L'objet de cette présente contribution qui fait suite à différentes contributions internationales d'autres est le fruit des différentes audits réalisées sous ma direction entre 1973/2018 concernant différents secteurs économiques qui ont relaté des surcoûts exorbitants par rapport aux normes internationales - mauvaise gestion ou corruption recommandations qui n'ont pas été suivies car s'attaquant à de puissants groupes d'intérêts, les différents régimes étant donc au courant de ces malversations puisque eux-mêmes ayant commandé ces études - et donc réconfortant l'action récente de la justice qui a été accompagnée par le Haut- Commandement de l'ANP. Mais s'il faut saluer les actions actuelles de lutte contre la corruption qui conduisaient le pays à la dérive du fait de leur ampleur et du niveau des responsables impliqués, qui étaient supposés protéger les deniers publics, pour une action pérenne, il faut s'attaquer à l'essence et non au secondaire car les mêmes pratiques dans une même organisation, reproduisent à terme les mêmes effets négatifs. Avec cette corruption socialisée, selon la majorité des rapports internationaux, il était utopique de parler d'une véritable relance économique. L'objectif central est de faire taire nos divergences secondaires et de travailler tous ensemble pour que l'Algérie devienne un pays émergent horion 2025/2030, tenant compte des enjeux géostratégiques et de la transformation rapide du monde assistant à un bouleversement de la chaîne des valeurs mondiale posant cette question: dans quels segments de filières l'Algérie peut avoir un avantage comparatif pour résoudre le lancinant problème du chômage et éviter des tensions sociales. Au-delà des données statistiques qui peuvent être trompeuses, il faut replacer la faiblesse des impacts des investissements au manque de vision stratégique et à la mauvaise performance, étroitement liée aux carences en matière de gestion des dépenses publiques. Si l'Algérie veut dépasser la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée au sein d'un monde turbulent et instable préfigurant d'importants bouleversements géostratégique, le futur défi de l'Algérie, elle a les potentialités de sortie de crise, et elles sont énormes, sera d'avoir une visibilité dans la démarche des reformes structurelles indispensables conciliant efficacité économique et une très profonde justice sociale, et au niveau des sphères du pouvoir tant central local des femmes et hommes d'une très haute moralité, avec une nouvelle architecture institutionnelle reposant sur de véritables contre-pouvoirs démocratiques. En tenant compte de la morphologie de la société suite aux travaux des prix Nobel de sciences économiques Amyra Sen dans son apport sur l'anthropologie économique et Elinor Ostrom et d'Olivier Williamson pour «leurs apports à l'analyse de l'efficacité des institutions et à la gouvernance de l'entreprise, analyse qui approfondit celle du fondateur de la Nouvelle Economie Institutionnelle, (NEI- Douglass North). Ces apports ont démontré que les institutions ont un rôle très important sur les organisations et la société, constituant un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme, le terme d'institution désignant «les règles formelles et informelles qui régissent les interactions humaines», et «les règles du jeu» qui façonnent les comportements humains dans une société. Parce qu'il est coûteux de coopérer sur le marché, il est souvent plus économique de coopérer au sein d'une organisation, et en introduisant l'importance de la confiance et du «capital social» comme ciment de la coopération. Donc une nouvelle vision stratégique collant tant aux nouvelles mutations sociales internes qu'aux mutations mondiales, s'impose si l'on veut éviter à terme une implosion sociale aux conséquences désastreuses pour le pays. Aussi, sans vision stratégique, les mesures populistes décidées dans la précipitation ne feront que différer les tensions sociales. Ainsi s'impose une révision profonde de l'actuelle politique socio-économique où selon l'expression de la directrice du FMI, l'Algérie dépense sans compter vivant de l'illusion de la rente éphémère. Du fait que la crise multidimensionnelle que traverse la société algérienne est systémique, cela dépasse le cadre strictement économique, renvoyant à des aspects politiques impliquant une gouvernance renouvelée et donc la refondation de l'État se fondant sur des institutions crédibles et non d'organes bureaucratiques créés sous la pression de la conjoncture. Cela implique par une réelle décentralisation (à ne pas confondre avec le régionalisme néfaste) et une lutte concrète contre la corruption qui a des effets dévastateurs auprès de l'opinion nationale et internationale, traduisant par là un État de non-droit et une gouvernance centrale et locale mitigée. Le deuxième farceur déterminant après la bonne gouvernance est la valorisation du savoir. Or, prenant en compte des performances de l'éducation, de la santé, de la qualité de vie, le dynamisme économique et l'environnement politique, le grand hebdomadaire financier américain Newsweek très influent dans les milieux d'affaires avec l'appui d'éminents experts internationaux dont le prix Nobel et professeur à Columbia University Joseph E. Stiglitz, McKinsey & Co, le directeur du Bureau Byron Auguste, le directeur fondateur de l'Institut de l'Université McGill pour la santé et la politique sociale et le professeur à l'université Geng Xiao, directeur de la Colombie-Global Centre Asie de l'Est, dans une enquête fouillée, classe l'Algérie à la 85ème position sur un échantillon de 100 pays. Ce rapport montre clairement que l'Algérie risque à terme de se vider de ses cerveaux, de sa substance essentielle, un pays sans son élite étant considéré comme un corps qui se vide de son sang. Dans ce cadre, comment ne pas rappeler que l'élite algérienne est caractérisée par sa marginalisation sociale selon la revue américaine Foreign Policy a consacré plusieurs enquêtes minutieuses aux pays les plus vulnérables au monde. À cet effet, la revue américaine a même classé l'Algérie parmi les plus vulnérables au monde avec une note de 8,6 sur 10 pour la disparition et la dispersion de l'élite, s'agissant d'une des notes les plus mauvaises du monde. Selon cette revue, les conditions de vie déplorables des cadres et cerveaux algériens, les très bas salaires et l'environnement politique défavorable hypothèquent l'avenir de l'Algérie qui risque de se retrouver sans son intelligentsia pour construire son avenir (voir notre autre contribution dans ce présent ouvrage). Pour avoir une appréciation objective, il faut analyser non pas la balance commerciale mais surtout la balance des paiements en tenant compte des mouvements de capitaux dont les transferts de dividendes et de services car nous assistons à un déficit du service de la dette inquiétant. Ce poste a plus que triplé par rapport à 2004 passant d'une moyenne de 4 milliards de dollars à 10/12 milliards de dollars entre 2010/2018 concernant principalement les importations de services au titre des infrastructures publiques, et par des entreprises du secteur des hydrocarbures. L'objectif est-il d'évaluer et de rendre plus performant la gestion des ressources humaines, la valeur la plus sure, interpellant la réforme de tout le système socio-éducatif du primaire au secondaire en passant par la formation professionnelle, par une formation permanente impliquant un audit mettant en relief nettement la typologie du personnel existant, l'adéquation de la formation aux besoins, la disponibilité des compétences adéquates, les politiques de recrutement, l'évolution de la productivité du travail, les appréciations des mesures d'incitation et enfin l'évaluation du climat et de la culture d'entreprise dont la prise en compte -au profit des travailleurs- d'une gestion plus rationnelle des importantes sommes des œuvres sociales. Mais bien manager les ressources humaines, cela suppose que le planning des actions à mener, doit être synchronisé du fait de la complexité de l'opération et sous tendu par un dialogue permanent avec l'ensemble du collectif des travailleurs à tous les niveaux, impliquant l'ensemble des structures concernées qui doivent être parties prenantes des prises de décision afin de susciter l'adhésion de tous. C'est que la nouvelle gouvernance tant locale que le management stratégique des entreprises ne sauraient reposer sur le dicktat mais impliquent un nouveau management de la ressource humaine, de comprendre la sensibilité des femmes et hommes qui composent tant la société que de l'entreprise. Concernant les responsabilités, il y a lieu de tenir compte que l'Algérie est toujours en transition, ni économie de marché ni économie planifiée. C'est cette interminable transition qui explique les difficultés de régulation, posant d'ailleurs la problématique de la responsabilité du manager de l'entreprise publique en cas d'interférences ministérielles. Dans ce cas, la responsabilité n'est-elle pas collective et renvoie au blocage systémique, les managers prenant de moins en moins d'initiatives ? Mais je ne saurais trop insister que le contrôle efficace doit avant tout se fonder sur un Etat de droit, avec l'implication des citoyens à travers la société civile, une véritable opposition sur le plan politique, une véritable indépendance de la justice, tout cela accompagné par une cohérence et visibilité dans la démarche de la politique socio-économique, un renouveau de la gouvernance au niveau global afin de délimiter clairement les responsabilités et pour plus de moralité des dirigeants aux plus hauts niveaux afin de faciliter la symbiose Etat/citoyens. C'est que le fondement de tout processus de développement repose sur des instituions crédibles et c'est une loi universelle. La dynamisation pas seulement la Cour des comptes mais également du Conseil national de l'énergie, le Conseil économique et social, la Bourse d'Alger et du Conseil de la concurrence, qui conditionnent le développement de l'Algérie comme adaptation tant aux facteurs internes qu'au mouvement du nouveau monde, sera fonction de rapports de forces, renvoyant donc à d'autres sphères que l'économique, en un mot au politique. En fait, leur dynamisation pour leur léthargie trouve son essence dans des enjeux importants de pouvoir concernant l'approfondissement ou pas des réformes structurelles tant dans le domaine politique, économique culturel que social. Car, force est de reconnaître qu'en ce mois de juin 2018, Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach (plus de 98% directement et indirectement des recettes en devises) et que l'Algérie a une économie de nature publique avec une gestion administrée centralisée, du fait que les réformes structurelles de fond tardent à se concrétiser sur le terrain. L'Algérie est une économie totalement rentière n'ayant pas préparé encore l'après hydrocarbures après 50 années d'indépendance politique alors que la population passera dans 25/30 ans de 43 millions au 01 janvier 2019 à 50 millions horizon 2030 sans hydrocarbures. La découverte de réserves physiquement n'ayant aucun sens, pouvant en découler des milliers de gisements non rentables, le niveau des réserves se calcule en fonction du couple coût intérieur, vecteur prix international, des énergies substituables en corrélation avec les mutations mondiales énergétiques et du rythme des exportations et de la consommation intérieure. C'est que la majorité des observateurs nationaux et internationaux convergent vers ce constat : durant cette période de transition difficile d'une économie étatisée à une économie de marché concurrentielle et l'État de droit est que les réformes sont timidement entamées malgré des discours que contredisent quotidiennement les pratiques sociales. En ce mois de juin 2019, deux institutions, qu'il s'agit de préserver dans leur cohérence et unité, garantissent actuellement la sécurité et une relative stabilité de l'Algérie : l'Armée nationale populaire (ANP) pour les forces de sécurité et la Sonatrach. Les banques, lieu de distribution de la rente, continuent de fonctionner comme des guichets administratifs, et du fait des enjeux des réformes souvent différées s'attaquant plus aux aspects techniques qu'organisationnels, alors qu'elles sont le moteur des réformes, la privatisation et le partenariat comme moyens d'investissement et de valeur ajoutée piétinent, faute de cohérence et de transparence ; la facture alimentaire est élevée malgré le fameux programme agricole (PNDA) dont il conviendra de faire le bilan du fait de plusieurs milliards de dollars de dépenses, sans oublier la bureaucratie et la corruption qui continuent de sévir. En résumé, comme conséquence de ces résultats mitigés et de l'incohérence et du manque de visibilité de la politique socio-économique, analysés tout au cours de cette contribution, pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, nous assistons à des tensions à travers toutes les wilayas contre la hogra, la corruption, la mal vie, d'une jeunesse dont le slogan est «nous sommes déjà morts», ce qui traduit l'impasse du système économique basé sur la distribution de la rente, à générer une croissance hors-hydrocarbures, seule condition pour faire face à ce malaise social. Aussi, s'agit-il d'éviter le monologue et élargir le débat à tous les segments de la société. Les derniers évènements et mesures biaisées montrent clairement que certains segments des pouvoirs publics (central et local), du fait de l'ancienne culture bureaucratique et administrative, n'ont pas une appréhension claire de l'essence de la crise actuelle. La lutte contre la corruption implique un véritable Etat de Droit une nouvelle gouvernance si l'on veut la combattre efficacement alors qu'elle constitue le plus grand danger, pire que le terrorisme qu'a connu l'Algérie entre 1990/2000. Sans l'amélioration de la gouvernance local et centrale. Mais ne soyons pas pessimiste vis-à-vis de la situation actuelle. Comme j'ai eu à l'affirmer dans l'interview donnée à Jeune Afrique ParisFrance le 24 juin 2019 «notre jeunesse et l'Armée nationale populaire ont montré une maturité sans faille. Mais il faut impérativement dépasser le statut quo actuel avant la fin de l'année 2019 par des élections transparentes, car une plus longue période de transition conduirait forcément le pays à la dérive économique et sociale. Et en économie, le temps perdu ne se rattrape jamais. Le dialogue productif avec des concessions de part et d'autre au profit exclusif de l'Algérie, assorti à une profonde restructuration des partis et de la société civile sur la base de nouveaux réseaux, est la seule voie de sortie de la crise actuelle». L'Algérie a besoin qu'un regard critique et juste soit posé sur sa situation, sur ce qui a déjà été accompli de 1963 à 2019, et de ce qu'il s'agit d'accomplir encore au profit exclusif d'une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d'un même projet, d'une même ambition et d'une même espérance. (Suite et fin) Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtou