La projection du film Hors-la-Loi de Rachid Bouchareb, hier matin, à Alger et en fin d'après- midi à Cannes, a atteint le premier objectif escompté pour toute production cinématographique, à savoir susciter un intérêt particulier. Si avant la projection du film de Bouchareb, beaucoup d'encre a coulé, depuis hier, un autre épisode s'ouvre en effet autour du film. Celui-ci s'articulera certainement sur la portée du scénario du film Hors-la-Loi dont la destinée des trois frères algériens, Saïd, Abdelkader et Messaoud ne pouvait être hors du système colonial français en Algérie. Pour le réalisateur, non surpris de se voir attaquer de toutes parts par une opinion française représentante de la droite comme de l'extrême droite espère par ailleurs que son film «ouvre un débat serein». Une sérénité qui aura du mal à prendre le dessus dans le débat suscité par ce film, si l'ensemble de la société française et acteurs de la scène politique et médiatique ne s'impliquent pas d'une manière effective et constructive, loin du passionnel. Une production cinématographique relatant une fiction via des faits historiques. 1925, spoliation des terres des parents des trois frères précités par simple décision de l'administration coloniale érigée depuis 1830, année de la colonisation de l'Algérie par la France. Une terre dont la réplique du comédien, incarnant le père des trois frères a été lourde de sens et de renseignements. «Cette terre est la nôtre, celle de mon père et de mes ancêtres». Mais en vain, le système colonial ne reconnaissant que les siens pour faire valoir le respect des lois et la promotion des droits. Puis, vingt ans après, cette même famille se heurte et est rappelée à l'ordre encore une fois par la nature du système colonial. La France, en fêtant la libération de Paris de l'occupation allemande, réprime dans le sang en ce 8 mai 1945, à Sétif, Guelma et Kherrata, les manifestants algériens sortis pacifiquement réclamer la liberté et l'indépendance pour eux aussi. Autant de faits et d'événements relatés via l'histoire de Saïd, Abdelkader et Messaoud dans le film Hors-la-Loi, de Rachid Bouchareb, ne laissant pas indifférents les nostalgiques de «l'Algérie française». Ceci, de surcroît, au vu de l'évocation aussi de la colonisation française au delà du continent africain, au Vietnam. Rappeler l'épisode de la défaite cuisante de la colonisation française au Vietnam n'est pas pour arranger certains cercles français. Ces derniers entretenant subtilement l'oubli par diverses voies, cette fois-ci via leurs attaques contre le film, prétextant de faux vrais faits historiques, aspirent à ne pas permettre le retour du refoulé dans la mémoire collective de la société française. Celle-ci faisant face à une réalité nouvelle, au vu des mutations profondes au fil de son processus historique. L'immigration des trois frères vers la France avec leur mère, dont le parcours commun et à la fois pluriel est aussi nécessaire pour être un travail de mémoire. Une entreprise nécessaire pour se construire et se projeter dans l'avenir. Ce qui n'est pas pour faciliter la tâche des politicards et des nostalgiques «de la France coloniale ou de l'Algérie française» n'acceptant pas la nouvelle représentation de la société française dans sa diversité. Une question qui n'est pas traitée dans une génération est toujours reportée à une autre, puis à une autre, soulignent les psychanalystes quant ils évoquent les effets des histoires occultés sur le plan personnel ou collectif. Et c'est autour de cela que cette production cinématographique, de taille d'ailleurs, a le mérite d'avoir relevé le défi de porter son regard de cinéaste franco-algérien sur grand écran, ouvrant la voie à un débat qui pour les nostalgiques de la France coloniale et voire même ceux qui ont honte de ce passé qui se sont manifestés hier, à Cannes, pour dénoncer le film, mais en vain, il est sorti au grand public et à lui il appartient.