une année sans venir ici. Et j'ai quand même un peu de famille, un peu d'amis, je voyage un petit peu à l'intérieur du pays… Dire que je ne connais rien de l'Algérie, c'est un peu injuste», a-t-il estimé. «Nous avons eu dans notre histoire, depuis 1962, plusieurs tournants très importants et nous n'avons jamais négocié ces tournants de la bonne manière ou d'une manière parfaite. Nous sommes à chaque fois allés dans le fossé. Il ne faut pas le refaire. Cette crise est une opportunité historique de nous mettre sur les rails pendant longtemps. Et pour faire ça, il faut s'asseoir, il faut parler», a conclu Lakhdar Brahimi.