Les journalistes qui ont célébré la Journée mondiale de la liberté de la presse, ce vendredi 3 mai, en couvrant les manifestations qui ont eu lieu dans la capitale et plusieurs autres grandes villes du pays, ont été certainement confrontés à la difficile épreuve de contenter tous les différents groupes qui animent le hirak en reportant aussi bien dans les comptes-rendus que dans les titres de leurs articles, les slogans très diversifiés scandés par les manifestants. En même temps, les fondamentaux de leur métier exigent des journalistes la rigueur et la vérité, et surtout d'éviter de tomber, sous la pression de l'événement, dans l'exagération et le parti-pris, et de se laisser dériver jusqu'à l'extrême qui est carrément de devenir propagandistes de l'un des protagonistes dans la situation qui est traitée au lieu de s'en tenir à un minimum d'objectivité. Cet exercice est d'autant plus malaisé que, l'euphorie ambiante, et chez les plus jeunes, peut-être, la méconnaissance de l'histoire héroïque des journalistes algériens, poussent à faire croire que la liberté de la presse en Algérie est un produit direct du hirak actuel, comme l'a entendu dire, horrifié, un vétéran qui a connu aussi bien l'époque du parti unique, où il fallait faire preuve d'une grande subtilité, que celle des années 1990 et suivantes qui ont prouvé le courage des professionnels de la presse toutes catégories confondues. Cette contre vérité selon laquelle, la liberté de la presse est née avec le hirak, a également surpris un cadre à la retraite, lecteur assidu des journaux et surtout témoin des années où le terrorisme s'en est pris aux journalistes parce qu'ils faisaient leur métier d'informer, tout en luttant pour la liberté et la démocratie, ou tout simplement parce qu'ils s'étaient mis au servie de leurs lecteurs et de l'opinion publique. Il rappelle que déjà à l'époque, mais aussi après et jusqu'à tout récemment, en tout cas, avant le 22 février, la presse a soulevé et fait connaître les affaires de corruption dès qu'elles ont eu lieu, sans attendre. Ceci étant, la vocation des journalistes n'est pas de jeter de l'huile sur le feu. C'est d'ailleurs aussi l'avis du gouvernement exprimé dans une déclaration lue en son nom par le ministre de la Communication, Porte-parole du Gouvernement, Hassan Rabehi : "Vigilance, responsabilité et lucidité doivent être les instruments de clairvoyance d'un journalisme professionnel et éthique, pour être à la hauteur d'un rôle qui n'est pas moins celui de médiateur d'un dialogue vital entre tous les Algériens au service de l'intérêt supérieur de la Nation". Le gouvernement est convaincu qu'«aucun média, aucun journaliste ne perdent de vue les enjeux de l'étape particulière que vit notre pays qui est autant porteuse d'opportunités pour notre nation, qu'elle foisonne de dangers pour les aspirations, que chaque Algérienne et chaque Algérien, portent pour eux-mêmes et pour l'Algérie". Toujours selon la déclaration du gouvernement, "la presse nationale, avec ses journaux, ses émissions radio, ses rendez-vous audiovisuels, ses éditions électroniques se doit d'être un espace responsable de conciliation des démarches des uns et des autres pour consacrer les conditions d'une solution consensuelle". Il faut reconnaître que l'intransigeance du hirak ne se manifeste pas uniquement à l'endroit des médias. Elle s'exerce tout autant à l'égard de personnalités présentées comme ayant les faveurs des manifestants. Là aussi, comme le relève un ancien journaliste, les excès de langage dans le jugement ne manquent pas pour rappeler la tendance, chez l'un, à trop vite démissionner de son poste, chez l'autre à confondre entre la posture d'enseignant universitaire et d'homme d'Etat, enfin, un troisième, qui cherche à représenter le hirak alors qu'il n'a pas les faveurs de sa propre corporation ni de son parti politique. Pratiquant une activité professionnelle publique par excellence, les journalistes sont naturellement exposés aux appréciations et critiques portant sur leur façon de faire leur métier.