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L'ANP et les forces de sécurité face aux tensions géostratégiques et l'instabilité de la région sahélienne
Sécurité au niveau du Sahel
Publié dans La Nouvelle République le 11 - 01 - 2025

Il faut rendre hommage à l'ANP et toutes les forces de sécurité, dont l'objectif essentiel est la protection du territoire, ciment de l'unité nationale, qui contribuent également, à apaiser les tensions régionales, le terrorisme étant une menace planétaire.
Espérons pour le devenir de l'Algérie que cette même énergie de l'ANP et des forces de sécurité soit déployée par le Gouvernement pour une véritable relance économique sous tendue par la consolidation, d'un front social intérieur impliquant l'approfondissement de l'Etat de droit, tenant compte de notre anthropologie culturelle.
Déjà dans une contribution sous ma direction parue en décembre 2011 à l'Institut français des relations internationales IFRI «l'Afrique du Nord face aux enjeux géostratégiques», reprenant une conférence donnée devant le Parlement européen à Bruxelles, j'avais soulevé certains questionnements, à savoir la sécurité au niveau du Sahel et de l'Europe. À ce titre, j'avais mis particulièrement en relief le rôle stratégique de l'Algérie comme facteur de stabilisation de la région. Récemment entre 2018/2024 ces thèmes, liens entre tensions géostratégiques, sécurité et développement ont été développés dans différents interviews médias aux américains, européens, chinois, russe, au Moyen- Orient à travers la chaîne Al Jazeera, et différentes conférences devant les ambassadeurs étrangers accrédités à Alger, devant les cadres de la DGSN , de l'Ecole supérieur de Guerre, de l'Institut de documentation et de prospective IMDEP et de l'Etat major de la Gendarmerie nationale relevant du MDN. Cela fait suite où en février 2014, à l'invitation de mon ami Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre français de l'Intérieur, de l'Education nationale et de la Défense et grand ami puisqu'il a été président de l'Association Algérie-France, en présence d'importantes personnalités (politiques, députés, sénateurs, experts internationaux) des deux rives de la Méditerranée en partenariat avec l'Union européenne, j'ai animé, au siège du Sénat français, une conférence sur le thème «face aux enjeux géostratégiques pour un co-partenariat entre l'Afrique du Nord et l'Europe, facteur de stabilité de la région» suivi d'une autre intervention lors d'une rencontre internationale par des dirigeants européens, et africains à l'invitation de « l'Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (Arga)», constituée d'importants acteurs africains et non africains dont le siège est à Dakar – (Sénégal), qui a organisé une rencontre internationale en janvier 2014 sur le thème «l'Afrique doit réinventer son économie» où j'ai mis en relief que les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques des conflictualités ont un impact sur toute la région euro-méditerranéenne et africaine.
Ainsi, au niveau du Sahel nous assistons à des mutations de la géopolitique saharienne après l'effondrement du régime libyen, car comment ne pas rappeler aussitôt Kadhafi disparu, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l'armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel, puis par d'autres groupes terroristes venus d'autres régions et les conséquences pour la région des tensions au Mali, l'importance des échanges économiques (formels et informels) et des échanges humains de part et d'autre du Sahara, les flux migratoires, notamment des migrants subsahariens qui s'installent désormais dans les pays du Maghreb.
Les enjeux géostratégiques au niveau de cet espace renvoient à des logiques géopolitiques divergentes tenant compte de l'histoire et des anthropologies culturelles devant éviter la vision européo- centriste car le monde depuis qu'il est monde a connu différentes formes de civilisations et le dialogue des cultures est source d'enrichissement mutuel. En effet, cet espace est caractérisé par l'ancienneté du système caravanier transsaharien, l'unité culturelle forgée autour de l'islam et l'existence d'un «complexe de sécurité» dans la bande sahélienne et les dangers de la pénétration de l'islamisme radical à ne pas confondre avec l'islam religion de tolérance à l'instar du judaïsme ou du christianisme. Il y a lieu d'éviter des déclarations hâtives de verser dans la xénophobie qui alimente le discours des extrêmes, ce qui se passe actuellement ne saurait en aucune manière refléter les idéaux de l'islam fondés sur la tolérance. Et sans oublier qu'existent des influences religieuses autour de la conception de l'islam qui influence largement les dirigeants politiques au niveau du Sahel, entre les Frères musulmans qui encouragent le maraboutisme (zaouïas) dominant, d'ailleurs, au Maghreb, et les djihadistes qui y voient une dérive de la religion.
Du point de vue géographique et politique, l'Afrique du Nord, comme mis en relief dans deux ouvrages réalisés sous ma direction et celle du docteur Camille Sari, sur « le Maghreb face aux enjeux géostratégiques ('Editions Harmattan, Paris 2014/2015)» était et reste toujours une sorte de barrière sur la voie des réfugiés illégaux des pays d'Afrique subsaharienne en Europe. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l'un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers.
Dans ce cadre, la plupart des dirigeants de l'Europe, des Etats-Unis d'Amérique, de la Russie et de la Chine s'accordent, dorénavant, sur la nécessité de coopérer davantage face à la menace de l'insécurité et du crime organisé, insistant sur une coopération étroite des pays de l'Afrique du Nord et des pays frontaliers et du Sahel, thème qui a été développé lors de plusieurs rencontres internationales entre 1995/2024 où j'ai mis l'accent sur l'obligation de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l'ensemble des pays de la zone et de l'urgence d'une coopération tant africaine que régionale dans la lutte contre la criminalité transnationale nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme.. Il s'agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l'application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s'adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l'hétérogénéité des systèmes juridiques, notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire.
De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d'agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes.
Les dirigeants africains notamment de la région sahélienne doivent être attentifs aux nouvelles mutations géostratégiques surtout après les derniers évènements en Syrie et l'arrivée fin janvier 2025 du président américain Donald Trump qui risque de bouleverser la carte du monde. Le devenir de l'Afrique appartient aux seuls africains, et leur prospérité sera fonction de profondes réformes, l'Afrique étant appelée à jouer un rôle pivot dans la croissance d de l'économie mondiale et être un acteur de stabilité régionale. Car, une Nation n'est forte et écoutée que si son économie est forte, existant un lien dialectique entre sécurité et développement.
Le non- développement accroît l'insécurité et l'insécurité freine le développement. C'est que la solution durable implique une refonte des nouvelles relations internationales nous orientant vers de profondes mutations géostratégiques et économiques se fondant sur un monde multipolaire. Cela implique de s'attaquer à l'essence de la bipolarisation mondiale en favorisant un co-développement. Comme le montre une étude du Forum économique mondial – WEF- qui révèle que fortement secoués par des crises politiques à répétition, bon nombre de pays sont à l'aube d'une crise majeure et sont une source d'inquiétude, traversant une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership.
Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand et tandis que l'écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l'éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées. L'étude met en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage: «une génération qui commence sa carrière dans un désespoir complet sera plus enclin aux politiques populistes alors que l'ampleur de la récession mondiale et le rythme du rétablissement ont laissé des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse». Aussi, il y a urgence d'un sursaut mondial qui dépasse une politique interne, car il y a maintenant un consensus selon lequel , tous les espaces mondiaux sont à l'orée d'une période d'incertitude croissance, aux racines ancrées dans la polarisation des sociétés.
Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités


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