On est vraiment fatigué de répéter, à chaque fois, ces appels au bon sens, cela semble rester continuellement lettre morte, exactement comme par les situations passées d'interpellations du pouvoir monopartiste d'avant octobre 1988. Que le lecteur me permette d'ouvrir ici une parenthèse juste pour évoquer en la circonstance que, durant les années 1980, lorsque j'étais étudiant, j'ai eu une idée assez nette de la censure pratiquée du bled, lorsque l'opportunité me fut offerte pour publier, dans des journaux francophones de l'époque (El-Moudjahid, où j'animais la rubrique culturelle kaléidoscope «Fin de semaine», Algérie Actualités et Revaf), mes premières contributions et certains articles se prononçant nettement en faveur de l'autonomie du secteur audiovisuel et le monde des arts en général. Fustigeant au même titre que des professionnels aguerris les contraintes du pouvoir exercées sur diverses formes d'expression journalistique, littéraire, dramatique, artistique..., je ne fis que protester contre ces formes d'atteinte aux libertés d'expression culturelle pour ne pas parler d'autre chose : l'un de mes psychodrames, «Robinson dialna», traitait spécialement de ce sujet de la censure apparatchik, accepté «pour la forme» mais jamais réalisé, comme d'autres écrits, d'ailleurs, où sont nettement soulignés, d'un bout à l'autre, par la plume des censeurs de service chaque passage de dialogues où il est question de libertés médiatiques et publiques pour les citoyens qui étouffaient au point qu'ils remplissaient de slogans de ras-le-bol tous les murs des intérieurs des toilettes des cafés et des bars. Tout comme étaient signalées d'autres expressions suggérant les prémices indispensables de «réformes» qui se devaient d'être urgemment entreprises en Algérie, à l'heure où des syndicats (Solidarnosc en Pologne) étaient tolérés en pays… communistes même (consigné dans mon scénario disparu intitulé l'Attente datant des débuts de 1980 ; même cas pour l'autre scénario-feuilleton policier le Jeu de feu consacré à des trafiquants profitant de leurs complicités au sein d'institutions publiques). Ce petit détail personnel ne représentait, en fait, rien à côté de ce que j'appris par la suite concernant les articles de presse, oeuvres diverses d'écrivains, d'auteurs, de dramaturges, d'artistes, de cinéastes, d'universitaires... que la censure voulait faire marcher au pas et, bien entendu, la plupart des écrits ou des productions refusés l'était non pas en fonction de critères esthético-techniques ou artistico-littéraires, mais à cause de certains passages jugés «inconvenants», «discréditants pour le pouvoir», selon divers avis recueillis. Les témoins directs de cette époque de censure pourraient très bien évoquer dans des publications nombre de ces dépassements qui ont condamné au placard des centaines d'oeuvres d'auteurs étouffés, parfois pour une simple ligne ou un simple plan seulement. Il est inutile de parler de l'interdiction qui frappa nombre d'auteurs qui allongèrent, alors, la liste de tous ceux qui étaient auparavant mis à l'index (les éventueles initiatives de recherches sur cette étape de ballonnement systématique seraient surprises par le nombre d'oeuvres filmiques, télévisuelles et autres littéraires réalisées reposant dans les sous-sols des archives indésirables et qui n'ont jamais été exposées au public jusque-là). Pareils recours semblent tenir du stalinisme, dirait-on, mais cela a bel et bien été appliqué dans notre pays, hélas ! On pourrait l'entendre comme ça, seulement il semble que d'autres données inhérentes aux conjonctures complexes de la nouvelle phase évolutive militent pour d'autres motivations que celles qui animaient les pouvoirs apparatchiks d'auparavant qui étaient soucieux exclusivement de la dimension «idéologique» surtout, de leurs options, et traquaient, de ce fait, à leur époque toute manifestation d'esprit critique contestant leur politique «socialiste» à deux vitesses ou discréditant leur stratégie de développement national à laquelle, néanmoins, beaucoup y adhéraient et oeuvraient honnêtement… avant la débâcle des années 1980 et 1990. Ainsi, loin des considérations d'ordre idéologique classique, ce qui paraît animer en dernière instance les décideurs des pouvoirs centraux de nos jours, c'est plutôt une question relevant de considérations que personne, sain d'esprit et de corps, ne pourrait jurer qu'elles tiendraient d'atouts stratégiques de la souveraineté nationale. Il appartient, dès lors, aux tenants de l' option du cloisonnement persistant, faussement considérés par certains comme des doctrinaires conservateurs, ultranationalistes, socialistes, alors que leur majorité ne cache pas une sensibilité à l'idéal démocratique clamé dans maints discours, l'Etat de droit, le pluralisme, la perspective d'une justice indépendante, l'espoir d'une société citoyenne… et marchande avec ses fruits juteux, de veiller à répondre avec sagesse, espérons-le bien, aux défis médiatiques du troisième millénaire ou bien de persister dans leur attitude figée qui aboutira , d'ici quelque temps, comme le redoute Mohamed Bouazdia et tant d'autres observateurs, à cette situation de no man's land où il sera pratiquement trop tard pour un redéploiement médiatique de dernière minute et où il sera inutile de rejeter la responsabilité de la fade inopérance constatée, alors, sur tel ou untel, l'histoire, seule, se chargeant de tout consigner comme faits entrepris ou délaissés, enregistrant y compris les voix de tous ceux qui se sont opposés tout le temps aux interdictions et aux musellements de toutes sortes, si anachroniques en ces temps annonciateurs de postmodernité, de dialogue démocratique des cultures du monde et propagateurs des vents nouveaux qui soufflent jusque dans les espaces cosmiques au-dessus de nos têtes, d'où nous parviennent leurs échos, via TPS, comme pour nous dire : «Vous les Algériens, vous êtes absents sur ce plan avec votre atavisme qui perdure, ratant le rendez-vous des NTIC à l'heure où les transparences démocratiques gouvernementales s'affichent sur le Net et où toutes les censures sont désormais battues en brèche par les tribunes universelles de l'Internet. Continuez à vous bercer d'illusions alors que vos jeunes sont admirables, mondialistes et magiques fédérateurs de votre nation. Pourtant...» (Suite et fin)