Des sociologues et des universitaires ont mis en garde contre la recrudescence des discours haineux, racistes et à caractère régionaliste sur les réseaux sociaux, estimant que les instructions données par le président de la République au Premier ministre afin d'élaborer un projet de loi visant à juguler ce phénomène, intervenaient à point nommé en vue de réprimer les individus impliqués dans de tels dépassements. Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune avait instruit le Premier ministre, Abdelaziz Djerad d'élaborer un projet de loi criminalisant toutes formes de racisme et de régionalisme ainsi que tout discours de haine dans le pays. Cette mesure intervient «après avoir constaté une recrudescence du discours de la haine et de l'incitation à la fitna (discorde), notamment à travers les réseaux sociaux», explique le communiqué de la présidence de la République, ajoutant qu'elle «intervient aussi dans le but de faire face à ceux qui exploitent la liberté et le caractère pacifique du Hirak (mouvement populaire) pour brandir des slogans portant atteinte à la cohésion nationale». Ainsi, l'enseignante spécialisée en analyse sociale, Zahra Fassi a indiqué à l'APS que ce phénomène avait pris «des proportions alarmantes» dans l'incitation à la fitna au sein de la société à une période sensible, où les Algériens aspirent à la paix, en ce sens que certaines pages sur Facebook, notamment, souvent suivies par un grand nombre de personnes, ont participé à la désinformation et à la diffusion de fake news, de fausses accusations et la promotion de certains slogans brandis dans la rue par certains groupes inconscients des réalités et qui vont à contre-sens, en l'absence d'une information crédible à assurer au citoyen». L'élaboration d'un projet de loi criminalisant toutes formes de racisme et de régionalisme, et tout discours de haine, conformément aux instructions du président de la République, «intervient à point nommé, au moment où des nationalistes et des hommes nobles et libres subissent une grande injustice, avec la complicité de parties malveillantes financées par les ennemis de l'Algérie», comme le démontrent si bien les vidéos postées par certains instigateurs contre l'intérêt du pays, a-t-elle expliqué. Elle a mis en garde contre l'incidence du contenu de certaines pages sur les jeunes «qui ont tendance à croire tout ce qui est publié sur Facebook». De son côté, le professeur Samir Imer a estimé que «la mauvaise utilisation de la liberté d'expression par certaines personnes qui utilisent souvent des pseudonymes sur les réseaux sociaux a engendré de graves phénomènes dont la fitna (discorde), la violence et le racisme», ce qui implique, a-t-il dit, «l'élaboration d'un cadre juridique rigoureux pour réprimer les auteurs de tels dépassements autre que lois existantes qui n'ont donné aucun résultat probant». Pour sa part, l'enseignant en sociologie à l'université de Sétif 2, Zine Eddine Kherchi a souligné que les phénomènes de racisme et de régionalisme ainsi que les discours de haine «renferment des messages politiques qui ne peuvent être traités qu'à travers la loi», tel que démontré par plusieurs expériences internationales. Il a appelé, à ce propos, à «préserver l'algérianité dans l'identité nationale, en adoptant un discours politique pondéré et un service médiatique qui respecte la diversité de la société algérienne, en insistant sur l'importance de la sensibilisation dans les différents domaines comme l'enseignement et la culture». «Les discours de la fitna, de la haine et du régionalisme existaient toujours en Algérie, sachant que leurs «propagateurs» agissaient avec la complicité de personnes influentes, pour exploiter ce type de discours afin de servir leurs intérêts personnels, les lois criminalisant ces actes en est la preuve, car elles existent depuis longtemps de même que la Constitution protège les symboles de l'Etat», a-t-il dit. Le véritable problème qui se pose demeure «leur réactivation et application», a-t-il soutenu, estimant que le projet de loi que le président de la République a instruit son élaboration est à même de conforter le système juridique à travers l'application de peines contre les individus impliqués dans toutes formes de violence et d'incitation à la fitna et à la haine dans l'objectif de réduire leur incidence sur la société. Cependant, ce projet de loi «doit être précis et clair sans qu'il ne s'oppose à la liberté d'expression, de pensée politique et d'opinion», a-t-il expliqué. Dans le même contexte, le Pr Kherchi a mis l'accent sur l'apparition, avec le Hirak populaire, d'une nouvelle terminologie que les jeunes utilisent à mauvais escient, pour exprimer leur haine et mépris pour autrui, citant quelques termes que même les medias avaient utilisé, participant ainsi à leur vulgarisation et créant une situation «très grave à laquelle il est nécessaire d'y remédier». La lutte contre les fléaux qui se propagent sur les réseaux sociaux «ne doit pas se limiter à l'élaboration d'un projet de loi criminalisant les discours de haine, mais nécessite son application, car les discours raciste et haineux ont laissé des séquelles et des plaies ouvertes susceptibles de porter atteinte à la cohésion de la société et d'attiser des conflits internes pouvant ébranler la stabilité et l'unité nationales». Dans le même ordre d'idées, le Pr Naima Ben Ammar de l'université d'Oran a souligné la nécessaire participation de commissions spécialisées dans l'élaboration de lois criminalisant toutes formes d'atteinte à la cohésion nationale, sur la base d'études approfondies aux résultats à long terme, au regard de l'incapacité de maitriser le flux des publications sur les réseaux sociaux.