, Plus encore, le jeûne possède une vertu et une puissance spirituelle intrinsèques : «… Jeûnez car cela est ce qu'il y a de meilleur pour vous ; puissiez vous savoir !» «…Jeûnez…afin que vous puissiez proclamer la grandeur de Dieu...”S2.V1841-185. Cet état de «crainte révérencielle» aboutit, non à une distanciation respectueuse, mais à une proximité issue d'un double élan et, au sujet des effets du Jeûne de Ramadân et de ce double mouvement, il est dit : “Lorsque Mes serviteurs t'interrogent à mon sujet…En vérité, Je suis proche et Je réponds à l'appel de celui qui Me désire. Qu'ils Me répondent donc vraiment, qu'ils croient en Moi afin de suivre la bonne direction.” S2.V186. - La Zakât A l'origine, dans le Coran, ce don, fait à Dieu pour Dieu, est une pure aumône : “… Le bien que vous dispensez sera à votre total bénéfice à condition que vous le fassiez uniquement en vue de Dieu…” S2.V272. Par la suite, il deviendra une obligation pour qui est «imposable». Etymologiquement, l'aumône, «sadaqa», indique la sincérit», et «zakât» la «purificatio». L'une comme l'autre, en dehors de leur utilité sociale, sont conçues comme des actions de dimension spirituelle, une Ecole de comportement et d'éducation de l'ego : “Ô croyants, n'annulez pas le bénéfice de vos actes de charité en faisant percevoir au nécessiteux son indigence, tel celui qui dépense ses biens par pure ostentation…” S2.V264. L'ostentation est bien plus vénéneuse pour les croyants que pour quiconque d'autre, Dieu n'accepte pas l'infidélité et aucune âme salie par elle-même ne S'en approche. Une fois encore les piliers s'entrelacent ; la générosité est de mise en Ramadân et Zakât El-Fitr couronne symboliquement le Jeûne. Ce n'est point le jeûne que l'on purifie ainsi, mais le jeûneur.[9] De même, sans cesse réaffirmé dans le Coran, Prière et Zakât sont liées : “Bienheureux les croyants qui prient avec dévotion, se détournent de toute vanité, acquittent la Zakât ” S23.V1-4. Tout comme le jeûne lutte par l'abstinence contre les pulsions, purifie et élève ainsi l'âme, la zakât s'oppose à notre attrait et appétence pour ce bas monde matériel. Ce «jihâd» purifie alors l'âme par l'abandon, le «don de so», et participe ainsi à l'éducation spirituelle : “Prélève sur leurs biens une aumône afin de les purifier matériellement et spirituellement…” S9.V103. - Le pèlerinage La Kaâba, perle noire de beauté, est le pôle de tous les croyants : “En vérité, le premier Temple qui fut fondé pour les hommes est au val de la Mecque ; bénédiction et lumière pour l'humanité.” S3.V96. Cinquième des piliers le Pèlerinage synthétise en un unique creuset les précédents : L'Unicité : La Kaâba l'est en elle-même : qibla unique, lieu unique, point central ; la Demeure de Dieu, inaccessible en ses voiles de jais, symbolise la transcendante Unicité de l'Essence divine. Les hommes, aimantés, gravitent sur son orbite, la frôle, elle disparaît, sublime évanescente, sous le brocart… son cœur vide… Dieu n'est pas un symbole : “Lorsque nous eûmes indiqué à Abraham l'emplacement du Temple : « Nulle chose tu ne M'associeras ! …” S22.V26. La prière : Tout musulman prie tourné vers la Kaâba et orienté vers la Face de Dieu. Mais, au pied de Sa Demeure, il unifie tous les élans vers l'Unique en priant sur le lieu même où se tint Abraham le Patriarche de tous les croyants : “Nous fîmes alors de la Demeure un lieu de retour et de paix… Prenez la Station d'Abraham comme oratoire…” S2.V125. Le jeûne : Il est ici représenté non par l'apparence, ne manger ni boire, mais par l'astreinte véritable, celle qui combat l'âme insouciante puis rebelle : “… Pour qui s'engage au Pèlerinage, alors nulle obscénité, ni désordre, ni dispute…” S2.V197. La zakât : Nous l'avons vu, elle purifie les biens matériels c'est-à-dire la concupiscence de l'âme. Celui qui en son pèlerinage s'apprête à l'affronter voyagera léger, sans dette, il multipliera l'aumône et les dons. Il n'emportera que le strict minimum, c'est-à-dire l'essentiel : “… Quelques biens que vous fassiez Dieu en a connaissance. Faites donc provende car le meilleur des viatiques est la piété.” S2.V197. L'idée indiquée par la racine «hajja», «se diriger vers», est le marche vers Dieu, progression spirituelle dont le terme est la connaissance : “En vérité, Safâ et Marwa font partie des rites de la connaissance de Dieu…” S2.V158. Ainsi, le développement spirituel des piliers de l'Islam et de toute pratique vertueuse est-il clairement indiqué par le Coran. Aucune raison de réfuter la mystique, aucune mystique à minimiser la pratique. La piété, l'amour et le respect révérenciel inspiré par la «présence» de Dieu, at-taqwâ, est le parcours obligé de la Voie de Dieu. Cette piété, viatique du voyage spirituel, s'acquiert donc primordialement par la pratique rituelle, chaque pratique étant liée à un aspect particulier de piété et «la Piété» étant la clef des ouvertures spirituelles : “Ô croyants, répondez sincèrement à Dieu et au Messager lorsque il vous appelle à ce qui vous vivifie. Sachez que Dieu s'interpose entre l'homme et son c?ur et, qu'au final, vers Lui, vous serez rassemblés.”S8.24. “Ô croyants, si vous craignez Dieu de piété révérencielle, il vous attribuera un discernement…” S8.V29. Il va s'en dire qu'en cette Voie, là plus qu'ailleurs en Islam, l'intention est prédominante. Seule une intention purifiée est purifiante et transforme un acte formel, une parole répétée, une pratique rituelle, en un mouvement réel de spiritualité. - Attester qu'il n'y a de dieu que Dieu sans avoir l'ardent désir de l'Unique brûle les lèvres et dessèche le cœur. - Prier sans désirer s'abaisser jusqu'à trouver Dieu en l‘élévation n'est que gesticulation. - Jeûner sans viser le détachement pour l'amour de Dieu est inutile privation ou pur exercice d'endurance. - Verser l'aumône pour acquitter son devoir et sa dette n'est que blanchiment de conscience et noircissement de l'âme. - Voyager vers la Demeure Sacrée sans avoir comme unique objectif la face de Dieu n'est que tourisme religieux. Inversement - Chercher l'Un sans en témoigner par la pratique dans l'Unicité de l'adoration n'est qu'illusion. - Rechercher l'élévation spirituelle sans la prière n'est qu'ascension horizontale. - Aspirer à la proximité sans jeûner est charrier à contre-courant sa propre âme avariée. - Espérer de la générosité de Dieu sans s'être dépouillé n'est que corruption. - Désirer l'union sans avoir longuement marché vers le lieu des noces, est espérance infatuée. Au final, les cinq pratiques principales de l'Islam, c'est-à-dire du musulman, sont telles les cinq doigts de la main, celle saisissant l'anse solide, l'indéfectible lien : “… Qui espère rencontrer son Seigneur, alors œuvre vertueusement et n'associe rien à l'adoration de son Seigneur.” S18.V110. Si Dieu a mis tant de soin à nous imposer un minimum obligatoire de pratique c'est qu'Il a voulu que tous les croyants puissent accéder à une spiritualité. Intrinsèquement, il n'y a pas d'amande sans coque ni de pulpe sans fruit. Toute pratique sans spiritualité n'est que coquille vide, toute spiritualité sans pratique n'est que prétention, amande amère : “Ô croyants, craignez Dieu de piété révérencielle et recherchez ce qui à Lui rejoint, luttez en Sa Voie… Connaîtrez-vous la félicité ! ” S5.V35. Qu'il me soit donné l'occasion de souhaiter, à toutes et à tous, un Ramadân de lumière. Dr Al Ajamî.