Avant même d'accepter sa mission de médiateur de l'ONU, et avant même de révéler ce qui tient lieu de feuille de route, Lakhdar Brahimi en avait rappelé ce qui constitue en quelque sorte le préalable, c'est-à-dire que du moment qu'elles en ont accepté le principe, les parties en conflit en Syrie sont tenues de se soumettre aux règles quelles qu'elles soient, même si elles devaient perdre l'initiative, ce qui, de toute évidence, échappait à l'une, mais sans qu'elle soit propre à l'autre. C'est la place de la médiation, un troisième pôle à l'action temporaire. L'ancien diplomate algérien a aussi indiqué, entre autres, qu'il fallait inévitablement engager une période de transition et qu'en tout état de cause, ni l'une ni l'autre des deux parties ne pouvait assumer un quelconque leadership. Pas de maître du jeu. C'est sur cette base que la médiation a pu être engagée, et si elle ne connaît pas encore d'avancée concluante, cela, devrait-on dire, ferait partie de la règle du jeu en pareille circonstance, chaque partie voulant être en position de force. Sauf que la réalité n'est pas un élément probant, le pire en étant l'aboutissement. Ce qui a eu pour effet d'agacer Lakhdar Brahimi qui a dû perdre son sourire en entendant le chef de l'Etat syrien énoncer, dimanche dernier, ce qui n'est rien d'autre qu'une nouvelle règle du jeu. Bachar Al Assad a, en effet, proposé un dialogue national sous son égide et s'affaire depuis mardi à mettre sur pied les mécanismes d'application de cette feuille de route, malgré le rejet par l'opposition. Ce qui n'était pas du tout improbable. La réponse de M. Brahimi a été fulgurante. «Le temps des réformes généreusement accordées (par le pouvoir) est révolu», a-t-il ainsi déclaré. Et d'en donner jusqu'au mode opératoire et sans la moindre précaution oratoire ou clause de style. «Le peuple veut avoir son mot à dire sur la façon dont il est gouverné.». Une véritable démocratie et en finir avec un régime dynastique. Des propos sentencieux. M. Brahimi constatant que «ce que les gens disent (en Syrie), c'est qu'une famille qui règne pendant quarante ans, c'est un peu trop long». Quant au réquisitoire, il est d'une terrible logique en affirmant que «le président Al Assad pourrait prendre l'initiative de répondre aux aspirations de son peuple, plutôt que d'y résister». Autant dire que Lakhdar Brahimi qui a peut-être changé de ton ou de style est demeuré conséquent avec ce qui tient lieu de programme, ce qui a eu pour effet d'irriter les autorités syriennes, mais lui n'est pas venu pour cela. Il l'a dit à l'instant même où son nom circulait pour succéder à Kofi Annan à ce poste. Son parcours plaidant pour lui, il sait ce qu'est une médiation et il pensait avoir été compris par toutes les parties en conflit. L'opposition, se rappelle-t-on, avait mal accueilli son initiative consistant à en élargir le cercle et impliquer celle de l'intérieur. M. Brahimi avait besoin de rappeler ses prérogatives. Il l'a fait avec beaucoup de pertinence.