L'assaut meurtrier de l'armée israélienne contre des bateaux civils et sans armes appartenant à la flotille internationale Gaza Freedom dans les eaux internationales en dit long sur la nature d'un Etat présenté par des médias aux ordres comme la «seule démocratie» dans la région. L'émotion légitime suscitée par ce massacre perpétré de sang froid au sein de l'opinion publique internationale et particulièrement dans les milieux sympathisants avec la cause palestinienne ne doit pas occulter les véritables objectifs politiques poursuivis par le gouvernement israélien à travers cet acte de piraterie internationale. Ce n'est pas non plus un hasard si l'attaque du commando israélien a visé plus particulièrement le bateau amiral de la flotille qui s'avère être un bateau turc. Depuis l'agression contre Gaza en décembre 2008, le gouvernement turc a pris des positions politiques qui dérangent d'autant plus Israël qu'elles proviennent d'un Etat membre de l'OTAN et qui occupe une place importante dans l'échiquier stratégique américain. Le rôle joué par la diplomatie turque dans la crise iranienne qui a culminé dans l'accord irano-turco-brésilien, malgré la fin de non-recevoir américaine, a sans doute renforcé l'animosité du gouvernement israélien qui voit d'un mauvais oeil la montée en puissance d'une nation émergente, musulmane et qui sera tôt ou tard membre de l'Union européenne. En se vengeant aussi sauvagement des membres de la délégation turque à bord du bateau amiral, les Israéliens espèrent mettre le gouvernement turc devant des dilemmes difficiles : soit il laisse libre cours à la réaction spontanée de la rue turque au risque d'être accusé de ne pas respecter ses obligations diplomatiques de protection du personnel consulaire israélien à Istanbul, soit il réprime les manifestants turcs au risque de se discréditer auprès de l'opinion publique turque et musulmane. Le but étant de persuader le gouvernement turc d'arrêter de se mêler de dossiers aussi épineux que ceux du Moyen-Orient. Les provocations ne s'arrêteront sans doute pas là. Il n'est pas étonnant que, dans les jours qui viennent, les médias occidentaux et la chaîne Al Jazeera vont nous abreuver de communiqués vengeurs émanant de la soi-disant nébuleuse Al Qaïda. Pire, il est probable qu'on assiste à quelques actes de provocation terroristes attribués comme d'habitude à des groupes pseudo-islamistes, actes que les médias sus-cités se feront un malin plaisir à répercuter et à gonfler au grand profit d'Israël… Le carburant de la guerre L'acharnement d'une des armées les plus puissantes du monde contre une flotille de six bateaux civils n'a d'égal que la peur bleue qu'inspire au gouvernement israélien la force de la mobilisation civile et pacifique internationale si elle venait à se développer en solidarité avec le peuple palestinien. En effet, plus que mille discours, cette campagne de solidarité internationale risque d'accélérer le processus de maturation stratégique et politique au sein des différentes composantes nationales et islamiques de la résistance palestinienne. Le peuple palestinien souffre quotidiennement de la politique de colonisation et de harcèlement du gouvernement d'occupation israélien. Les provocations qui poussent au désespoir sont quotidiennes. Mais le peuple palestinien dispose d'élites éduquées et cultivées. Elles apprennent vite des dures expériences vécues et des mutations régionales et internationales en cours. C'est ce qui dérange énormément les autorités d'occupation israéliennes. Une convergence entre la résistance civile non violente du peuple palestinien à l'intérieur des territoires occupés et la campagne civile de solidarité internationale en vue de lever le blocus de Gaza et imposer un boycott international contre l'apartheid israélien aurait à n'en pas douter une portée politique et psychologique sans précédent et risque d'accélérer des mutations diplomatiques décisives et compromettantes pour la survie de l'apartheid israélien. Pour empêcher cette convergence qui n'est aujourd'hui qu'à ses débuts, le gouvernement israélien risque malheureusement de jouer comme il s'est habitué à le faire au pyromane. On ne comprendra rien à la politique israélienne dans la région si on n'a pas compris cette vérité simple et monstrueuse à la fois : l'Etat colonialiste et raciste d'Israël carbure à la guerre. Autrement dit, le second objectif inavoué de cette provocation israélienne contre la flotille Gaza Freetown, après l'intimidation des membres actuels et potentiels de la campagne de solidarité internationale, est tout simplement de pousser les militants et sympathisants de la cause palestinienne à désespérer des moyens de résistance pacifique et de pousser surtout les composantes de la résistance palestinienne, à leur tête le haras, à la faute, c'est-à-dire à la reprise d'actée militaires (comme les tirs de roquettes ou les attentats kamikazes), tactiquement inefficaces, politiquement et diplomatiquement improductifs dans la mesure où ils risquent de leur faire perdre les acquis politiques enregistrés jusque-là sans changer quoi que ce soit au rapport de force militaire avec l'armée d'occupation. Dans ses calculs perfides, le gouvernement israélien compte profiter de la conjoncture de la crise régionale en espérant secrètement que le haras risque facilement de devoir servir un autre agenda politique que celui que lui dicte la seule cause qui mérite ses sacrifices : la cause nationale du peuple palestinien. Le gouvernement israélien n'a manifestement pas d'autre choix que de poursuivre dans sa politique de provocation criminelle. Les composantes de la résistance palestinienne ne tomberont pas dans le piège. Malgré l'émotion suscitée, elles savent qu'il n'y a pas pire conseiller que la colère. Elles savent aussi qu'il ne faut jamais laisser à l'adversaire le choix du terrain et du tempo. Elles savent également que si les crises qui minent le Moyen-Orient, dont la crise du nucléaire iranien, peuvent accélérer la prise en compte de leur cause par les puissances de ce monde, elles ne doivent, en revanche, se laisser disperser par aucune autre considération que celle qui se rattache directement à la protection et à la libération du peuple palestinien du joug colonial. (Suite et fin)