En cette aube du XVIIe siècle, l'aristocratie était encore toute-puissante dans le royaume de France gouvernée par Louis XIV, appelé aussi le Roi-Soleil (1638-1715). C'est à cette classe de la haute noblesse qu'appartient l'auteur des célèbres Maximes, mais qui a été – tout au long de sa vie – par ses membres qu'il critiqua et railla jusqu'à sa mort. Naissance et jeunesse François de La Rochefoucauld est né à Paris en 1613. Sa famille fait partie de la haute noblesse et, en cette aube du XVIIe siècle, l'aristocratie était encore toute-puissante. Il a, donc, la naissance mais dispose aussi de la richesse. Son enfance et son adolescence n'avaient rien de bien original pour un jeune noble de cette époque. Il reçoit une instruction médiocre. Dès l'âge de quinze ans, il épousa Andrée de Vivonne en un de ces mariages de raison si fréquents alors. Le voici dans sa seizième année, et c'est le début, auprès de Louis XIII, d'une vie de courtisan qui s'annonce brillante : les portes de la politique, de la diplomatie et de la guerre sont grandes ouvertes devant lui. Bientôt, le métier des armes lui permet de s'illustrer au cours des campagnes de 1635 et de 1636, épisodes de cette guerre de Trente Ans qui oppose la France à l'Autriche. Sa réussite politique est moins brillante : intriguant avec la duchesse de Chevreuse pour soutenir les intérêts de la reine Anne d'Autriche contre le cardinal de Richelieu, il songe à un enlèvement romanesque de la jeune souveraine qu'il estime menacée et il est enfermé à la Bastille sur l'ordre du puissant ministre. Il participe activement à cette vie d'aventures et de complots qu'Alexandre Dumas a si heureusement évoquée dans ses Trois Mousquetaires, et apparaît, ainsi, comme une sorte de d'Artagnan chevaleresque, au grand cœur. Louis XIII meurt en 1643. Le futur Louis XIV n'a que cinq ans et sa mère, Anne d'Autriche, gouverne en son nom. La Rochefoucauld va-t-il recueillir les fruits de son action ? Il l'espère. Mais Anne d'Autriche et son nouveau ministre, Mazarin, ne brillent pas par la reconnaissance. La Rochefoucauld est de plus en plus déçu par la monarchie. Un comploteur malheureux Les événements de la querelle appelée Fronde vont peut-être lui donner l'occasion de la revanche. Durant ces épisodes tragi-comiques, tantôt guerre en dentelles, tantôt conflit meurtrier et sanglant, La Rochefoucauld se range du côté des frondeur. Lieutenant-général de l'armée rebelle, il combat vaillamment et reçoit, en 1652, une grave blessure, à la Porte-Saint-Antoine, à Paris. Mais c'est décidément un comploteur malheureux. La Fronde s'achève sur le triomphe du pouvoir royal et La Rochefoucauld fait partie des vaincus. Un autre comploteur, mais de génie, celui-là, le cardinal de Retz, dit de lui : «Il y a toujours eu du je ne sais quoi en tout M. de La Rochefoucauld. Il a voulu se mêler d'intrigue, dès son enfance, et dans un temps où il ne sentait pas les petits intérêts, qui n'ont jamais été son faible ; et où il ne connaissait pas les grands, qui, d'un autre sens, n'ont pas été son fort.» Selon le cardinal de Retz, La Rochefoucauld ne pouvait que connaître l'échec, car il était aussi peu doué pour l'accessoire que pour l'essentiel. Une vie mondaine active Ses échecs politiques l'encouragent dans une activité de courtisan mondain. C'est là une démarche fréquente chez les nobles de cette époque qui, progressivement privés de leur puissance, voient dans la vie mondaine un pouvoir de remplacement. Après l'amnistie qui met un point final à la Fronde, La Rochefoucauld se tourna, donc, vers ce genre de vie. Il court de salon à la mode en salon à la mode, engage des relations d'amour ou d'amitié tendre (Mademoiselle de Scudéry, Madame de La Fayette, Madame de Sablé, Mademoiselle de Montpensier et bien d'autres encore). Il connaissait à merveille les femmes de la cour. Il est le courtisan idéal, comme le fait remarquer le cardinal de Retz en un compliment à double tranchant: «[...] Il est beaucoup mieux fait de se connaître, et ne se réduire à passer, comme il l'eût pas, pour le courtisan le plus poli qui eût paru dans son siècle.» Mais la maladie s'abat sur lui. Il est bientôt atteint par la goutte, douloureuse inflammation des articulations. La vieillesse et la souffrance l'éloignent progressivement de la vie mondaine. Il sombre peu à peu dans la misanthropie, mais heureusement, il lui restait un ultime refuge : la littérature. L'engagement littéraire L'engagement littéraire de La Rochefoucauld est directement lié à ses déceptions politiques et à sa vie mondaine. La littérature constitue en effet, elle aussi, un pouvoir de remplacement et un moyen de séduire. L'œuvre de La Rochefoucauld est incontestablement influencée par la mode des salons. C'est une littérature de salons: elle emprunte ses formes et ses thèmes aux préoccupations qui y régnaient, aux jeux qui s'y déroulaient. Son propre portrait, qu'il publie, en 1659, dans un recueil collectif élaboré en l'honneur de la duchesse de Montpensier, est une adaptation littéraire du jeu des portraits qui consistait, en procédant par questions et réponses, à faire deviner l'identité d'un familier du salon. Ses Mémoires, parus en 1662, reflètent le goût de l'époque pour l'analyse psychologique. (A suivre)