Reconnue comme l'une des autrices majeures du XXe siècle, Virginia Woolf (1882-1941) inspire encore aujourd'hui, tant par ses expérimentations narratives que par ses personnages atypiques et ses prises de position féministes. Le King's College de Londres abrite désormais WoolfNotes, une plateforme réunissant des notes de lecture et d'écriture de l'autrice, soit plus de 7000 pages numérisées… Pour connaitre un auteur, mieux vaut se tourner vers ce qu'il lit. Les amateurs et autres chercheurs se lanceront donc avec plaisir dans l'exploration de la plateforme WoolfNotes. Cette dernière met à disposition du public des écrits restés inédits de Virginia Woolf, à savoir ses notes diverses et variées. Des textes épars, plus ou moins longs, qui apportent néanmoins une mine de renseignements, par exemple sur « ses connaissances historiques et sa large palette de lectures, ce qui éclaire d'une nouvelle lumière ses œuvres de fiction comme de non-fiction », souligne le King's College de Londres, établissement d'enseignement supérieur chargé de la gestion du site. 7000 pages manuscrites et tapuscrites ont été numérisées par différentes institutions, avec le soutien de la Woolf Society, qui gère les droits et le patrimoine de l'autrice disparue. Les documents numérisés sont conservés par la Monk's House, ancien domicile de Virginia et Leonard Woolf dans le Sussex, par la New York Public Library, au sein de la prestigieuse Berg Collection, la bibliothèque Beinecke Library de Yale et l'université Smith College, dans le Massachusetts. Pièces centrales de cette immense collection, 67 carnets de lecture remplis par Virginia Woolf, qui apportent des informations essentielles, voire indispensables, pour comprendre la construction de son œuvre. Les différents titres lus par l'autrice y sont recensés, avec une précision redoutable puisqu'elle indique même l'édition à sa disposition. D'autres carnets restent d'ailleurs à explorer, déchiffrer et comprendre, avec une trentaine de documents toujours à l'étude. Lire et écrire, sans cesse Comme le souligne la spécialiste Michèle Barrett, cette base de données vient « corriger le mythe (en partie construit par Woolf elle-même) selon lequel l'autrice serait sans instruction ». Au contraire, Woolf se lançait dans des recherches détaillées sur les contextes sociaux, politiques, économiques ou sur les époques historiques. Parmi les pièces remarquables, et particulièrement révélatrices de l'investissement de Woolf, l'Agamemnon Notebook, conservée par la New York Public Library. Intéressée par les textes classiques grecs et latins, Virginia Woolf fait l'apprentissage de ces langues en 1897, à l'âge de 15 ans. 25 ans plus tard, elle se lance dans une traduction de la tragédie grecque d'Eschyle, Agamemnon, qui remonte à 450 av. J.-C. environ. Dans un carnet relié par ses soins, elle reproduit le texte, inscrit sa traduction et prend quelques notes sur l'œuvre et le processus de traduction… Côté lectures, les carnets font apparaitre les noms d'Ivan Tourgueniev, Daniel Defoe, Jonathan Swift, John Donne, Thomas de Quincey, Michel de Montaigne, Christina Rossetti, Dorothy Osborne ou encore Sigmund Freud. Enfin, Michèle Barrett se réjouit aussi dans son introduction à la plateforme de la reconnaissance nouvelle apportée à une autre compétence de Woolf, méconnue : la reliure. « Quand Woolf a longtemps était présentée comme une simple amatrice en matière de reliure, nous posons l'hypothèse que ses compétences étaient tout à fait à la hauteur lorsqu'elle les mobilisait, et que l'apparence moins qualitative de certains de ses livres et carnets s'explique autrement que par son niveau », souligne l'experte.