Des échanges de tirs entre forces cambodgiennes et thaïlandaises dans un secteur contesté de la frontière entre les deux pays ont fait au moins six blessés hier. Ces affrontements interviennent sur fond d'instabilité politique à Bangkok où des manifestants réclament l'intervention de l'armée pour renverser le gouvernement élu. La Thaïlande et le Cambodge se sont mutuellement accusés d'avoir ouvert le feu. Il s'agit de l'incident le plus grave depuis quatre mois autour du temple hindou de Preah Vihear, un monument du XIe siècle perché sur un promontoire à la frontière, source de tensions entre les deux pays depuis plus d'un siècle. La Thaïlande et le Cambodge ont avancé des bilans respectifs de quatre et deux militaires blessés dans l'échange de tirs qui a duré une quarantaine de minutes. Les forces cambodgiennes ont capturé une dizaine de soldats thaïlandais, a dit de son côté le ministre cambodgien des Affaires étrangères, Hor Namhong. Il a précisé lors d'une conférence de presse que le Premier ministre, Hun Sen, avait ordonné qu'ils soient bien traités et qu'ils seraient renvoyés en Thaïlande si Bangkok le demandait. A Phnom Penh, Hun Sen a convoqué une réunion d'urgence de son cabinet et des responsables militaires afin de déterminer la conduite à tenir. La Cour internationale de justice a attribué le temple au Cambodge en 1962, une décision difficilement acceptée par la Thaïlande, mais elle n'a pas déterminé l'appartenance d'un terrain de 4,6 km2 jouxtant les ruines. En juillet, les manifestants hostiles au gouvernement thaïlandais se sont emparés de cette cause dans un élan nationaliste. En quelques jours, 2 000 soldats se sont fait face à quelques mètres de distance dans des tranchées à flanc de colline qui, il y a dix ans encore, étaient sous le contrôle des derniers Khmers rouges. Plan d'évacuation Le ministre thaïlandais des Affaires étrangères, Sompong Amornvivat, a exhorté ses compatriotes à quitter immédiatement le Cambodge, cinq ans après l'incendie de l'ambassade et de commerces thaïlandais à Phnom Penh à la suite d'un différend portant sur un autre temple, celui d'Angkor Wat. Le ministre a ajouté que l'armée avait, en cas de besoin, préparé un plan d'évacuation. En 2003, des parachutistes et des avions de transport militaire thaïlandais avaient atterri dans la nuit à l'aéroport de Phnom Penh pour superviser l'évacuation de 600 Thaïlandais pris au piège des émeutes. Hier, la sécurité avait été renforcée devant l'ambassade de Thaïlande gardée par une vingtaine de militaires équipés de fusils d'assaut. Comme pour de précédents incidents moins graves survenus au cours des quatre derniers mois, chaque camp se rejetait la pierre. «Je peux confirmer qu'il y a eu des affrontements entre Cambodgiens et Thaïlandais», a déclaré le gouverneur de la province cambodgienne de Preah Vihear, interrogé par Reuters. «Les Thaïlandais ont tiré les premiers», a-t-il assuré. Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a catégoriquement démenti : «Nous avons la confirmation que les tirs impliquaient des armes légères ou des RPG. Les forces thaïlandaises ont soutenu qu'elles n'avaient pas déclenché l'incident, et nous suivons la politique du Premier ministre de faire preuve de retenue», a dit un porte-parole. Hun Sen avait menacé lundi de transformer la région en «zone de mort» si les Thaïlandais ne s'en retiraient pas avant mardi à midi (05h00 GMT).