Les académiciens de l'Institut de France ont récompensé l'écrivaine américaine, qui succède, entre autres, à Borges, Modiano et Kamel Daoud. Joyce Carol Oates ! L'immense écrivaine américaine dont on attend chaque année le Nobel a reçu le prix mondial Cino Del Duca, l'un des grands prix des fondations de l'Institut de France, dont la remise aurait dû faire l'objet d'une cérémonie sous la Coupole. La spécificité de cette distinction, créée en 1968 et dotée de 200 000 euros, est de mettre en avant un « grand humaniste ». Et l'œuvre de l'autrice de Bellefleur, de Blonde, Fille noire fille blanche qui n'a jamais cessé de montrer les inégalités sociales, raciales, mais encore de genre de la société américaine relève bien de ce qui « constitue, sous forme scientifique ou littéraire, un message d'humanisme moderne ». Jusqu'à son dernier roman traduit en français par Claude Seban Un livre de martyrs américains sur l'avortement. Dans Paysage perdu (Philippe Rey, 2017), Oates a retracé son enfance pauvre dans une ferme de l'Etat de New York, et l'univers masculin violent envers les femmes dans lequel elle a grandi. La prolixité de l'autrice (bientôt 82 ans) ne se dément pas, on peut lire paru tout dernièrement un recueil de nouvelles aussi brillant que sombre au titre découpé comme sa première nouvelle, Dé mem brer paru chez son éditeur français Philippe Rey, en même temps qu'en livre de poche Petite Sœur mon amour. « On espère gagner de l'argent en vendant son produit ou celui de son cerveau. Mais on se trompe. Ça coûte beaucoup d'écrire – solitude, envie, fatigue. Et même quand vous êtes connu dans le monde entier, ça rapporte une misère. Pourquoi on continue ? Chacun sa réponse. Rares sont les auteurs qui, comme Colm Toibin, reconnaissent qu'ils écrivent pour l'argent. Les écrivains – je veux dire ceux qui font de la littérature – savent très bien que l'heure de travail, révisions et corrections comprises, doit tourner autour de 1 dollar », confiait Joyce Carol Oates à Michel Schneider, propos ô combien d'actualité sur la situation des auteurs en période de pandémie. Le prix Del Duca est une récompense souvent comparée au Nobel de littérature et qui a pu servir ses récipiendaires à l'obtenir, ainsi d'Andreï Sakharov, prix mondial en 1974 et prix Nobel un an plus tard, Mario Vargas Llosa, prix mondial 2008 et Nobel de littérature 2010, ou encore Patrick Modiano, lauréat Cino Del Duca 2010, et Nobel 2014. Tout est encore permis !