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Oripeaux et fourberies des pr?tres la?cs (I)
Dans la spirale de la conspiration culturelle
Publié dans La Nouvelle République le 23 - 11 - 2008


I/ Le démenti
Tout le monde a vu Philippe Val faire la promotion de son livre1, au titre voltairien et républicain. Convaincu que le monde est engoncé dans une naïveté condamnable, il enchaîne les émissions – télé et radio. A un point tel que, lorsqu'on se met à douter de sa bonne parole, il se rétracte dans sa bulle – sourd à l'opinion adverse.
Dans l'émission de Laurent Ruquier2, il n'a pas prononcé deux mots qu'il tombe, déjà, dans la trappe tendue par les deux Eric (Zemmour et Naulleau). Ils lui rappellent ses contradictions, mettent à plat sa logique, écrasent son bric-à-brac provenant de la sempiternelle bien-pensance. Les anachronismes qu'il convoqua crèvent le milieu du tableau, et sa vérité ne trompe personne.
Val se croit tout désigné pour donner des leçons. Jamais pour en recevoir. Ses prêches sont tenaces et, même, interminables.
Son livre en est l'illustration, au seuil avenant duquel commencent les faux-semblants. Il arrive à point nommé avec ses frasques et tout ce que le temps a rassemblé de passions et de ressentiments – notamment depuis les fameuses caricatures. Avec ses fourberies qui entendent gouverner. Avec la panoplie des idées servies et resservies à l'opinion. Il exhume le Voltaire du Traité sur la tolérance, farfouille dans les recoins sombres des années trente, revient sur l'affaire Fofana. Bref : du particulier, il se dirige, tout de go, vers le général. Il s'empêtre dans sa mélasse oubliant jusqu'à son credo, qui consiste à dénoncer sans ménagement les réflexes essentialistes. Tels que «le Juif est usurier», «le Musulman est terroriste», «le Noir est sale»… Tout ce qu'il développe œuvre à enfermer le Musulman, et l'Arabe, dans la seule idée qu'ils sont intolérants et que tout le mal vient de là. Ainsi en est-il de Mein Kampf (c'est-à-dire Mon combat), et d'Hitler, lorsqu'en 1923 il s'attaque aux Juifs et aux Tsiganes. On peut se balader dans n'importe quel discours de Val, tout ramène toujours à une même thèse – incurablement ulcérée. En réalité, le si sulfureux directeur du si satirique Charlie Hebdo n'a pas été sans laisser beaucoup de plumes dans la légendaire affaire des caricatures danoises : il sait, à peine, cacher sa descente aux enfers.
Il est non seulement incohérent, mais reste à dix mille lieues d'être aussi bienveillant qu'il l'enseigne. C'est un Val terrible d'intolérance, creux et sans d'autres voix que celle du vent qui secoue son être ! Et quel vent ! Un vent vicié, que le mépris des siècles inspire aux âmes incommodées.
Il prêche dans le désert… et en est conscient. Car ses interventions portent les stigmates d'un orgueil durement malmené. Elles constituent le lieu d'un lifting moral et d'un désir de revanche. Désormais, il n'est plus qu'un chasseur pourchassé… dont la logique a du plomb dans l'aile et pique, tout droit, vers les marigots du discrédit.
Dans un article3, paru sur son blog, la dérision prend le pas sur la bonne contenance. Il aurait aimé ajouter sa «solitude» à celles de Michel Houellebecq et Bernard-Henri Lévy. Ceux-là, s'affichant comme des écorchés de la bêtise humaine, pour ainsi tirer du renom, s'auto-désignent «ennemis publics» dans le livre du même nom4 regroupant leurs échanges épistolaires. Il est dans une telle logique de concurrence qu'il va contester aux plaintes de ses amis de s'élever au-dessus des siennes. Il a, lui aussi, dans le martyre et le masochisme de quoi recommencer une dignité anéantie :
– Si j'avais su, je t'aurais proposé qu'on écrive nos e-mails à trois, mais comme tu semblais te destiner à une carrière de scénariste à Hollywood […]. On pourrait appeler ça Lou Haï ou bien : Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu ? Ou encore : C'est vraiment trop injuste […]. Tout cela sur un ton de plaisanterie enrobé et qui, en fait, sous-entend : Basta Bernard… basta Michel… plus crucifié que moi, ça n'existe pas ! Finalement, chez cette espèce d'intellectuel, l'avantage est surtout narcissique, que l'on tient à remporter sur les contradicteurs.
N'en croyez rien, sauf par les racistes impénitents et les islamophobes, s'ils sont tous «mal-aimés» c'est pour leurs impostures évidentes. Il aurait aimé dire à la planète Terre, lui, Val, combien «le bon sens» se paie cher ! Bon sens… à l'aune d'une pensée sous tutelle, et formatée. Or, le désormais «mal-aimé» devra redoubler de prouesses, faire des pieds et des mains, passer outre les cris d'orfraies qui se multiplient. Il a, contre lui, ses amis et ses frères… qui usent et abusent – autant, sinon mieux que lui – du circuit médiatique. L'heure, donc, est venue des recyclages, des incantations et des imprécations. Vivement l'histoire, et ses noms prestigieux, pour faire un pied de nez au mauvais sort. Et, en effet, pour donner un deuxième pied à sa vérité… qui ne tenait déjà plus debout. Reviens, Voltaire !
Deux livres, et trois «mal-aimés», pareillement timorés parce qu'on ne les prend pas au sérieux. Ces preux chevaliers… ces croisés de la culture et de la critique «sans frontière» ! Même présents sur tous les plateaux des télés et des radios, ils geignent à faire fondre les cœurs. En s'arrogeant le statut de victime, on peut, autant qu'on veut, recommencer le siège de Jérusalem. En attendant, Val, de sa plume acérée, transforme systématiquement ses contradicteurs en antisémites avérés, les envoyant sous le couperet de sa guillotine pour regarder, dans un enivrement religieux, leurs têtes rouler «dans le panier de la liberté d'expression»5. Sa cruauté, son inconscient l'a ainsi exprimée. Entendre donc : panier du cynisme et de l'oppression. Voilà le type même du démocrate autoproclamé… promoteur, en fait, d'une pensée désespérément unique.
Bien des choses réunissent ces chauffards de la plume, chouchoutés des médias. On se souvient des mêmes BHL, Finkielkraut, Glucksmann… et de la cohorte des politiciens (Bayrou, Hollande, Sarkozy… en course, à l'époque, pour L'Élysée)… témoins de moralité… tiens donc… accourus, lors du mémorable procès, apporter caution au pote Philippe Val. On se souvient des mêmes personnages, et de leur soutien à Houellebecq, lorsqu'il fut confronté aux mêmes organisations, d'ailleurs dans le même cas de figure de l'insulte. Lequel Houellebecq est connu autant, sinon plus, pour sa haine envers l'Islam, qualifié de «religion la plus con» que pour son œuvre romanesque.
Tel est bien le site de la réunion. Nul doute que Val jouit – par tous les pores et tous les trous – quand il écrit ceci à l'adresse de BHL:
– Tu lui diras [à Michel Houellebecq] toute l'estime qu'à Charlie on éprouve à son égard. J'ai fait encadrer dans mon bureau sa célèbre fatwa : «la religion la plus con c'est quand même l'islam. Quand on lit le Coran on est effondré… effondré!» ; L'islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition». Tous les matins, […] je récite ces trois phrases avec dévotion […]6.
Avec dévotion ! Et, il est vrai, l'athéisme n'est pas sans être, souvent, la religion des stupidement aigris. C'est fou ce qu'on retrouve les mêmes personnages autour des mêmes pourfendeurs, aux œuvres assurément délirantes… Les mêmes flambards s'empressent d'honorer la bêtise, la sacrant vérité incontestée et lui donnant une place dans le panthéon des valeurs dégénérées. Qu'il s'agisse de Salman Ruchdie, ou de Taslima Nasreen – soit disant preuves vivantes de la «connerie» de l'Islam –, on retrouve les mêmes mollahs de la même laïcité : BHL, Finkielkraut, Glucksmann, Bruckner, et consorts. Ceux-là, autoproclamés philosophes, mais communautaristes, sont toujours là, en tête des défilés. A l'affût des causes ethnocentristes d'avance acquises !
Or, cette histoire n'est pas finie qu'une autre commence, pointant le paradoxe de ces donneurs de leçons rencontrés sur tous les fronts de la liberté d'expression, de la tolérance… et, cependant, du droit à l'ingérence. Tout à coup : retour de flamme ! Charlie Hebdo implose, miné dans ses fondements, ses certitudes et sa crédibilité. Val cesse de rire ! A peine un rictus figé sur sa face ferrugineuse. Il n'y a pas plus désavouant, pour un journal profanateur des valeurs d'autrui, que le sort qui le déchire en deux. Siné, le plus vieux des dessinateurs, crée son propre journal. A 79 ans, il commet le geste (impudent !) de jouer avec le feu – geste prométhéen, guère apprécié par la morale d'un Val compromis, par fidélité, à Sarkozy qui, rappelons, a volé à son secours. Vendre la mèche… aux laissés pour compte… que nenni… Val ne permet. Pauvre Siné ! Mal lui en prit. Ça l'a sorti de l'anonymat ? Il n'empêche qu'il doit se mordre les doigts d'avoir frôlé le délit d'antisémitisme. Et d'avoir ainsi affirmé :
Jean Sarkozy, digne fils de son paternel, et déjà conseiller général UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le parquet […] a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n'est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive, héritière des fondateurs de DARTY. Il fera du chemin dans la vie, ce petit !7
Darty rime avec petit…
et de façon grandement antithétique
Tout est là. La goutte qui fait déborder le vase c'est l'identité juive de la fiancée. Or, trop de clarté aveugle. Val pète les plombs. Et Siné, du coup, est grillé. La justice valienne est à l'image de la justice française : à deux vitesses. Tombe, alors, le verdict comme un couperet. Siné «l'antisémite» doit quitter l'Olympe – déchu. Zeus en a décidé ainsi, qui conclut à un blasphème. Fin du premier acte. On ne badine pas avec l'Inquisiteur en chef. Mais le compte à rebours a commencé.
Et finalement : on ne peut rire de tout !
Du coup, la formule caricaturale prêtée au prophète Mahomet «c'est dur d'être aimé par des cons» devient, dans la bouche de Siné, «c'est dur d'être dirigé par un con».
C'est, là, un démenti cinglant adressé par le hasard à la logique calomnieuse, de la presse hypocrite.
(Suivra)


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