Enseignement supérieur: des professeurs promus au rang de professeur émérite et de professeur Hospitalo-Universitaire émérite    Hydrocarbures: entretiens entre Sonatrach et ExxonMobil sur les opportunités de coopération    1e Festival national "Printemps d'Oran" en mai à Oran    Journée du Savoir: Chaib participe par visioconférence à une activité organisée par le consulat d'Algérie à Bobigny    Conseil de sécurité : le groupe "A3+" condamne fermement toutes les violences en République démocratique du Congo et appelle les parties à reprendre le dialogue    Oran : M. Meziane préside l'ouverture d'une rencontre régionale réunissant journalistes et professionnels des médias    Mansouri entame une visite de travail en Angola    L'interdiction par l'entité sioniste des médias internationaux à Ghaza dnoncée    L'Algérie prend acte    Sonatrach renforce sa coopération avec le groupe américain ''Oxy''    Les frappes israéliennes continuent de tuer des civils    L'arbitre Ghorbal hors-jeu...    USMA – CRB en finale    Malgré le déstockage d'énormes quantités, la pomme de terre reste chère    Le Quai d'Orsay et le lobby pro-israélien, principaux soutiens de Boualem Sansal    Un projet et vision de développement de l'art    Diverses activités culturelles au programme    Sport/Jeux Méditerranéens-Tarente 2026: organisation d'un séminaire international pour mettre en lumière les préparatifs    Le président par intérim de l'ANIE rencontre le SG de la CJCA    Reddition de 2 terroristes et arrestation de 9 éléments de soutien aux groupes terroristes en une semaine    Journée du Savoir: Hommage aux mérites de Cheikh Abdelhamid Ibn Badis, activités variées à l'Ouest du pays    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha reçoit le ministre mauritanien de la Défense    Foot/formation des préparateurs physiques: début du 4ème module à Tipasa    Baccalauréat professionnel: ouverture de 5 filières principales en septembre    Education: rencontres entre la tutelle et les représentants syndicaux sur le statut particulier et le régime indemnitaire    Les conditions d'un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars et d'une production de 200 milliards de m3 gazeux 2028/2030    Un risque de dévaster les économies les plus vulnérables    Les dernières pluies sauvent les céréales    Plus de 3.600 véhicules volés en 2024 !    Le ministre des Moudjahidine rend visite à la moudjahida Meriem Ben Mohamed    «Je reviendrai plus fort et meilleur qu'avant»    Lorsque le stratagème de l'ALN l'emporte face à l'arsenal militaire colonial    Foot/ Coupe d'Algérie 2024-2025 (1/2 finale) : l'USMA donne rendez-vous au CRB pour une finale passionnante    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    Création «prochaine» de délégations de wilayas de la société civile    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Jean-Luc Einaudi : Un historien dans la cité (1951-2014)
Contributions : les autres articles
Publié dans El Watan le 29 - 03 - 2014

C'est avec beaucoup de tristesse que j'apprends, ainsi que mes collègues, le décès de l'historien Jean-Luc Einaudi.
Cet éducateur auprès de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du ministère de la Justice, très proche des enfants des banlieues et des immigrés et par ailleurs homme engagé et journaliste à L'Humanité rouge, allait très tôt être attiré par les luttes anticoloniales, du Vietnam à l'Algérie. Il commença à s'intéresser à la guerre de libération en Algérie à un moment où les Universités française et algérienne ne ciblaient encore l'événement que de manière marginale. En fait, son attention fut tout d'abord attirée par la répression menée en France, même contre les Algériens, en centrant surtout ses recherches sur les massacres d'octobre 1961 à Paris(1). Ce travail sera l'un des premiers menés sur la question après celui, pionnier, de Paulette et Marcel Péju (dont l'ouvrage, pourtant prêt dès 1962 ne sera édité qu'en 2011)(2).
En fait, Einaudi sera à l'origine d'une enquête détaillée s'appuyant sur des témoins encore vivants et des archives accessibles, et publiera sur la question une série d'ouvrages édités ou réédités avec mises à jour entre 1991 et 2012. Ses révélations sur la répression terrible menée en France contre les Algériens en rappelant la pratique généralisée de la torture et des éliminations physiques avec sans doute des centaines de cadavres jetés dans la Seine, éveillera tout un mouvement d'opinion, dénonçant l'action criminelle des autorités de l'époque et qui réussira à imposer en 2011 la reconnaissance officielle des crimes d'Etat commis en 1961.
Un moment fort de ce combat aura été sans doute en 1999 le procès très médiatisé l'opposant à l'ancien préfet de police de Paris, Maurice Papon, (tristement connu aussi pour les crimes déjà commis comme préfet Igame à Constantine et durant le régime de Vichy pour ce qui est de la déportation des juifs), et au cours duquel ce dernier fut débouté par la justice, laquelle reconnaissant ainsi la validité des affirmations de Einaudi. Papon était en effet bien reconnu comme le principal responsable des assassinats commis sur des Algériens, sans disculper bien entendu les responsables installés au sommet du gouvernement français.
Ses centres d'intérêt ne s'arrêtaient cependant pas aux événements en France puisqu'il continuera ses investigations en Algérie même, traquant le système basé sur la torture, en publiant en 2000 son livre sur la ferme Ameziane(3).
Il consacrera aussi une partie de ses travaux au courage et à l'humanisme de héros à l'époque méconnus en Algérie même et calomniés par l'extrême droite française et les nostalgiques de la colonisation et de l'OAS, parce qu'Européens d'origine, ils avaient en payant souvent de leur vie, choisi le camp des Algériens comme étant celui du droit et de la justice. C'est ainsi que nous lui devons les émouvantes biographies consacrées à Fernand Iveton, Maurice Laban ou Lisette Vincent (Un rêve algérien)(4).
On ne s'étendra pas plus ici sur la production d'Einaudi qui aborde aussi d'autres questions touchant à des pays comme la France ou le Viêtnam, et elle aurait pu être plus fournie encore si la maladie ne l'avait frappé et fini par l'emporter. Elle est cependant suffisamment riche au point d'avoir contribué à semer au sein de nouvelles générations l'intérêt pour l'histoire coloniale et le combat mené par les peuples dominés. Il fut un homme à principes, très exigeant vis-à-vis de son travail de recherche et avec un souci de transparence de la mémoire, d'accès aux archives et à la vérité et la justice, qu'il aura défendues jusqu'à sa mort. Je suis de ceux qui ont eu non seulement la chance de lire Jean-Luc Einaudi, mais aussi de le rencontrer et de débattre avec lui à différentes reprises en Algérie (à Oran, Alger, Sétif, Skikda) ou en France.
La première fois ce fut certainement en mars 1992 lors de l'important colloque organisé à Paris par la Ligue de l'Enseignement, l'Institut du Monde arabe, et la Sorbonne et ayant pour thématique «Mémoire et enseignement de la guerre d''Algérie»(5). Les Algériens étaient nombreux à avoir été invités à intervenir lors de cette manifestation qui visait à mettre un terme à l'amnésie encore dominante en France sur la guerre de libération et la fin de la domination coloniale.
La dernière fois que nous nous revîmes, ce fut 20 ans plus tard, en juillet 2012 lorsque nous nous sommes rencontrés à l'occasion de la commémoration du 50e anniversaire de l'indépendance au consulat général d'Algérie à Bobigny pour contribuer à un débat auquel participaient aussi, si ma mémoire est bonne, le regretté Mouloud Aounit et Madame Anissa Boumediene. Nous nous étions d'ailleurs revus aussi avec d'autres quelques mois auparavant, en octobre 2011, à l'occasion de la marche commémorative à Paris de la manifestation du 11 Octobre 1961.Il aura été actif jusqu'à ce qu'il fut immobilisé par la maladie foudroyante qui l'a emporté. Motivé par le présent et en scrutant dans le passé, il avait été lui aussi captivé par le rêve algérien.
Avec un certain nombre de collègues, nous ne pouvons aujourd'hui que nous recueillir devant sa mémoire en présentant toutes nos condoléances à son épouse, à ses proches et à tous ceux qui l'ont connu et apprécié.
Qu'il repose en paix !

Notes :
1) Jean-Luc Einaudi : La Bataille de Paris. 17 octobre 1961, Paris, Ed. le Seuil, 1991 réédité en 2001 et 2009
- Scènes de la guerre d'Algérie en France, Automne 1961, Paris, Ed. Le cherche-Midi, 2009
- Octobre 1961, un massacre à Paris, Paris, Ed.Pluriel 2011
A ces titres, il faudra ajouter son dernier livre, Le dossier Younsi,
1962 : Procès secret et aveux d'un chef FLN en France, Paris, Ed. Tirésias, 2013
2) Marcel et Paulette Péju, Le 17 octobre des Algériens, suivi de La triple occultation d'un massacre, par Gilles Manceron, Paris, Ed. La Découverte, 2012.
3) La ferme Ameziane. Enquête sur un centre de torture pendant la Guerre d'Algérie, Paris, Ed.l'Harmattan, 1991 (1re Ed.)
4) - Pour l'Exemple : l'Affaire Fernand Iveton, Paris, Ed. l'Harmattan, 1986 (1re Ed.)
- Un rêve algérien, Paris, Ed. Dagorno, 1994
- Un Algérien. Maurice Laban, Paris, Ed. Le Cherche-Midi, 1999.
5) Voir à ce propos, les actes du colloque : «Mémoire et enseignement de la Guerre d'Algérie», Paris, Ligue de l'enseignement et Institut du Monde arabe, 1993 (2 vol).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.