L'épidémie du coronavirus a un impact sur l'économie mondiale qui connaîtra en 2020, trois chocs, un choc de l'offre avec la récession de l'économie mondiale, un choc de la demande du fait de la psychose des ménages, et un choc de liquidité avec de sondes de chocs pour 2021. Cette crise, aura à l'avenir un impact sur toute l'architecture des relations internationales dans toutes leurs dimensions, militaire, économique, sociale et culturelle. Dans ce cadre la loi de Finances complémentaire 2020 se fonde sur un cours du marché à 35 dollars et le fiscal à 30 dollars le baril, comme référence est réaliste, mais montrant la dépendance accrue vis-à-vis de la rente des hydrocarbures dont le prix échappe à toute décision interne. Le cours du pétrole a été coté le 16 mai 2020 à 32,84 dollars (30,35 euros) le Brent et à 29,71 dollars (27,45 euros) le Wit du fait à la fois d'une légère reprise de l'économie chinoise et surtout d'une baisse des stocks américains. Il devrait fluctuer en moyenne annuelle, pour 2020, selon la majorité des institutions internationales entre 30/35 dollars, sous réserve de la maitrise de l'épidémie du coronavirus et d'une légère reprise en septembre 2020, les prix du pétrole et du gaz étant toujours relativement faibles, pénalisés par les incertitudes du redémarrage de l'économie mondiale notamment américaine, européenne et chinoise. A- Les turbulences de l'économie mondiale 2020/2021 1- Dans son rapport d'avril 2020 sur les perspectives mondiales, le Fonds monétaire international a avancé trois évolutions alternatives face aux impacts de l'épidémie du coronavirus. Le premier scénario se base sur l'hypothèse d'une pandémie non maîtrisée à la fin du mois de juin, contraignant les pays à maintenir leurs mesures draconiennes (confinement des populations, fermetures de commerces non essentiels, trafic aérien drastiquement réduit, télétravail en masse) au second semestre 2020. Le produit intérieur brut (PIB) se contracterait alors de 6% au lieu de 3%. – Le deuxième scénario envisage une seconde épidémie survenant en 2021 mais plus légère que la pandémie de cette année. La reprise économique mondiale ne serait alors pas de 5,8% mais d'environ 0,8%. – Le troisième scénario est la combinaison des deux premiers avec le prolongement de la paralysie de l'activité et du confinement au second semestre suivie d'une seconde épidémie survenant en 2021. Au lieu d'avoir un rebond en 2021, la récession se poursuivrait, avec une contraction d'environ -2,2%. Pour le FMI. l'impact direct des mesures visant à contenir la propagation du virus; le resserrement des conditions financières; des mesures politiques pour soutenir les revenus et assouplir les conditions financières; et les cicatrices laissées par la dislocation économique que les mesures politiques ne sont pas en mesure de compenser complètement. Qualifiant la récession la plus grande depuis la Grande Dépression des années 1930, Mme Gopinath a déclaré que la perte cumulée de la production mondiale en 2020 et 2021 devrait totaliser 9.000 milliards de dollars. Les dernières Perspectives prévoient que la production des économies développées diminuera considérablement de 6,1% en 2020, tandis que la production des marchés et des économies en développement diminuera de 1%. La Chine et l'Inde, cependant, verront respectivement une croissance modérée de 1,2% et de 1,9%. Pour d'autres instituts internationaux, si le virus est contenu et que les économies peuvent recommencer à fonctionner normalement, 2021 devrait connaître un rebond de 5,8%, selon les perspectives de l'économie mondiale du FMI. Mais cette reprise en 2021 ne sera que partielle, car, le taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente, un taux de croissance de 5% par rapport à un taux de croissance négatif en 2020 donnera en termes réels un taux de croissance entre 0 et 1,1,5% ( voir notre interview à France 24 et à l'American Herald Tribune le 23 avril 2020) car le choc de 2020 dû au coronavirus aura des effets durables sur l'économie du monde. Compte tenu des incertitudes accrues, particulièrement en ce qui concerne l'évolution du virus et la destruction de capacités industrielles, on ne peut pas exclure de nouvelles révisions à la baisse. De toute manière, le grippage des chaînes d'approvisionnement mondiales dû à la pandémie forcera les gouvernements à tout repenser et la politique économique qui sera sans doute ajustée si ce n'est complètement remaniée pour encourager un rapatriement de productions critiques. Cela concernera notamment les équipements sanitaires et de produits pharmaceutiques, avec des mesures protectionnismes et le resserrement des conditions financières, sous réserve qu'il n' y ait pas une deuxième vague d'infections qui forcerait les gouvernements à envisager de réinstaurer le confinement avec un impact désastreux sur le marché du travail. 2- Les premières estimations de l'OIT indiquent une hausse significative du chômage et du sous-emploi dans le sillage du virus où sur les 7 milliards d'habitants pour les pays en voie de développement, Amérique latine, Asie, Afrique, entre 50/80% de l'emploi est dans la sphère informelle sans protection sociale étant avec le confinement une véritable bombe sociale ( Abderrahmane Mebtoul « le poids de la sphère informelle au Maghreb -Institut Français des Relations Internationales IFRI décembre 2013) . Sur la base de différents scénarios relatifs à l'impact du COVID-19 sur la croissance du PIB mondial (les estimations préliminaires de l'OIT montrent une augmentation du chômage mondial variant de 5,3 millions (scénario «optimiste») à 24,7 millions (scénario «pessimiste») à partir d'un niveau de référence de 188 millions en 2019. Le scénario «moyen» laisse présager une hausse de 13 millions (7,4 millions dans les pays à revenu élevé).. Si ces estimations demeurent hautement incertaines, tous les chiffres convergent vers une hausse substantielle du chômage mondial. Par comparaison, la crise financière mondiale de 2008-09 avait fait augmenter le chômage de 22 millions. En effet, la pandémie de Covid-19 a de lourdes conséquences sur les populations et l'économie, qui restent encore difficiles à évaluer. En conséquence, le commerce international s'est effondré : le FMI prévoit ainsi une baisse de 11% du volume d'échange de biens et services en 2020. Pour les pays avancés, la récession devrait atteindre 6,1%. Aux Etats-Unis, où il y a peu de filet de sécurité sociale et où le système de santé est défaillant, la contraction du PIB devrait être de 5,9%. Dans la zone euro, le PIB va même dégringoler de 7,5% avec des populations en Italie, en Espagne et en France durement affectées par le coronavirus. Dans la zone Amérique Latine et Caraïbes, la récession sera à peine moins marquée (-5,2%). Pour le Moyen-Orient et l'Asie centrale, le FMI table sur une baisse du PIB de 2,8%. La Chine et l'Inde devraient tirer leur épingle du jeu avec une croissance respective de 1,2% et de 1,9%. L'impact de l'épidémie du coronavirus touchera de manière plus dramatique les pays en voie de développement et notamment africain marqués par une instabilité politique, une mauvaise gouvernance avec un niveau de corruption élevé, des économies structurellement dépendantes de l'exportation de pétrole, un contexte macroéconomique dégradé et un climat des affaires défectueux ce d'autant plus que les prévisions de la Banque mondiale notent une croissance négative entre -2,1% et -5,1% pour la première fois depuis 25 ans sur le continent. Comme le note un rapport de l'OUA le continent Afrique est actuellement à l'image d'un patient Covid-19 sous assistance respiratoire. Une chose est sûre : les pays africains ne pourront plus s'endetter comme avant. La récession mondiale, la fragilisation des pays européens et le flottement économique de la Chine vont à terme réduire les fonds dédiés aux aides internationales et aux prêts aux pays en développement. La souveraineté économique et la diversification ne peuvent plus être des revendications, mais un plan d'action pour les années à venir, le continent disposant des ressources humaines, intellectuelles, et économiques pour changer de paradigme et chercher une croissance endogène. Quant à la région MENA à l'image d'autres pays du monde, fortement connectées à l'économie mondiale, les économies de la région s'acheminent droit vers une récession en 2020. Le rapport montre par exemple comment la propagation du Covid-19, associée à l'effondrement des prix du pétrole, modifie les prévisions de croissance du secteur privé et de la Banque mondiale pour 2020. En effet, les prévisions du 1er avril dernier pour la région Mena donnaient à penser que ces deux chocs coûteraient environ 3,7 % du PIB régional pour 2019 (soit approximativement 116 milliards de dollars), alors qu'on annonçait 2,1% pas plus tard que le 19 mars. Selon le rapport, la pandémie de Covid-19 plombe les économies de la région Mena de quatre manières : détérioration de la santé publique, baisse de la demande mondiale de biens et services de la région ; recul de l'offre et de la demande intérieures en raison de l'application de mesures de distanciation sociale ; et, surtout, chute des prix du pétrole. Le rapport fait valoir que la faible croissance dans la région Mena est due au manque de transparence dans la gouvernance et de confiance d'où l'importance d' un nouveau contrat social. Dune manière générale, le monde ne sera plus jamais comme avant devant se préparer à de profonds bouleversements géostratégiques, politiques, miliaires, économiques, énergétiques, sociaux et culturels 2020/2030/2040. A court terme 2020/2021, les gouvernants se trouvent confrontés à trois dilemmes. Le premier scénario est continuer le confinement quitte à étouffer la machine économique avec les risques neuro psychologiques et surtout le risque d'exploitations sociales pour ceux qui n‘ont pas de revenus et de protection sociale. surtout dans des pays où domine la sphère informelle. Le second scénario est le dé-confinement total avec le risque d'un désastre sanitaire avec des millions de morts, qu'aucun Etat ne pourrait supporter et le risque d'une déstabilisation politique de bon nombre de pays qui ‘ont pas d'assises populaire. La solution médiane est un dé-confinement progressif maitrisée conciliant l'aspect sanitaire, économique et psycho- sociologique supposant une responsabilité collective. B- L'économie algérienne face à la crise mondiale 1.- Le cadrage macro-économique de la loi de finances 2020 adoptée en décembre 2019, loi a été établi sur la base d'un baril de pétrole à 50 dollars et un prix de marché à 60 dollars, un taux de change de 123 DA/dollar, un taux de croissance de 1,8%. Les recettes prévues dans la loi de finances 2020 étaient de 6 289,7 milliards de dinars, dont 2200,3 milliards de dinars de fiscalité pétrolière et le niveau des dépenses à raison de 4 893,4 milliards de dinars pour le budget de fonctionnement, 2 929,8 milliards de dinars de crédits de paiements et 1 619,9 milliard de dinars d'autorisations de programme destinées à de nouveaux projets ou à des réévaluations. Cette ancienne l loi de Finances 2020, avait réduit de 8,6% les dépenses publiques, avec un recul de 1,2% des dépenses de fonctionnement et de 18,7% des dépenses d'équipement. Ainsi, l'ancienne loi de finances 2020 avait prévu un déficit budgétaire de 1 533,4 Mds de DA, alors que le déficit du Trésor devrait se situer à 2 435,6 Mds de dinars et que les réserves de change devraient clôturer à 51,6 milliards de dollars fin 2020. (A suivre) Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul