Le Maroc, accusé d'avoir eu recours au logiciel d'espionnage Pegasus, peut-il poursuivre en diffamation en France ? Le tribunal de Paris a examiné la recevabilité des poursuites engagées par l'Etat marocain contre des ONG et des médias français ayant révélé ou dénoncé l'affaire.Le parquet a requis l'irrecevabilité des citations directes, déposées contre Le Monde, Radio France, France Media Monde, Mediapart, L'Humanité, Forbidden Stories et Amnesty international. «La Cour de cassation a déjà beaucoup répondu à la question posée», a rappelé la procureure, demandant au tribunal d'appliquer une jurisprudence qui est «constante» : «Un Etat, qu'il soit français ou étranger ne peut poursuivre en diffamation». «C'est une exigence fondamentale de la liberté d'expression de pouvoir critiquer un Etat, qui a d'autres moyens de se défendre», a-t-elle ajouté. Avant elle, les avocats des organisations et médias ont tour à tour demandé l'irrecevabilité de cette «procédure bâillon», qui «vise à asséner de fausses vérités», comme l'a plaidé l'avocat du site d'information Mediapart, François de Cambiaire. «Pas moins de six fois entre 2018 et 2019, la cour de cassation est venue répéter, une première fois à l'Azerbaïdjan et cinq fois au Maroc qui revenait à la charge, qu'il n'était pas recevable pour agir en diffamation » en tant qu'Etat», a souligné Me Simon Foreman pour Amnesty International. «C'est un exercice de communication exclusivement pour réorienter l'actualité vers les poursuites judiciaires plutôt que vers les révélations de l'affaire Pegasus», a-t-il argué, parlant d'«instrumentalisation du tribunal». Amnesty et Forbidden Stories avaient obtenu la liste des numéros de téléphones ciblés par les clients de Pegasus.