A priori, le «Rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation, et la guerre d'Algérie» rédigé par Benjamin Stora et remis mercredi au président de la République française, Emmanuel Macron, ne regarde que les Français. Il est fait pour répondre à une de leurs préoccupations concernant le passé colonial de la France, qui est insupportable à assumer. «Aujourd'hui, fait constater Benjamin Stora, en France, plus de sept millions de résidents sont toujours concernés par l'Algérie, ou plutôt, pour être totalement exact, par la mémoire de l'Algérie». Il ne le dit pas dans son rapport, mais il devrait le reconnaître : par son comportement criminel, l'armée coloniale française a déshonoré la France. Ce fait historique, établi et indéniable, a créé un sentiment de honte et de culpabilité chez tous les Français, et pas seulement les 7 millions dont parle Benjamin Stora. La question mémorielle liée à l'Algérie interfère dans la politique intérieure française particulièrement, pour preuve, le tollé soulevé par les propos de Macron qui a parlé de crimes coloniaux en Algérie. En 2017, il avait qualifié le colonialisme français de crime contre l'humanité. A une autre occasion, il a utilisé les termes «acte de barbarie» en ajoutant, «que nous devons regarder en face en présentant nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes» Le contenu du document produit par l'historien français Benjamin Stora, à la demande du Président Macron, confirme qu'il a été chargé d'une mission impossible, comme le pensaient beaucoup d'Algériens qui ne se faisaient aucune illusion sur son rapport. Et même si Benjamin Stora acceptait de revoir sa copie, il est très peu probable qu'il se résigne à dire au peuple français la vérité sur les crimes commis en Algérie par la France coloniale. Heureusement, à l'époque, des Français ont sauvé l'honneur de leur peuple, en prenant position pour l'indépendance de l'Algérie, aux côtés des combattants algériens. A un degré moindre, d'autres Français, parmi les fonctionnaires, y compris dans la haute administration et même dans l'Armée, se sont démarqués des pratiques criminelles de leur armée. Force est d'admettre que l'héritage colonial français est lourd de crimes insupportables à assumer. Si l'on devait établir un palmarès des colonialismes, qui représentent ce qu'il y a eu de pire dans l'histoire de l'humanité, le colonialisme français serait classé largement en tête. Par petites «retouches», les présidents français successifs, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, ont tenté mais n'ont pas osé dire toute la vérité sur le colonialisme français. Le rapport Stora ne va pas plus loin.