«Un massacre oublié pendant des décennies, refoulé par la conscience collective, étouffé par le gouvernement», avait dit l'historien français Jean-Luc Einaudi (décédé le 22 mars 2014) à propos de ce qui s'est passé le 17 octobre 1961 à Paris. Son livre «La Bataille de Paris» (1991, réédité en 2001) a fait remonter ce massacre perpétré en plein cœur de Paris de la mémoire collective en France. Jean-Luc Einaudi a consacré près d'un quart de siècle pour reconstituer cet événement qualifié de «tuerie unique dans l'histoire contemporaine de la France». Il a réussi à établir la liste des 390 Algériens assassinés le 17 octobre 1961 et les jours qui suivirent, par la police parisienne sur ordre du préfet Maurice Papon, sans doute lui-même couvert par sa hiérarchie. Jean-Luc Einaudi a écrit plusieurs ouvrages sur la Guerre de libération, dont notamment «Pour l'exemple, l'affaire Fernand Iveton», L'Harmattan (1986), «La Ferme Améziane : Enquête sur un centre de torture pendant la Guerre d'Algérie», L'Harmattan (1991), «Un Algérien, Maurice Laban», Le Cherche-midi (1999), «Scènes de la Guerre d'Algérie en France : Automne 1961», Le Cherche-midi (2009), coll. «Documents» et en 2013, «Le dossier Younsi : 1962, procès secret et aveux d'un chef FLN en France», Tirésias. Un autre Français, Henri Pouillot, militant antiraciste et anticolonialiste, a exigé la reconnaissance et la condamnation «des crimes contre l'humanité, crimes d'Etat, crimes de guerre comme la torture, les viols, les crevettes Bigeard, les exécutions sommaires, l'utilisation du gaz Vx et Sarin, les villages rasés au Napalm, les camps d'internement (pudiquement appelés camps de regroupement), les essais nucléaires du Sahara, le massacre de centaines d'Algériens à Paris le 17 octobre 1961, la répression criminelle au métro Charonne du 8 février 1962… commis au nom de la France, et la désignation des responsabilités, doivent être très claires». «Nombre de ces crimes sont aussi graves, odieux, que ceux commis par les SS pendant la Seconde Guerre mondiale, et ils doivent être traités de la même façon», avait-il ajouté. Autre Français à avoir un regard courageux sur les crimes commis par le colonialisme français en Algérie : le journaliste Jean-Michel Apathie qui estime que la France «doit des excuses à l'Algérie» dont la colonisation (1830-1962) «ne ressemble à aucune autre» colonisation de par sa violence. «On a volé les terres aux Algériens, on a empêché la scolarisation de cinq générations d'Algériens, condamnés à l'ignorance et à l'analphabétisme. On a lancé du napalm sur des villages algériens», s'est-il indigné. «Tôt ou tard», la France devra reconnaître ses crimes.