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L'Algérie face aux tensions géostratégiques à ses frontières
Publié dans La Nouvelle République le 29 - 12 - 2019

Le Conseil de sécurité s'est réuni sous la présidence du président de la République Abdelmajid Tebboune au moment où la région connaît un véritable bouleversement géostratégique sans précédent sans compter les tensions en Syrie, en Irak et dans d'autres contrées du monde.
C'est que les enjeux au Moyen-Orient et au Sahel préfigurent d'importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques. Ces enjeux sont intiment liés aux nouvelles mutations mondiale actuelles qui devraient qui conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires, objet de cette présente contribution.
Bouleversements géostratégiques au Maghreb et au Sahel
C'est que la fin de la guerre froide marquée par l'effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 représente un tournant capital dans l'histoire contemporaine. Le premier événement marque la fin d'un monde né un demi siècle plutôt et la dislocation d'une architecture internationale qui s'est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd'hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Or, les défis collectifs nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l'environnement. Ils sont d'ordre local, régional et global.
En 2018, nous assistons dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l'effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région. Déjà, les rapports entre le Sahel et la Libye de Kadhafi étaient complexe. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi le Sahel est l'un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu des armes, dont 15000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l'armée libyenne dont une partie a été accaparé par de différents groupes qui opèrent au Sahel.
Selon l'ethnologue français Henri Lhote, dans une étude intéressante montre clairement que de puis deux millénaires, le Sahara, cet espace désertique, comme le souligne l'ethnologue français Henri Lhote, a toujours constitué un pont entre l'Afrique du nord et l'Afrique noire car, avant même l'époque romaine une route des chars le traversait déjà. Selon l'ethnologue, les gravures rupestres du Tassili et du Hoggar, tout comme celles que l'on retrouve en territoire nigérien dans les zones de Mamanet sont là pour attester cet état de fait. Mais les relations commerciales transsahariennes ne se développèrent qu'au moyen âge, et connurent leur apogée au cours d'une période qui s'étend du XIème au XVIème siècle, avec un temps fort généré, à travers les contacts noués avec le commerce européen au XVème siècle.
Les principaux axes caravaniers, qui traversaient le massif de l'Aïr, reliaient l'empire du Mali au Fezzan et à l'Egypte, puis les pays Haussa au sud algérien et à la métropolitaine. Quelques grands courants d'échanges relièrent, à l'époque, le nord de l'Algérie et le Maroc à l'Afrique noire, note le géographe français E. Grégoire, in ''Touaregs du Niger, le destin d'un mythe''. Deux grandes routes traversaient le Sahara. L'une, à l'ouest, empruntait le Touat (région d'Adrar) et le Tanezrouft (région située à l'ouest du massif du Hoggar), pour atteindre Gao et Tombouctou. L'autre route, doublait la première à l'est et reliait Alger et les oasis du Touat et du Tidikelt (plaine séparant In' Salah de Reggan) à Agadez en passant par In' Salah, plaque tournante pour les caravanes venant de Ouargla, Ghardaïa, Touggourt et Ghadamès.
La piste traversait ensuite le Hoggar par les gorges d'Arak pour atteindre la région de Tamanrasset puis la capitale de l'Aïr. Les Touaregs, qui savaient affronter le désert, convoyaient pour le compte des commerçants arabes et berbères les marchandises de ce commerce dont ils assuraient également la protection. Ces marchandises étaient constituées d'or, d'esclaves et d'ivoire en direction de l'Egypte, de cotonnades et d'objets de luxe vers le Mali. Des cités Haussa (Kano, Katsina) remontaient vers le Maghreb des peaux de bœufs tannées, des plumes d'autruches, des couvertures en coton, tandis que descendaient des clous de girofle, des parfums et des burnous, ce qui constituait, à l'époque, l'essentiel des marchandises qui circulaient dans la bande sahélo-saharienne. Ce commerce transsaharien survécut aux vicissitudes de l'histoire jusqu'à la fin du XIXème siècle.
La conquête coloniale perturba ce trafic transsaharien et avec le temps, le dromadaire laissa la place aux camions. Avec les tensions géostratégiques récentes le trafic a pris plus d'ampleur notamment les conflits en Irak, Syrie et pour cette zone l'instabilité au Mali, Niger et surtout libyenne. Récemment, certaines sources de renseignement n'écartent pas le retour de Djihadistes en provenance de la Syrie et l'Irak se réfugiant au niveau du Sahel et de l'Afrique du Nord.
Ce qui complique davantage la situation c'est la non-reconnaissance par les tribus libyennes du gouvernement qui n'est pas en mesure d'assurer la protection des frontières, devant impliquer les tribus dans les négociations, d'autant plus que ces dernières détiennent un lot d'armement important puisé dans les casernes de la défunte armée libyenne. La Libye n'est plus la seule menace potentielle, le Mali qui gagne du temps pour appliquer les accords d'Alger profitant d'une situation instable avec le facteur étranger dans la région. Cette menace est certes préoccupante, mais pas que pour l'Algérie dont les frontières nord sont ouvertes sur la Méditerranée, mais aussi pour l'Europe. Mais en tout cas, ces nouvelles donnes impliquent une nouvelle stratégie sur le plan sécuritaire mais aussi diplomatique. Au Sahel, les groupes armés ont proliféré, ont accru leur capacité de nuisance, se sont diversifiés en terroristes, insurgés, criminels et milices, selon des variables, comme leur vision, leur mission ou les moyens mis en œuvre.
Désormais, existe une coopération et une convergence rassemblent ces groupes. L'exemple le plus évident de ce type de coopération-convergence, c'est le narco-terrorisme . L'aspect le plus troublant de la connexion semble être la façon dont le commerce de la drogue illégale sape les efforts pour poursuivre les réformes politiques et le développement nécessaires pour endiguer la radicalisation et la montée des groupes terroristes dans plusieurs régions du monde déjà fragiles. Pour lutter contre le terrorisme et trafiquants en tous genres, il y a lieu de mettre l'accent avant tout sur l'échange de renseignements qui doit se faire de manière instantanée, pratiquement en temps réel, harmoniser des politiques de lutte contre le terrorisme et de patrouilles communes le long de ces frontières difficiles à contrôler. Mais l'approche pourrait plus large, étant dans l'éducation et de lutter contre la mauvaise gouvernance.
Le Sahel est également une zone de transit pour les passeurs. 50 à 60% de ceux qui traversent la Libye vers l'Europe passent par la région. Les événements récents ont souligné que la traversée de la Méditerranée peut se transformer en drame et qu'il est urgent que tout le monde coopère pour arrêter les flux migratoires: créer des centres d'accueil, donner des moyens à la police pour contrôler ces flux migratoires et créer les conditions pour le retour. C'est pourquoi y a lieu d'accorder une attention particulière aux tensions au niveau de la ceinture sahélienne recouvre, entièrement ou en partie, les pays suivants : l'Algérie (à l'extrême sud) -le Sénégal ; la Mauritanie (au sud) ; le Mali ; le Burkina Faso (au nord) ; le Niger ; le Nigeria (à l'extrême nord) ; le Tchad (au centre).
Le Sahel est un espace sous-administré et souffrant d'une mauvaise gouvernance chronique. La vulnérabilité du Sahel découle d'une profonde vulnérabilité des Etats accentuée par la pression démographique. Caractérisé par une forte croissance démographique (environ 3,1%), le Sahel devrait doubler sa population d'ici 25 ans, et comptera vraisemblablement plus de 100 millions d'habitants en 2020. Cette croissance affectera certainement la sécurité humaine et notamment alimentaire de la région dans son ensemble. A cela se greffe du fait de la mondialisation avec d'importantes inégalités tant internes aux pays développés qu'entre le Nord et le Sud l'intensification de la radicalisation. La radicalisation est le fruit d'une conjonction de facteurs liés à l'individu, ses relations, sa communauté et son rapport à la société. L'apparence physique ou vestimentaire ne constitue pas un élément suffisant pour identifier une situation de radicalisation.
Certains indicateurs doivent toutefois alerter l'entourage sur un processus potentiellement engagé. Identifier un processus de radicalisation ne se fait pas sur la base d'un seul indice mais d'un faisceau d'indicateurs. Ces indicateurs n'ont, par ailleurs, pas tous la même valeur et seule la combinaison de plusieurs d'entre eux permet d'établir un constat. Ces signes sont parfois liés à la personnalité de l'individu, aux relations qu'il entretient avec son entourage, sa communauté et la société dans laquelle il vit. Ils peuvent être classés en trois catégories : les ruptures, l'environnement personnel et les théories et discours. La rupture avec l'environnement quotidien est l'un des indicateurs essentiels du processus de radicalisation.
L'individu modifie brutalement ses habitudes, rompt avec ses amis, l'école, voire avec ses proches pour se consacrer à une relation exclusive avec un groupe et sa mission. Ainsi, l'approche multiple se penche simultanément sur un ensemble de facteurs qui se jouent à la fois au sein de l'individu, de ses relations, de sa communauté et de la société. Mais c'est un espace recelant d'importantes ressources ministères d'où les ingérences étrangères manipulant différents acteurs afin de se positionner au sein de ce couloir stratégique et de prendre le contrôle des richesses sont nombreuses. L'arc sahélien est riche en ressources : après le sel et l'or, pétrole et gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium sont autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances désirant s'en assurer le contrôle.
Le commerce des stupéfiants, par exemple, a le potentiel de fournir aux groupes terroristes un bonus supplémentaire : les recrues et les sympathisants parmi les agriculteurs appauvris, négligés et isolés, et qui non seulement peuvent cultiver pour le compte des trafiquants, mais aussi populariser et renforcer les mouvements anti-gouvernementaux.. Selon différents experts trois facteurs permettent de comprendre les liens entre trafic et terrorisme : premièrement, l'existence de mouvements communautaires, ethniques et religieux, qui permettent une collaboration entre terroristes et criminels, sur la base de valeurs partagées et de confiance mutuelle. Deuxièmement, la survenance d'un conflit armé.
(A suivre)
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international


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