Les hôpitaux à Gaza étaient devenus des champs de bataille alors que leur protection est primordiale en temps de guerre, selon l'ONU et dans une réunion du Conseil de sécurité. Cette réunion d'urgence du Conseil sur l'effondrement du système de santé dans l'enclave palestinienne ravagée par la guerre depuis octobre 2023 a été convoquée par l'Algérie, qui occupe la présidence tournante du Conseil de sécurité ce mois de janvier. «La protection des hôpitaux pendant la guerre est primordiale et doit être respectée par toutes les parties, à tout moment », a souligné le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, lors d'un exposé par liaison vidéo, notant qu'« une catastrophe des droits de l'homme continue de se dérouler à Gaza sous les yeux du monde ». Son bureau, le HCDH, a récemment publié un rapport qui documente les attaques contre les hôpitaux, ainsi que les meurtres de patients, de personnel et d'autres civils. Türk a noté que les attaques commencent par des frappes aériennes israéliennes, suivies de raids terrestres, de la détention de certains patients et membres du personnel, d'expulsions forcées et du retrait des troupes, laissant l'hôpital essentiellement non fonctionnel. Pendant ce temps, le Hamas et d'autres groupes armés continuent de lancer des attaques sporadiques et indiscriminées contre Israël, et d'exposer les civils et les infrastructures civiles, y compris les établissements de santé, aux attaques, en opérant parmi eux, ce qui est totalement inacceptable, a souligné le haut responsable onusien. Le chef des droits de l'homme de l'ONU a déclaré que la destruction des hôpitaux à Gaza va au-delà de la privation des Palestiniens de leur droit à accéder à des soins de santé adéquats. Ces installations offrent également un refuge aux personnes qui n'ont nulle part où aller. Selon lui, la destruction de l'hôpital Kamal Adwan vendredi dernier, le dernier hôpital en activité dans le nord de Gaza, reflète le schéma des attaques documentées. « Certains membres du personnel et patients ont été expulsés de l'hôpital tandis que d'autres, dont le directeur général, ont été détenus, et de nombreux rapports ont fait état de torture et de mauvais traitements ». Il a signalé qu'à travers Gaza, les opérations militaires israéliennes dans et autour des hôpitaux ont eu un impact terrible précisément à un moment où la demande de soins de santé est massive. «Elles ont été particulièrement dévastatrices pour certains civils palestiniens. Six bébés seraient morts d'hypothermie rien qu'au cours des derniers jours », a-t-il relevé. Les hôpitaux sont devenus des champs de bataille Le Dr Rik Peeperkorn, Représentant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la Cisjordanie et Gaza, a également insisté sur la gravité de la crise sanitaire à Gaza, où 7 % de la population a été tuée ou blessée depuis octobre 2023. «L'année 2025 commence sur une note sombre et profondément inquiétante alors que les combats continuent de s'intensifier », a-t-il déclaré, soulignant que plus de 25 % des plus de 105.000 civils blessés sont confrontés à des conditions de vie qui changent leur vie. Le Dr Peeperkorn a averti que les évacuations médicales critiques restent extrêmement lentes, avec plus de 12.000 personnes qui attendent toujours d'être soignées à l'étranger. « Au rythme actuel, il faudrait cinq à dix ans pour évacuer tous ces patients gravement malades », a-t-il noté. L'OMS a vérifié 654 attaques contre des établissements de santé, entraînant des centaines de morts et de blessés. « Mais contre toute attente, les professionnels de santé, l'OMS et les partenaires ont maintenu les services autant que possible». Le Dr Peeperkorn a appelé à une augmentation de l'aide, à des évacuations accélérées et au respect du droit international humanitaire, concluant sa déclaration par un appel à un cessez-le-feu urgent. Lors de la réunion du Conseil, Riyad Mansour, l'Observateur permanent de l'Etat de Palestine, a condamné les actions d'Israël à Gaza, les qualifiant de « crimes de guerre flagrants » et de « génocide ». Il a souligné le courage du personnel médical palestinien sous le feu des attaques : « Les médecins et le personnel médical palestiniens se battent pour sauver des vies humaines et en perdent eux-mêmes. » «Nous leur devons plus qu'un hommage », a-t-il ajouté, affirmant que « la communauté internationale n'a pas été en mesure d'égaler ne serait-ce qu'une partie de leur courage et de leur dévouement à l'humanité ». Il a exprimé le sentiment d'abandon du peuple palestinien, soulignant son courage et sa résilience face à des obstacles insurmontables. « Nous avons le devoir de sauver des vies. Ce Conseil a l'obligation de sauver des vies ». Décès d'au moins sept nourrissons par hypothermie Selon l'agence onusienne basée à Genève, des personnes vulnérables, dont au moins sept nourrissons, sont mortes d'hypothermie. «Ces décès tragiques soulignent le besoin urgent d'abris et d'autres formes d'aide pour les habitants de Gaza », a dit dans un communiqué, Amy Pope, Directrice générale de l'OIM. « Les décès dus à l'hiver à Gaza peuvent être évités : Le cessez-le-feu et l'accès à l'aide aux abris sont nécessaires ». Les fortes pluies et les inondations ont submergé les sites de déplacement et les abris de fortune. Les familles sont exposées à des conditions difficiles, luttant pour réparer les tentes endommagées après des mois d'utilisation. Les contraintes d'accès systématiques, signalées par le Bureau des Nations Unies pour la coordination de l'aide humanitaire (OCHA), ont gravement entravé l'acheminement de l'aide, 285.000 personnes seulement ayant bénéficié d'une aide à l'hébergement depuis septembre 2024. À la mi-décembre, le groupe sectoriel abris, un groupe de coordination des Nations unies, des organisations humanitaires internationales et locales, estime qu'au moins 945.000 personnes ont encore besoin d'une aide d'urgence pour passer l'hiver, comme des vêtements thermiques, des couvertures et des bâches pour isoler les abris de la pluie et du froid. Plus de droit à la santé De leur côté, deux experts indépendants des Nations Unies ont appelé, dans un communiqué conjoint publié jeudi, à mettre un terme au mépris flagrant du droit à la santé à Gaza, suite au raid de la semaine dernière contre l'hôpital Kamal Adwan et à l'arrestation et à la détention arbitraires de son directeur, le Dr Hussam Abu Safiya. « Nous sommes horrifiés et préoccupés par les informations en provenance du nord de Gaza et en particulier par l'attaque contre les professionnels de santé, notamment le dernier des 22 hôpitaux aujourd'hui détruits : l'hôpital Kamal Adwan », ont dit le Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, Tlaleng Mofokeng, et la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese. « Nous sommes très préoccupés par le sort du Dr Hussam Abu Safiya, un autre médecin harcelé, kidnappé et détenu arbitrairement par les forces d'occupation, pour avoir défié les ordres d'évacuation et de laisser ses patients et collègues derrière lui », ont-ils ajouté. Plus de 1057 professionnels de la santé et de médecine palestiniens ont été tués jusqu'à présent et beaucoup ont été arrêtés arbitrairement. Les deux experts onusiens ont souligné que le personnel médical est constitué de civils exerçant une fonction essentielle au moment le plus critique et qu'il bénéficie donc de protections spéciales en vertu du droit international humanitaire. Ils ne sont pas des cibles légitimes pour les attaques et ne peuvent pas non plus être légitimement détenus pour avoir exercé leur profession. « Nous exhortons Israël à mettre fin à son assaut actuel contre Gaza et à cesser ses attaques contre les établissements de santé. Ils doivent également assurer la libération immédiate du Dr Hussam Abu Safiya et de tous les autres professionnels de santé détenus arbitrairement », ont-ils déclaré. L'OMS dénonce Pour sa part, le Directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Dr Tedros, a déploré jeudi la lenteur du rythme des évacuations médicales de Gaza. Seuls 5 383 patients ont été évacués avec le soutien de l'OMS depuis octobre 2023, dont seulement 436 depuis la fermeture du point de passage de Rafah. Plus de 12000 personnes ont encore besoin d'une évacuation médicale. À ce rythme, il faudrait 5 à 10 ans pour évacuer tous ces patients gravement malades, dont des milliers d'enfants. « Entre-temps, leur état s'aggrave et certains meurent », a dénoncé le chef de l'OMS. Il a exhorté Israël à augmenter le taux d'approbation des évacuations médicales, y compris en ne refusant pas les patients mineurs; à accélérer le processus d'approbation des évacuations médicales, et à permettre l'utilisation de tous les couloirs et passages frontaliers possibles pour des évacuations médicales en toute sécurité. Il a appelé également tous les pays à apporter leur aide en accueillant des patients et en offrant des soins de santé spécialisés pour éviter davantage de souffrances et de décès. Fortes pluies hivernales L'OIM a livré près de 180 000 abris d'urgence à ses partenaires à l'intérieur de Gaza depuis la mi-novembre et dispose de plus de 1,5 million de fournitures d'hiver supplémentaires, kits de scellage, tentes, kits de literie, prêtes dans les entrepôts et les points d'entrée, mais de sévères restrictions d'accès les empêchent d'atteindre les personnes dans le besoin. La population de Gaza mérite la sécurité, un abri et la dignité. L'OIM s'est dite prête à mobiliser l'aide et à soutenir les communautés déplacées, mais l'accès humanitaire doit être accordé pour que cela soit possible. Cette alerte de l'OIM intervient quelques jours après une alerte de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) au sujet du sort des déplacés. L'UNRWA rappelait que de fortes pluies avaient inondé des abris à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, doublant la souffrance des personnes déplacées vivant sous des tentes. «Dans le contexte de la guerre actuelle, de violentes tempêtes provoquent des inondations généralisées, laissant des milliers de personnes dans un besoin urgent de sécurité et d'aide humanitaire ». Accès refusé pendant 88 jours consécutifs Le mois de décembre a été marqué par certaines des restrictions les plus sévères jamais enregistrées en matière de mouvements humanitaires. Il s'agit notamment du blocage de l'accès aux zones frontalières pour collecter des fournitures et des obstacles pour empêcher les tentatives de livraison de biens et de services ou d'évaluation des besoins dans la bande de Gaza. Dans l'ensemble, près de 40 % des tentatives de l'ONU pour déplacer des travailleurs humanitaires n'importe où à Gaza ont été purement et simplement refusées par les autorités israéliennes, et 18 % ont été perturbées sur le terrain ou ont fait l'objet d'interférences. Dans les zones assiégées du gouvernorat de Gaza Nord, l'accès a été refusé pendant 88 jours consécutifs, c'est-à-dire depuis le 6 octobre 2024. Sur 166 tentatives, à la date du mercredi 1er janvier, 150 ont été refusées, et 16 ont été initialement acceptées mais perturbées ou confrontées à des obstacles sur le terrain. L'OCHA souligne que le refus de déplacement risque d'entraîner davantage de morts et de souffrances, et note que l'accès à ce qui reste des hôpitaux dans le nord est l'une des principales priorités. Chaque jour une tragédie… L'UNRWA a de nouveau souligné la nécessité d'un cessez-le-feu à Gaza dans une déclaration Philippe Lazzarini a souligné qu'aucun endroit ni personne à Gaza n'est en sécurité depuis le début de la guerre en octobre 2023. « Alors que l'année commence, nous avons reçu des informations faisant état d'une nouvelle attaque contre Al Mawasi, qui a fait des dizaines de morts et de blessés », a-t-il déclaré, qualifiant cela de « nouveau rappel qu'il n'existe pas de zone humanitaire, et encore moins de 'zone de sécurité' ». Il a averti que « chaque jour sans cessez-le-feu apportera davantage de tragédies». Les médias attaqués Par ailleurs, l'UNRWA a rappelé que les autorités israéliennes continuent d'empêcher les médias internationaux d'opérer et de faire leur travail à Gaza. « L'accès des journalistes internationaux pour qu'ils puissent faire leur travail librement depuis Gaza doit être accordé ». De son côté, le bureau des droits de l'homme des Nations Unies, le HCDH, s'est dit profondément préoccupé par la suspension par l'Autorité palestinienne des activités de la chaîne d'information Al Jazeera en Cisjordanie occupée. La chaîne basée au Qatar a été accusée de diffuser des « documents incitatifs » qui « étaient trompeurs et semaient la discorde », selon des rapports de médias internationaux qui citent l'agence de presse officielle palestinienne Wafa. Ce développement intervient dans un contexte de « tendance inquiétante » à la répression de la liberté d'opinion et d'expression dans le territoire palestinien occupé, a déclaré le HCDH, exhortant l'Autorité palestinienne « à changer de cap et à respecter ses obligations en vertu du droit international ».