De famille conservatrice fort connue dans la région, gardienne des traditions, Miassa savait par avance qu'elle serait sacrifiée sur l'autel de l'honneur retrouvé pour la faute commise. Alors, à son tour, elle prit le chemin de l'exil avant que ses parents ne découvrent son état. Elle accoucha dans un hôpital, loin des siens, dans l'anonymat total et se retrouva du jour au lendemain mère-célibataire. Elle mit au monde une petite fille à qui elle donna un doux prénom, Amina, comme pour affirmer sa foi en Dieu ! Quand elle arriva dans une ville de l'ouest du pays, sa fille avait à peine trois mois. Comme bagage, elle n'avait qu'un simple cabas renfermant ses effets personnels et ceux de sa fille. Ses maigres économies fondirent comme neige au soleil et elle commença à errer dans les rues de la ville. Le destin se dressa une nouvelle fois devant elle sous la forme d'une femme qui avait remarqué sa grande beauté mais surtout l'immense détresse qui se lisait dans ses yeux. La veille femme s'approcha d'elle pour s'enquérir de son état. Miassa, peureuse, grelottante et naïve, se confia à elle, et c'est ainsi que Meriem, la dame l'hébergea en attendant des jours meilleurs. En fait, Meriem était loin d'être une humanitaire ; c'était une personne qui exploitait le malheur des autres pour s'enrichir. Quinze jours passèrent sans qu'elle fut inquiétée et, un bon matin de novembre, Meriem lui déclara de but en blanc : «Ma fille, les temps sont durs et la vie est chère. Il est temps pour toi de trouver un travail pour assurer ton avenir et celui de ta fille. Tu es belle, jeune, vigoureuse et comme personne ne te connaît ici, tu peux vendre tes charmes sous mon toit et nous partagerons fivty-fivty.» Miassa demanda un délai pour réfléchir et la veille mégère, tout miel et tout fiel, lui accorda deux semaines pour prendre une décision. Cette nuit-là, Miassa ne dormit pas et les paroles de Meriem taraudaient son esprit tourmenté ; elle venait de vivre un cauchemar et voilà qu'on voulait l'enfoncer davantage ! Sa décision était bien prise : pas question de sombrer encore dans le déshonneur ! Le lendemain, après avoir fait le ménage, elle vint voir Meriem et l'informa qu'elle sortait pour chercher du travail. Toujours souriante, la mégère acquiesça car elle savait que Miassa ne trouvera aucun travail ; le seul boulot qui lui restait était de faire commerce de son corps ! Miassa n'était pas dupe ; elle aussi savait que le chômage faisait des ravages parmi les jeunes mais elle avait sa petite idée : trouver une association qui puisse lui venir en aide pour sortir de cette toile d'araignée dans laquelle on voulait l'enfermer. Ne connaissant ni la ville ni les habitants, elle commença sa quête d'informations et de bonnes âmes lui indiquèrent une association caritative qui avait pignon sur rue. Le président de l'association écouta attentivement son récit et décida de lui venir en aide, mais il fallait d'abord la tirer des griffes de cette mégère, ce qui fut fait avec l'assistance du procureur. Ensuite, l'association la plaça dans une famille d'accueil pauvre mais honnête et lui vint en aide pécuniairement durant trois mois. Miassa se sentit bien dans sa seconde famille et, un jour, on vint la demander en mariage ; elle ne prit aucune décision sur le champ mais s'en alla informer ses bienfaiteurs et protecteurs qui lui conseillèrent de se marier. Mais, au préalable, une petite enquête s'imposait et le résultat fut positif : le jeune homme envoya sa famille qui accepta les conditions posées. C'est ainsi qu'en une semaine, Miassa changea de foyer et de cette union naquirent deux garçons. Amina allait sur ses six ans quand le destin s'acharna encore une fois avec plus de férocité sur Miassa. Ce matin-là, elle ne trouva pas sa fille qui jouait d'habitude devant la maison quand une femme vint l'informer qu'elle était à la morgue de l'hôpital, et Maïssa perdit conscience. En fait, le corps de la petite fille fut découvert dans un cabas à l'autre bout de la ville par un éboueur qui prit soin d'avertir la police sans toucher à rien : Amina avait été étranglée avec du fil de fer et affreusement mutilée. L'enquête démarra sur des chapeaux de roue et, curieusement, Miassa reconnut avoir été complice du crime et affirma que son mari était l'auteur principal du meurtre. Les deux furent arrêtés et écroués séance tenante mais l'instruction allait révéler bien des choses. Miassa reprit ses esprits et confia au juge qu'elle n'avait rien à voir dans cette tragédie, mais que son mari l'a menacée de la tuer, elle et ses enfants si elle n'adhérait pas à sa version. Elle avait épousé un monstre puisque c'était un pédophile. Elle raconta toute l'histoire au juge et indiqua le lieu où son mari cachait des cassettes vidéo et c'est ainsi que le criminel dut confondu. Miassa resta en prison durant seize mois et donna naissance à son troisième enfant avec celui qui avait tué sa fille. Le jour du procès, elle fut acquittée et son époux condamné à la peine capitale. L'association joua encore une fois au petit chaperon rouge et mena une longue bataille pour lui procurer un toit et ramener ses enfants. Son père ses frères ne surent jamais ce qui était arrivée à Miassa, seules sa mère et sa soeur le savait et venaient lui rendre visite en secret. Miassa avait maintenant un toit et ses enfants étaient autour d'elle et l'association lui procura un travail. Elle ne quitta pas la ville où elle avait tant souffert. Sa mère et sa soeur continuèrent de la voir et, chaque vendredi, elle se rend au cimetière pour se recueillir sur la tombe de sa famille Amina. Elle fit le serment devant Dieu et les hommes de ne jamais se remarier et de se consacrer à ses enfants.