1.- Pour la première fois, depuis la crise financière mondiale, le gouverneur de la B anque d'Algérie, structure dépendante de la Présidence de la république, donne un constat lucide sur les impacts de la baisse du cours du pétrole sur le financement futur de l'économie, si l'on devait maintenir le même rythme du montant de l'investissement que durant les années 2007/2008. Avec le fonds de régulation - 4 192,5 milliards de dinars, à fin novembre 2008, qui représente le solde budgétaire en dinars - (ce dernier n'étant pas convertible, l'Algérie exportant 98% d'hydrocarbures et important presque tout), l'excédent de liquidités des banques, évalué à 2 418 milliards, et les réserves de change, estimées à 138,345 (solde en devises, à travers la balance des paiements), selon le gouverneur de la Banque d'Algérie ce financement public peut durer deux (2) années, selon un cours entre 30/35 dollars, mais partant de l'hypothèse de la stabilité du dollar et de l'inflation mondiale. Car, un cours de 40 dollars, corrigé par une inflation annuelle de 3% et un dérapage de 30% du dollar, nous donnerait moins de 25 dollars le baril, et 12,5 dollars pour le gaz, pour un même volume. Ce diagnostic du gouverneur, en date du 21 décembre 2008, contraste avec les déclarations de certains responsables qui déclaraient, publiquement, que la crise ne concernait pas l'Algérie, avant de se rétracter, tant de Karim Djoudi, ministre des Finances, qui parlait de 4 années, de Abdelatif Benachenhou, ex-ministre des Finances, qui stipulait sur 5 années (fin 2014), ou d'autres (irresponsables), que la crise ne nous toucherait pas, même avec un cours du baril de 15 dollars, nous faisant penser au discours d'un ex-Premier ministre, au lendemain de la crise de 1986. Cela rejoint, donc, mes analyses, largement diffusées au niveau national et international depuis août 2007, date de la crise des prêts hypothécaires, où j'émettais l'hypothèse que si la crise devait persister au-delà de deux années, les tensions budgétaires pouvaient se manifester en juin 2011, pour un cours de 50/55 dollars, en supposant une stabilité du dollar, et fin 2010 pour un cours variant entre 30/40, étant entendu qu'un dérapage simultané du dollar (inévitable, d'ailleurs, durant l'année 2009/2010) et du cours du brent avancerait les échéances. Durant les 11 premiers mois de 2008, l'Algérie a importé pour 34,16 milliards de dollars, contre 24,96 milliards de dollars en 2007, soit une hausse de 36,87%, allant vers 40 milliards de dollars clôturé au 31/12/2008, sans tenir compte des transferts des dividendes (y compris les associés de Sonatrach) et les transferts des services, qui commencent à prendre une part croissante, devant dépasser, certainement, les 50 milliards de dollars de transfert pour 2008. Le besoin de financement sera d'autant plus important, entre 2009/2014, qu'existe une crise de liquidités au niveau mondial et, surtout, que la nouvelle politique économique du gouvernement, y compris au sein de Sonatrach, impose une participation majoritaire de l'Etat dans tout acte d'investissement. 2-. Or, la crise risque de perdurer, avec des ondes de chocs pouvant aller jusqu'à 2012/2014, s'il y a légère reprise fin 2010/courant 2011. L'élément fondamental est, donc, la récession de l'économie mondiale où, selon le dernier rapport de la Banque mondiale, de décembre 2008, la croissance économique mondiale ne dépassera pas 0,9% en 2009, la croissance se situant à 4,5%, dans les pays en développement, prévision nettement inférieure au précédent, établi au mois de juin 2008, où la croissance mondiale prévue était estimée à 3% et à 6,4% dans les pays en développement, et également inférieures à celles du Fonds monétaire international du 6 novembre (2,2% de croissance mondiale, 5,1% dans les pays en développement). Car, l'erreur stratégique de certains experts de l'OPEP a été de penser que la demande serait tirée par l'Asie (Japon et Chine), qui connaissent une récession importante. Cela explique que la décision prise par l'Opep, lors des trois dernières réunions, de baisser sa production de pétrole de 520 000 barils par jour, de 1,5 million de barils jour et de 2,2 millions de barils jours, l'offre s'établissant, théoriquement, à 24,845 millions de barils jours avec une baisse totale, depuis le début 2008, à 4,2 millions de barils jours, n'ont pas réussi à freiner la baisse des cours, qui avaient atteint le pic de plus de 147 dollars le baril. Par là, une chute du cours du brent, le prix de cession du gaz déjà sous évalué de 50% par rapport au cours du brent. Tout en n'oubliant pas que durant la période 2010/2020 se met en place, certes lentement, un nouveau modèle de consommation énergétique, et ce serait une erreur stratégique de raisonner en termes de modèle de consommation énergétique linéaire, oubliant les cycles énergétiques depuis que le monde est monde, passage par exemple, de la prédominance des hydrocarbures au lieu du charbon et, surtout, de la non prise en compte de la politique énergétique du président Barak Obama, qui sera déterminante vis-à-vis de l'évolution du cours du pétrole. Car, le programme du nouveau président US est bien de mettre fin à la dépendance énergétique, en pétrole, des Etats-Unis vis à vis du Moyen Orient, donc, de l'OPEP, d'ici à 10 ans, tout au plus d'ici 20 ans, ainsi que de l'influence russe à travers la stratégie de Gazprom, avis partagé par l'Europe. La généralisation des nouvelles technologies, rentables également pour l'Asie, qui possède le savoir faire, à 80/90 dollars 2010, à moins de 60 dollars horizon 2015, et à moins de 40/50 dollars horizon 2020, et ce aux prix constants 2008. Les investisseurs potentiels, à l'instar de l'abandon partiel du charbon pour les hydrocarbures, la décennie passée, anticiperont donc, de nouveau, un modèle de consommation pouvant assister à un désinvestissement dans ce segment, le pétrole devenant, non plus une arme politique dominante, mais une énergie comme une autre, en diminution relative horizon 2020. Cette tendance, anti-pétrole, de la nouvelle gouvernance américaine est confirmée par la nomination du prix Nobel de physique (1997), Steven Chu, pour occuper le poste de secrétaire à l 'Energie, celui-ci étant un partisan, affirmé, de la recherche d'énergies renouvelables et alternatives. 3.- Aussi, la marge de manœuvre financière de l'Algérie, face à cette crise, entre 2009/2010, est étroite, d'où l'urgence de réorienter toute la politique socio-économique, du passage d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, qui doit se fonder sur une meilleure gouvernance et la valorisation du savoir, pilier du développement du XXIe siècle. Au cours de 50 dollars, les recettes de Sonatrach s'établiraient à 37 milliards de dollars, et à un cours de 40 dollars à, environ, 30 milliards de dollars, montant duquel il faut soustraire entre 15 et 20milliards de dollars d'autofinancement, et le transfert des associés, ce qui reste peu pour le montant versé au Trésor public à des fins d'investissement. Le montant sera d'autant plus faible, avec la dépréciation du dollar, où l'Algérie serait triplement pénalisée : baisse de la valeur des recettes, en termes réels hydrocarbures, hausse de la facture des importations en euros, baisse de la valeur des réserves de change libellées en dollars,en termes de pouvoir d'achat euros, dont les bons de Trésor. En annonçant des dépenses publiques variant entre 100 et 150 milliards de dollars, entre 2009/2014 (la différence de 50 milliards de dollars est énorme), le gouvernement reconnaît qu'il va y avoir restrictions budgétaires puisque, pour la première hypothèse, cela représenterait 40% des dépenses de 2004/2008, évaluées à environ 200/240 milliards de dollars, et 60% selon la seconde hypothèse qui, certainement, se fonde sur un cours de 60 dollars le baril. Aussi, devant la gravité de la situation s'impose un discours de vérité et, surtout, d'éviter les contradictions actuelles au plus haut niveau du sommet de l'Etat.