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«Il n'y a pas eu, à ce jour, de reconnaissance juridique sur le massacre du 17 octobre 61»
L'historien et politologue Olivier Le Cour Grandmaison à LNR
Publié dans La Nouvelle République le 02 - 11 - 2022

Voilà qui éclaire d'un jour singulier mais sinistre «l'exceptionnalisme» supposé de la France. En ces matières, ceux qui la dirigent et qui se gargarisent de ses traditions émancipatrices et progressistes, seraient bien inspirés de s'inspirer de ce qui a été fait par les Etats précités.
Dans le cadre des manifestations marquants le 61e anniversaire du massacre du 17 Octobre 61 à Paris, nous avons sollicité l'historien, l'écrivain et politologues Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire. Derniers ouvrages parus : « Ennemis mortels. » Représentations de l'islam et politiques musulmanes en France à l'époque coloniale, La Découverte, 2019 et avec O. Slaouti (Dir.), Racismes de France, La Découverte, 2020, qui a bien accepté de répondre à nos questions... Suivons-le.
La Nouvelle République : 61 ans après, le bilan des Algériennes et Algériens tués, blessés et expulsés lors du massacre du 17 Octobre 1961 à Paris n'est toujours pas dressé officiellement. Pourquoi selon vous ?
A ce jour, en effet, il n'y a toujours pas de reconnaissance officielle par les plus hautes autorités de l'Etat français, savoir le président de la République, des massacres du 17 octobre 1961. Sur ce sujet, Emmanuel Macron se comporte au fond comme son prédécesseur François Hollande qui a qualifié ces massacres de « sanglante répression » ce qui revient à ne pas se prononcer de façon précise sur ce qu'il s'est passé avant, pendant et après le 17 octobre 1961. Quant à l'actuel président, il a forgé une mauvaise fable historique, politique et institutionnelle, qui est un mensonge par omission, en faisant croire, l'année dernière, que les massacres d'octobre 1961 étaient imputables au seul préfet Maurice Papon, ce qui est démenti par les travaux les plus sérieux. Cette année il a utilisé le mot « crime » mais sans préciser qui l'a commis et sans désigner le responsable et le coupable ultime : l'Etat français. En d'autres termes, ce crime demeure sans auteur et sans adresse ce qui, une fois encore, est une esquive motivée par des considérations politiques : ne pas heurter une partie de son électorat et la droite de gouvernement dont il a besoin. Preuve que la raison d'Etat est fort mauvaise conseillère sur le plan historique et qu'elle méprise la vérité. Nous le savions, E. Macron le confirme alors que les faits et les responsabilités sont désormais bien établis par de nombreux travaux français, algériens et britanniques Il faut ajouter, par ailleurs, que les gauches politiques, réunies dans la NUPES, ne se sont pas particulièrement mobilisées à l'Assemblée nationale alors qu'elles auraient pu, et auraient dû, à l'occasion de ce soixante et unième anniversaire des massacres du 17 octobre 1961, présenter une proposition de loi tendant à la reconnaissance du crime d'Etat commis à l'époque. Encore une occasion manquée alors que de très nombreuses associations et collectifs exigent cela depuis plus de 20 ans maintenant.
Les violences contre les Algériens de France non pas commencé le 17 Octobre 61 mais bel et bien avant selon certains historiens et sont symptomatiques de cette terreur d'état qui s'est abattues sur eux. Qu'en pensez-vous ?
Rappelons que la qualification de « terreur d'Etat » n'est pas nouvelle. Dès le mois de novembre 1961, dans la publication Vérité-Liberté, consacrée aux massacres du 17 octobre 1961, l'historien Pierre Vidal-Naquet emploie cette expression car il considère, avec d'autres, que les méthodes employées par les forces de l'ordre doivent être ainsi qualifiées. Et ce d'autant plus que ces méthodes, importées par Maurice Papon d'Algérie où il a servi à Constantine en pleine guerre, sont inspirées des méthodes de la guerre contre-révolutionnaire. Cela concerne la torture, les exécutions sommaires et la disparition forcée ; cette dernière étant aujourd'hui reconnue comme un crime contre l'humanité. De plus, M. Papon a signé un ordre adressé aux forces de police de la région parisienne précisant que les membres des commandos de choc du FLN, pris en flagrant crime, devaient être abattus. Donc pas de prisonniers, ce qui est contraire à de nombreuses dispositions nationales et internationales. Les travaux historiques portant sur les massacres du 17 octobre 1961 et les études consacrées à la doctrine de la guerre contre-révolutionnaire mise en œuvre en Algérie ont confirmé le recours à ces pratiques et leurs origines.
Rappelons enfin qu'avant même le début du conflit algérien le 1er novembre 1954, la police recourait déjà à des violences extrêmes contre les militants nationalistes. Je pense en particulier à la manifestation pacifique du 14 juillet 1953, appelée par de nombreuses organisations du mouvement ouvrier à Paris, au cours de laquelle sept de ces militants ont été abattus par les forces de l'ordre.
Le député de la France Insoumise du Val-d'Oise Carlos Bilongo déclare « L'obscurantisme, la haine de l'autre et le racisme avaient tué ce jour-là» et a proposé un projet de loi récemment pour la restitution du reste des crânes des combattants tués au début de la colonisation Française au 19e siècle.
Qu'en dites-vous ?
Je passe cette question car je n'ai pas assez d'éléments sur ce sujet. De plus, il semblerait que la restitution des crânes qui a déjà eu lieu suscite des interrogations... J'attends donc d'avoir plus d'informations.
Jean-Luc-Einaudi, Benjamin Stora, et vous-même étiez pour beaucoup pour la reconnaissance juridique du massacre en ce jour du 17 Octobre 1961. Quel bilan faites-vous aujourd'hui ?
D'abord, il n'y a pas eu, à ce jour, de reconnaissance juridique. Ensuite, au-delà des personnes citées, je retiens d'abord et avant tout le rôle majeur de Jean-Luc Einaudi dont les travaux pionniers ont permis de mettre au jour ces massacres trop longtemps oubliés et longtemps négligés par les historien-ne-s dits professionnels. Quant à Benjamin Stora, qui a participé, il y a vingt ans, à l'ouvrage collectif que j'ai dirigé : 17 octobre 1961. Un crime d'Etat à Paris publié en 2001 par les éditions La Dispute, il a, pour des raisons strictement politiques, renoncé à employer ce qualificatif en lui préférant, dans son rapport, celui « d'exaction » ce qui est inadéquat pour rendre compte de ce qu'il s'est passé alors. Enfin, n'oublions pas le rôle essentiel des associations et du collectif national pour la reconnaissance des massacres d'octobre 61 comme crime d'Etat. Au plan local, de nombreuses initiatives ont été prises par des communes de la région parisienne. De même dans de nombreuses villes de France. Cela ne fait que souligner plus encore la pusillanimité passée et présente des chefs de l'Etat français.
LNR : Que réclament aujourd'hui les collectifs, les enfants des victimes, les historiens et autres qui se battent pour la mémoire aux autorités Françaises ?
Compte tenu de la situation, les revendications principales demeurent : savoir la reconnaissance des massacres d'octobre 1961 comme crime d'Etat, l'ouverture de toutes les archives relatives à ces événements et la création d'un véritable lieu de mémoire. Désormais, en raison de la disparition des principaux protagonistes et responsables, c'est l'unique façon de rendre hommage aux victimes, à leurs descendants et aux héritiers de l'immigration coloniale et post-coloniale dont la vie, l'histoire familiale et personnelle ont parfois été terriblement affectées par ce qu'il s'est passé alors. De plus, même si le contenu de certains manuels scolaires a évolué de façon significative, autre chose est la réalité des enseignements. Là encore, s'il y avait une reconnaissance au plus haut niveau de l'Etat, cela faciliterait beaucoup le travail des enseignants qui pourraient s'appuyer sur une telle déclaration pour enfin traiter de ces événements et de la guerre d'Algérie de façon précise et développée. Etant enseignant à l'université, je constate que beaucoup d'étudiant-e-s ignorent encore nombre de massacres commis au cours de la colonisation de l'Algérie de 1830 au 19 mars 1962, et de la dernière guerre d'Algérie. De même pour ceux qui ont été commis dans l'Hexagone.
Un dernier mot peut-être pour conclure cette interview ?
Comparativement à d'autres anciennes puissances coloniales : la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Belgique, pour m'en tenir à celles-là, qui ont reconnu d'une façon ou d'une autre, les crimes commis à l'époque où elles possédaient des colonies en Afrique, entre autres, les autorités françaises demeurent très en retard.
Voilà qui éclaire d'un jour singulier mais sinistre « l'exceptionnalisme » supposé de la France.
En ces matières, ceux qui la dirigent et qui se gargarisent de ses traditions émancipatrices et progressistes, seraient bien inspirés de s'inspirer de ce qui a été fait par les Etats précités.
Interview réalisée à Paris


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