Le 11 juillet 2025, le ministre des Affaires étrangères algérien lors d'un entretien téléphonique avec la vice-présidente de la Commission européenne et Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, faisant suite à une réunion du Conseil des ministres, des instructions ont été données de revoir les dispositions de l'Accord d'association avec l'Union européenne (UE), «clause par clause», en fonction d'une vision souveraine et d'une approche «gagnant-gagnant» en tenant compte de l'intérêt du produit national en vue de créer un tissu industriel et des emplois. Mais réponse de l'UE, principal partenaire commercial avec plus de 50% des échanges commerciaux, Bruxelles a annoncé officiellement, le 16 juillet 2025, suite aux restrictions commerciales et d'investissement, a demandé la création d'un groupe spécial d'arbitrage dans le différend relatif aux «restrictions au commerce et à l'investissement imposées par l'Algérie, que les mesures récentes prises par l'Algérie constituent une violation de l'Accord d'association UE-Algérie. En réponse à l'Europe, le chef de la diplomatie algérienne, le 17 juillet 2024 dans une déclaration officielle, a jugé le caractère « unilatéral » de la démarche de l'UE, « contraire », tant à l'esprit qu'à la lettre de l'Accord d'association, notamment ses articles 92 et 100, rappelant que «c'est au Conseil d'association qui n'a pas été convoqué depuis cinq ans, et à lui seul, qu'il appartient d'apprécier les résultats des consultations et d'en tirer les conséquences ». L'UE invoque notamment le système de licences d'importation quasiment équivalent à une interdiction d'importation. Tout en se disant ouverte à la recherche d'une solution négociée à tout moment, l'UE annonce qu'elle a nommé ce mercredi 16 juillet dans le cadre des consultations demandées en juin 2024, afin de trouver une solution mutuellement acceptable négociations qui n'ont pas abouti et, de ce fait, qu'un troisième arbitre devrait être nommé en vertu de l'accord d'association signé entre les deux parties l'Algérie devant désigner le sien dans un délai de deux mois : les trois arbitres statueront ensuite sur la question et leur décision sera contraignante pour les parties. 3. Le différend : la position de l'Algérie Rappelons qu'en 2023, les échanges entre l'Algérie et l'UE se sont élevés à 50,2 milliards d'euros, dont 35,37 milliards d'euros d'exportations algériennes en majorité les hydrocarbures, et des importations de 14,91 milliards d'euros. Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler la structure du commerce extérieur de l'Algérie. Selon l'Association of Commercial Collectors (IACC) nous avons respectivement pour les exportations les importations de biens la structure suivante du commerce extérieur algérien non compris le mouvement des services et ce pour 2024 . Pour le top 10 des clients de l'Algérie (Exportations 2024) (Evolution 2023-2024 en %), nous avons : Italie – 11,96 Mds USD (-21%) -France – 6,80 Mds USD (-11%) – Espagne – 6,01 Mds USD (-11% Corée du Sud – 3,63 Mds USD (+15%) – Etats-Unis – 2,54 Mds USD (-19%) – Belgique – 1,68 Mds USD (-17%) – Royaume-Uni – 1,62 Mds USD (-16%) – Pays-Bas – 1,56 Mds USD (-24%) – Turquie – 1,47 Mds USD (+1%) – Brésil – 1,40 Mds USD (-23%). La baisse généralisée des exportations vers les marchés européens traduit l'effet combiné de la baisse des prix des hydrocarbures et d'une demande extérieure plus faible. Quant au Top 10 des fournisseurs de l'Algérie (Importations 2024 (Evolution 2023- 2024 en %), nous avons : Chine – 11,69 Mds USD (+23%) – France – 5,18 Mds USD (+7%) – Italie – 3,13 Mds USD (+3%) – Turquie – 2,89 Mds USD (+5%) -Brésil – 2,56 Mds USD (+8%) – Allemagne – 2,27 Mds USD (+3%) N6 Arabie saoudite – 1,08 Mds USD (+31%) – Belgique – 1,03 Mds USD (+12%) Canada – 1,02 Mds USD (+5%) – Etats-Unis – 1,01 Mds USD (-16%). Concernant l'Accord d'association et ses incidences sur l'Algérie, il englobe une multitude de domaines de coopération, politique, économique, culturel, la libre circulation des personnes et autres, mais c'est le volet relatif au rééquilibrage des échanges commerciaux qui motive le plus la demande de la partie algérienne à renégocier l'accord en question invoquant le titre 2 de l'accord, portant «libre circulation des marchandises», dans son premier chapitre sur «les produits industriels» où l'article 11 donne la possibilité à l'Algérie de bénéficier de «mesures exceptionnelles» de durée limitée dérogeant aux dispositions de levée des barrières douanières. pouvant s'appliquer qu'à des industries naissantes ou à certains secteurs en restructuration. L'Accord reconnaît à l'Algérie un droit de prendre des mesures de protection, dont l'article 24 qui donne à l'Algérie le droit de prendre des mesures de sauvegarde, en arrêtant l'importation d'une catégorie de produits si elle porte préjudice à la production nationale, devant être renégocié pour rendre son champ d'application plus efficace et avantageux. Aussi, pour l'Algérie, l'objectif de cet accord est de « densifier » cette coopération, dont la démarche d'évaluation réclamée ne vise nullement à remettre en cause le cadre global de l'Accord, mais, bien au contraire, à l'utiliser pleinement dans le sens d'une interprétation positive de ses dispositions permettant un rééquilibrage des liens de coopération et que seules des négociations constructives permettraient de relancer la coopération entre l'Algérie et l'UE dans le but de mettre les relations économiques au centre de cette coopération, de donner à cet accord toute son importance et d'utiliser tout son énorme potentiel dans ses trois composantes: politique, économique et humaine. Aux préoccupations soulevées par l'UE suite aux mesures de rationalisation des importations prises par le gouvernement algérien dans un contexte bien particulier, cela n'est pas propre à l'Algérie comme en, témoigne bien avant l'épidémie du coronavirus les mesures restrictives de bon nombre de pays tant pour les USA que l'Europe et les tensions avec la Chine. L'Algérie reste convaincue que les discussions productives permettront d'arriver à des solutions acceptables qui prennent en ligne de compte les intérêts légitimes de chaque partie. En conclusion, il faut être réaliste, l'Europe des 27 pèse en 2024 , 17.942 milliards de dollars pour une population 449,2 millions d'habitants ce qui en fait la troisième puissance économique mondiale après les USA et la Chine et la deuxième en termes de PIB par habitant avant la Chine. L'Algérie a un PIB contre 268 milliards de dollars représentant 1, 5% du PIB européen (moins de 2%) pour le PIB par tête d'habitant en 2O24 de 'l'Europe est de 46.300 dollars au cours actuel euros et celui de l'Algérie 5.130 dollars soit 11% de celui de l'Europe. L'Algérie tout en préservant sa souveraineté , doit tenir compte de sa situation budgétaire plus de 61 milliards de dollars de déficit budgétaire en 2025, et financière et selon plusieurs agences internationales avec la baisse de ses réserves de change de 70 milliards de dollars fin 2023, à 51,4 fin 2O24 et à 39 milliards de dollars à juin 2025 qui pourrait avoir des conséquences sur la dépréciation du dinar officiel, accentuant l'écart avec celui du marché parallèle, déjà à plus de 74% et donc des pressions inflationnistes surtout avec les dernières décisions de restrictions des importations, alors que le taux d'intégration entreprises publiques et privées fin 2024 ne dépasse pas 15%, 85% des matières premières et équipements étant importés. Certes l'Algérie a une dette extérieure de moins de 5% du PIB mais face à une population de plus de 47 millions d'habitants avec des besoins croissants , le taux de croissance nécessaire devrait être de 7/8% pour absorber le flux additionnel annuel 350.000/400.000 emplois nouveaux par an , pas des emplois rente qui s 'ajoute aux taux de chômage actuel de plus de 10%. Dans ce contexte, l'Algérie étant un acteur clef de la stabilité régionale euro-méditerranéenne et africaine, l'Europe est un partenaire stratégique pour l'Algérie et vice versa l'Algérie, un acteur stratégique pour l'Europe pour son approvisionnement énergétique, près de 20% du marché européen en gaz en 2024 et ce suite aux sanctions contre la Russie. Aussi, il s'agit, comme je l'ai souligné il y a quelques années lors d'une conférence, à l'invitation du parlement européen à Bruxelles, de dépassionner les relations car la stabilité des deux rives de la Méditerranée nous impose d'entreprendre ensemble. Mais pour être un pays pivot, une Nation n'étant respectée que si elle a une économie forte, des réformes de structurelles doivent avoir lieu avec pour finalité une économie diversifiée, loin des aléas de la rente des hydrocarbures (98% des recettes en devises avec les dérivés inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour 67% en 2023 en nette baisse ) et encourager l'investissement créateur de valeur ajoutée. Cela passe par la lutte contre la bureaucratie afin d'améliorer le climat des affaires, la refonte du système socio-éducatif, le foncier, le système financier, (douanier, fiscal, domaine, banques) l'administration centrale/ locale par une réelle décentralisation, à ne pas confondre avec déconcentration, pour une participation citoyenne, et une nouvelle régulation sociale ciblée au profit des plus démunis, loin du populisme, des salaires versés sans contreparties productives conduisant à terme à une dérive sociale, voire politique. Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités Expert international