«Pourquoi on a ce problème de commémoration dans les lieux de mémoires dans les dates anniversaires pour ce pays ? Mais parce que on a du mal à accepter qu'on s'est séparé de la France tout simplement et on a du mal à accepter qu'on avait un nationalisme différent qui s'appelle le nationalisme algérien et il y avait le nationalisme français et ça on a du mal, moi je me rend compte en vieillissant que dans le fond ce qui apparaissait comme acquis dans les années 70/80 c'est-à-dire travailler sur le nationalisme algérien comme ça été mon cas, aujourd'hui ça parait complètement délirant c'est-à-dire est-ce que la nation algérienne existe ? Mais on ne se posait pas la question durant ces années-là, on ne se posait pas la question pourquoi parce qu'il y avait une guerre, et ensuite une indépendance c'est fini mais bien sûr que ça existait la nation algérienne et on ose dire aujourd'hui est-ce que le nationalisme et la nation algérienne existait, mais c'est incroyable, on s'interroge aujourd'hui sur pourquoi il y a eu un nationalisme algérien ? Parce qu'on a du mal a se séparer de l'histoire française de l'histoire algérienne tout simplement. »Concernant une question relative à Boualem Sansal posée par un intervenant, il répondra : « Je n'ai pas du tout les mêmes convictions que lui et ce, sur tous les plans, il est en prison en Algérie pour ses opinions et j'espère qu'il y aura une issue proche pour sa libération c'est mon souhait » L'historienne, Naïma Huber Yahi, prendra la parole ensuite et parle de l'immigration... « Quand on parle des Algériens en France pour revenir sur les travaux de Benjamin Stora, en tous cas de cette mémoire franco-algérienne, on parle d'une classe ouvrière, on parle d'une histoire populaire et je ne vais pas faire de l'inter sexionnalité puisque ce n'est pas mon corpus intellectuel, mais je dirais que lorsqu'on parle de cette diaspora, on parle d'abord d'ouvriers, c'est d'abord une manne ouvrière et c'est cette double peine qui rend difficile la mise en récit de ces mémoires populaires de sa diaspora algérienne en France, parce que c'est d'abord une mémoire et ce qui en découle, l'héritage, un patrimoine des luttes, une prise de parole politique qui va donner naissance au geste artistique et culturel des militants tous ça est aussi enfoui sous boissons parce que se sont des ouvriers, parce que les mémoires populaires en général dans des territoires singuliers puisqu'on travaille ensemble avec le maire Patrick Haddad sur la mémoire du grand ensemble. Il y a aussi la question des territoires et des populations qui y vivent... Je pense qu'on ne comprend rien à la question des présences et donc de ces groupes mémoriaux dont a parlé Benjamin Stora, on ne comprend pas qu'ils soient enserrés dans des problématiques qui sont très franco-françaises, cette dispute des cultures cultivés, des cultures populaires, elle vient interférer dans ces problématiques liés au narratif des minoritaires et parmi les minoritaires il y a le colonisé et parmi ce colonisé il y a ses héritiers et ses héritages. Je pense que ça renvoie à une séquence que j'ai traité dans cette exposition que j'ai proposé dernièrement à Sarcelles et qui s'appelle ''Douce France''. On parlait des mouvements sociaux, politiques, culturels et artistiques de ce qu'on appelle la génération Beur des années 80 et cette génération d'après l'indépendance qui va avoir 20 ans après 1962, va être cette première génération d'après la guerre de décolonisation qui va, elle, vouloir mettre en récit sa présence et revendiquer sa part de mémoire et d'histoire liée au fait colonial et qui va donner les marcheurs des années 1983 qui vont, lors de leurs arrivée à Paris, porter des pancartes revendiquant la mémoire du 17 octobre 1961. ça va être des livres, ça va être des films, ça va être du spectacle vivant qui va prendre en charge un récit mémoriel parfois teinté d'histoire et de patrimoine sur le fait colonial, sur les héritages identitaires et culturelles... Et d'ajouter : « Aujourd'hui, en 2025, ce qui m'interpelle dans la séquence très désagréable on dit maintenant Back lâche ce retour de bâton en bon français que nous vivons après cette séquence d'ouverture et de dialogue mémoriel et historique, c'était connue d'avance en on a beaucoup débattues entre collègues sur ce retour de bâton parce que quand on parle de la relation franco-algérienne, on parle toujours comme l'avait titré le rapport de Benjamin Stora de passions douloureuses, et dans ses passions, il y a ce moment de va-et-vient une espèce d'amour très fort et de haine très forte, et je pense qu'il faut sortir de cette séquence pour regarder froidement les faits. Il y a plusieurs millions de Franco-Algériens ou de Français issus du fait mémoriel comme l'a souligné Benjamin... » Avant d'ajouter : « L'Algérie a fait sa 5ème République... » Paul Max Morin qui a travaillé en particulier sur le rapport des jeunes générations avec l'Algérie, parlera et expliquera sur une question sur l'instrumentalisation politique de cette guerre et de cette mémoire... posée par le maire de Sarcelle Patrick Haddad. Très bonne question réplique le jeune politologue avant de poursuivre : « ça a me permet de rebondir de que disaient Naïma et Benjamin, évidemment, le fait qu'en France il y est plusieurs mémoires, c'est normal finalement puisque plein de gens ont eus des expériences très différentes et je ne sais pas si les gens ont besoin ou devraient avoir une mémoire unique ou le même récit. C'est normal que les familles de rapatriés ont leurs expérience, ils ont leurs histoires, leurs mémoires que les familles de Harkis aient leur propre expérience et leurs propres récits dans leurs familles. Pareil pour les descendants de soldats ou d'immigrés algériens. Finalement, ce qui est en jeu politiquement, c'est comment on organise la coexistence, le dialogue de ces différentes mémoires dans une même société et bien sûr que l'ensemble de ces personnes ont souffert de cette guerre de décolonisation, du parcours d'exil, de ce qu'a pu attaquer les difficultés sociales et économiques de l'immigration et de la réintégration en France, mais tout le monde n'en a pas fait de la politique, tout le monde n'en a pas fait une tension et sciences politique, on regarde comment on a commencé ces conversations en disant que les relations se dégradaient, qu'elles étaient à leurs paroxysmes. Mais qui choisit d'en faire une tension et pour qui c'est une tension ? Parce que même si évidemment on traverse une période difficile, la société française, depuis 40 ans, elle a beaucoup progressé sur ces questions-là, notamment parce que Benjamin a écrit beaucoup, Naïma, et toute une génération d'historiens, historiennes, sociologues, professeurs dans des lycées, éducateurs dans les quartiers populaires, des artistes, des rappeurs(es), des chanteurs(es) qui font finalement tant bien que mal on progresse, il y a quand meme de temps en temps des retours de bâtons, des retours en arrière, mais pour tous ces millions de personnes qui on, soit des histoires familiales particulières, soit parce qu'elles travaillent ces sujets-là. Et bien le rapport à l'Algérie, c'est une question quotidienne intime de travail ou on avance non sans difficultés mais on progresse. Ces gens-là ne vivent pas cette tension politique, c'est qu'à un moment dans l'histoire il y avait des personnes qui ont fait le choix de politiser ces mémoires-là et cela parce que cette histoire coloniale et cette histoire de la guerre elle n'a pas donnée naissance seulement à un cloisonnement de mémoires, elle a donné aussi naissance à un cloisonnement des cultures politiques. Il y avait en France, comme en Algérie à l'époque de la colonisation, des gens qui étaient pour la colonisation et des gens qui étaient contre, des gens qui étaient pour l'esclavage et d'autres contre et c'est un affrontement au sein même de la société française depuis très longtemps et qui traverse autant la gauche que la droite que l'extrême gauche ou l'extrême droite, puisqu'il y a eu une extrême droite contre la colonisation et une extrême droite pour, une gauche pour la colonisation et une gauche contre… » Et aujourd'hui, après 63 ans d'indépendance, comment le clivage s'est fait ? Questionna le maire de Sarcelle Pau Max qui précise : « En fait il y a eu toute une période de progression dans les années 2000, il y a eu pleins de recherches qui sont sorties, le gouvernement de Lionel Jospin avait reconnu que c'était une guerre, on avait reconnu aussi que l'esclavage était un crime contre l'humanité. Il y a eu quelque chose qui s'ouvrait, il y avait des documentaires que Benjamin avaient réalisés, une thèse sur la torture de Raphael Bronche qui est sorti. Tout d'un coup, la société semblait se confronter au fait colonial et a eu une vague réactionnaire, c'est-à-dire toute une partie de la droite française qui a refusé cette ouverture-là et qui a choisi de politiser cette question de la mémoire et de l'histoire coloniale et en même temps elle choisissait d'investir la question identitaire et ces deux débats aujourd'hui sont toujours liés, et c'est par hasard que ça soit les mêmes acteurs de droite ou d'extrême droite qui vont toujours vouloir réhabiliter le passé colonial, en parler de manière positive... Ce sont aussi les mêmes qui vont stigmatiser les immigrés et leurs enfants parce que c'est un discours sur l'identité, sur l'identité nationale, sur le rapport à l'immigration et cette réhabilitation du passé colonial elle a servi historiquement de cheval de troie pour radicaliser la droite sur les questions identitaires. ça s'est fait beaucoup avec Nicolas Sarkozy qui avait choisi d'imposer ce discours contre la repentance est un mot qu'il a prononcé 27 fois durant sa campagne électorale de 2017 et donc cette droite et cette extrême droite d'aujourd'hui qui a été aussi soutenue par tout un mouvement associatif, ils sont dans le prolongement de ce combat-là. Plus la société progresse et s'ouvre, plus ils vont être aussi dans la réaction pour empêcher le développement d'un regard critique sur le passé et pour empêcher qu'on puisse redécouvrir nos récits nationaux mais aussi pour empêcher certains processus d'égalité qui fait que dans une société mélangée et bien l'immigration fait qu'aujourd'hui des gens accèdent à des postes, qu'il y a du mélange, que ça progresse... Bien sûr qu'il y a toujours des discriminations et de racisme, mais il y a cette entreprise de préservation de récits de privilèges, une volonté de réaffirmer ce qu'a pu être l'ancienne France parce qu'ils sont toujours pris par cette culture politique coloniale et continuent à véhiculer cette même idéologie que même si on allait coloniser en 1962, on n'a pas forcément décolonisé les esprits et il faudrait peut-être rappeler à Bruno Retailleau que le 21ème siècle est donc terminé ». Suite et fin