Dans la ville meurtrie de Christchurch, de même que rien n'efface le souvenir déchirant des 51 fidèles – hommes, femmes et enfants – dont les vies furent foudroyées par la barbarie islamophobe, rien ne parvient à estomper totalement les stigmates du massacre qui ensanglanta les deux havres de paix où ils se recueillaient paisiblement, en parfaite communion : les mosquées Al Noor et Linwood. Plus de deux années se sont écoulées depuis la grande prière collective tragique du 15 mars 2019, quand le mal absolu, sous les traits de l'extrémiste de droite Brenton Harrison Tarrant, frappa cruellement ces deux enceintes sacrées musulmanes, au cœur d'une Nouvelle-Zélande qui en était jusqu'alors miraculeusement préservée. Même si le temps peut panser bien des plaies, il n'a pas toutefois le pouvoir de faire disparaître les traces indélébiles que cet acte terroriste abominable a laissées dans la pierre, en l'occurrence sur les murs de la mosquée Linwood. Des murs à jamais souillés du sang de victimes innocentes (le plus jeune avait 3 ans, le plus âgé 71 ans), comme le fut le qamis de l'imam nigérian des lieux, Alabi Lateef Zirullah, réchappé de l'horreur. Un imam qui, quelques instants à peine après le drame, vacillait sur ses jambes devant sa mosquée, l'air hagard, rescapé incrédule d'un bain de sang qui l'avait éclaboussé, comme l'illustrait l'inoubliable photo choc prise par la reporter Stacy Squires. Après avoir longtemps versé des larmes de douleur, répétant inlassablement qu'il « aurait voulu sacrifier sa vie pour sauver ses coreligionnaires face à un monstre de cruauté et de lâcheté qui portait un gilet pare-balles », Alabi Lateef Zirullah pleure aujourd'hui de joie, à l'annonce de la confirmation d'une merveilleuse nouvelle : la Fondation émiratie Zayed, un organisme de bienfaisance créé par feu Cheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan, le premier président des Emirats arabes unis, s'apprête à faire un don substantiel de 10 millions de dollars pour qu'en lieu et place de l'ancienne mosquée de Linwood sorte de terre la « plus belle mosquée de Nouvelle-Zélande ». Cette mosquée rayonnante de 325 m2, dont le projet de construction suscite l'enthousiasme général, et à côté de laquelle s'implantera un Centre de Tolérance promouvant la paix et l'unité, fera briller une lueur d'espoir à l'autre bout du monde, comme l'a mis en avant le porte-parole de la Fondation Zayed, Taoufik El Idrissi : « Ce don de la Fondation Zayed que j'ai l'honneur de représenter témoigne de notre volonté de soutenir une communauté musulmane néo-zélandaise courageuse et méritante, qui a été si durement éprouvée. Nous espérons faire renaître l'espoir, à travers la construction de la future mosquée de Linwood, pour l'ensemble des fidèles mais aussi pour toute la nation néo-zélandaise ». Depuis l'Australie voisine, terre natale du terroriste et suprémaciste blanc Brenton Harrison Tarrant, Hasan Alijagic, un ingénieur musulman de renom, considérerait comme un « honneur » de pouvoir mettre gracieusement ses compétences au service de la conception architecturale d'un lieu de culte à nul autre pareil. « Si c'est pour Christchurch, ce serait un immense honneur pour moi d'apporter ma pierre à l'édifice bénévolement », a-t-il d'ores et déjà fait savoir publiquement. Pour Rashid Bin Omar, ce père singapourien inconsolable qui puise dans la prière la force de surmonter la mort de son fils Tariq, 24 ans, retrouvé gisant dans une mare de sang dans la Maison de Dieu, l'édification d'une nouvelle mosquée, qui revêtira une dimension mémorielle essentielle, allège sa peine. En effet, la future mosquée flambant neuve de Linwood comprendra un espace où figureront les noms des 51 victimes musulmanes du massacre de Christchurch, pour qu'ils demeurent à jamais dans la lumière, gravés dans les mémoires et les cœurs.