Les premiers historiens algériens ont, dans leurs écrits, œuvré pour «contrer» et «neutraliser» la conception colonialiste de l'histoire de l'Algérie, a souligné, jeudi à Alger, l'historien Mohamed Harbi. «Les premiers historiens algériens, issus de l'Association des oulémas musulmans ont, dans leurs écrits, œuvré à contrer et à neutraliser la conception colonialiste de l'histoire de l'Algérie, dans un sens permettant d'élaborer un discours-réaction pour édifier une histoire commune cohérente basée sur les questions identitaires», a indiqué M. Harbi dans sa conférence intitulée Ecriture historique et mémoire. Il a ajouté, dans le même ordre d'idées, que «cette vision de l'histoire s'inscrit dans une option imposant une conception unanimiste, voire unitaire du passé». «Cette option, forcément antidémocratique, ne correspond pas aux ressentis des Algériens, souvent produits en contre-histoire», a-t-il poursuivi. Il a, dans ce contexte, expliqué l'émergence de ce courant de l'écriture de l'histoire de l'Algérie, par «cette volonté qui a émergé, durant les années trente du siècle passé, pour s'opposer au récit dévalorisant du colon et redonner aux Algériens la fierté de leur passé». Tout en se référant aux travaux des historiens issus de l'Association des oulémas musulmans, à l'instar de Toufik El-Madani et Mebarek El Mili, M. Harbi a soutenu que «l'historiographie produite durant la période coloniale souligne l'appartenance de la nation à une civilisation, donc son ancrage dans la mémoire arabo-musulmane». «Cette vision recherche l'efficacité politique beaucoup plus que les soucis scientifiques supposés accompagner l'entreprise de l'écriture de l'histoire», a-t-il relevé à propos du discours produit par les historiens algériens durant la période coloniale. Il a, dans ce contexte, mis l'accent sur la «sublimation» de la civilisation musulmane par ces historiens, par «opposition à l'ancrage romain de l'histoire produite par la colonisation». «La colonisation se justifiait comme une continuation de la civilisation de Rome, surtout dans son regard aux populations de l'Afrique du Nord, comme des populations non-assimilables, justifiant la thèse de l'usage de force», a-t-il soutenu à ce propos. M. Harbi a expliqué que «cette vision découle de cette perspective assimilant le colon au soldat laboureur romain». Tout en estimant qu'il s'agit d'une option qui «occulte un fait historique avéré, en ignorant le fait que plusieurs empereurs romains sont issus de l'Afrique du Nord», il a soutenu que l'historiographie produite par les historiens algériens durant la période coloniale, «est à l'origine de l'abandon d'une partie de notre patrimoine», citant à ce sujet les conclusions de Gilbert Meynier contenues dans son livre l'Algérie des origines». «Il s'agit plutôt d'un mythe politique, selon la conception relevant de la sociologie», a-t-il, encore, estimé. Toutefois, M. Harbi a reconnu que «ces historiens ont eu l'intelligence de décortiquer et de débusquer les manipulations historiques produites par le savoir ethnologique et historique, mis en œuvre par l'entreprise colonialiste». Il a, par ailleurs, soutenu que «les écrits de Mustapha Lachraf et Mohamed Cherif Sahli, pourront être perçus comme des tentatives de réaménagement, sans s'attaquer au noyau dur du roman national». M. Harbi a conclu sa conférence en relevant, qu'après l'indépendance, l'usage de l'histoire à l'école a versé dans la «légitimation» du pouvoir, faisant en sorte que «le Front de libération nationale (FLN) assure l'héritage du Parti du peuple algérien (PPA) et l'Association des oulémas musulmans». Agence