Chargé par le Président de la République, Attaf arrive à Stockholm en visite officielle    Une délégation russe visite l'AAPI pour s'enquérir du système national d'investissement    CSJ: création d'un réseau de la jeunesse pour la sécurité hydrique et le développement durable    Forum d'affaires algéro-russe : volonté commune de concrétiser un partenariat économique stratégique approfondi    Le ministre de la Communication souligne le rôle important des médias pour relever les défis de l'heure    Ministère de la Culture et des Arts: journée d'étude pour évaluer la performance des établissements de formation artistique    Les agissements des autorités de transition au Mali à l'égard de l'Algérie font partie d'un vaste complot    FAF: "Ziani va nous rejoindre à la DTN"    Ghaza connaît la pire situation humanitaire depuis le début de l'agression sioniste    ONSC : concours national de la meilleure vidéo de sensibilisation à la lutte contre la drogue destinée aux étudiants    Haltérophilie: Kamel Saïdi élu membre du bureau exécutif de l'UA de la discipline    Le ministère de la Justice annonce les résultats de l'épreuve écrite du Concours national d'accès à la profession de traducteur-interprète officiel    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Chef d'Etat-major de la Défense du Rwanda    Tissemsilt: décès du Moudjahid Adila Salah    Un programme sportif suspendu    Feux de récoltes : lancement d'une campagne de prévention dans plusieurs wilayas du sud du pays.    Accidents de la route : 39 morts et 1526 blessés en une semaine    L'entité sioniste occupe de nouveaux territoires palestiniens    «Les échanges commerciaux entre l'Algérie et la Turquie connaissent une hausse significative»    Les conditions d'un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars et d'une production de 200 milliards de m3 gazeux 2028/2030    Une épreuve pas facile à supporter    Victoire historique de CASTEL Teniet El Abed    Sur les traces de l'architecture ottomane dans l'ancienne capitale du Beylik du Titteri    Convergences transcendentalement divergentes entre l'art et la religion    Archives de l'ombre : la face cachée de l'administration coloniale à Tébessa    Championnat d'Afrique de football scolaire 2025: les Algériens fixés sur leurs adversaires    Constantine : clôture de la 14e édition du Festival culturel national de la poésie féminine    Les bénéficiaires de la cité 280 logements de Kheraissia inquiets    L'étau se resserre !    Femmes et enfants, premières victimes    Tirer les leçons de la crise de 1929 et celle de 2008    Diolkos, le père du chemin de fer    15.000 moutons accostent au port d'Alger    Les lauréats des activités culturelles organisées dans les écoles et collèges honorés    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La caravane Camus et son débat inégal
Littérature
Publié dans La Nouvelle République le 08 - 06 - 2010

La caravane avortée d'Albert Camus continue d'alimenter sporadiquement les colonnes de nos journaux. Ainsi, tout porte à croire que le débat n'est pas clos. Si tant est qu'il se soit ouvertement établi un jour. Un débat de sourds que les initiateurs et les défenseurs de la célébration controversée de Camus maintiennent inégalement. Personnes très médiatiques, aux larges tribunes offertes, les camusiens préfèrent tenir la distance qui leur permet de se faire l'image qu'ils préfèrent avoir et qu'ils ont choisie de donner de leurs adversaires. Un rappel des faits s'impose qui doit nous éclairer sur les positions des uns et des autres. Tout a commencé par l'annonce en grande pompe de la caravane, qui devait partir du Centre culturel algérien de Paris et parcourir des villes françaises et algériennes et ce, à l'occasion du 50e anniversaire de la mort de l'auteur de l'Etranger.
La structure organisatrice est dénommée «Club Camus Méditerranée». L'itinéraire tracé comporte les villes de Perpignan, Narbonne, Montpellier et Nîmes, puis, traversera la Méditerranée pour gagner Alger, Annaba, Oran, Tlemcen, Béjaïa, Tizi Ouzou et Tipaza. En Algérie des intellectuels, des universitaires, des journalistes réagissent individuellement. Se dégage, ensuite, un petit noyau qui lance l'idée d'une pétition, qui n'est diffusée que par deux journaux à très faible tirage.
La pétition se présente comme un «appel aux consciences anticolonialistes». Les réactions qu'elle suscite sont immédiates et très alarmistes. La grande presse française d'abord, le Monde, le Parisien, le Nouvel Obs'… sont relayés par la presse algérienne. De grands espaces sont accordés aux animateurs de la caravane. Les opposants en sont exclus tout en se voyant attribuer des opinions qu'ils ont tenté en vain de démentir. Alors qu'à lire leurs écrits il n'est question que des positions politiques de Camus, on les accuse comme étant des ennemis de la culture ou comme, «suprême insulte», des agents du «pouvoir». «Depuis de longues années, les intellectuels corrompus, à la solde du pouvoir, critiquent Camus sans l'avoir lu…», pouvait-on lire à ce propos. Des gens à la solde du pouvoir qui n'ont rien de plus que deux «petits» quotidiens pour publier leur appel ! Comprenne qui pourra. Et puis, le pouvoir paraît bien faible de ne pouvoir leur offrir plus et de laisser son temple parisien faire ce qu'il combattrait ici, à travers quelques intellectuels presque inconnus. On va jusqu'à convoquer le «clivage» arabisants-francophones. Par ces procédés, c'était leur faire une grosse injustice, quand l'un d'entre eux, Mohamed Yefsah, exprime ainsi ses positions : «Le Camus littéraire doit avoir toute sa place en France, en Algérie ou ailleurs. Mais il est malveillant de vouloir conditionner le passé par un Camus qui refusait la révolte à des hommes qui voulaient la lumière, sortir du gouffre de l'histoire.» Et on se rend compte que c'était plus qu'une grosse injustice, plutôt une propagande mensongère, de déclarer aux médias français qu'en Algérie, il faut se cacher pour lire Albert Camus (sic). En fait, ce type de riposte, qui perdure bien après l'annulation du périple camusien, conforte plus la pétition qu'il ne la discrédite. Cette semaine encore, le directeur du CCA de Paris verse dans l'insulte.
On l'interrogeait sur l'annulation de son projet. Ses propos, sûr qu'il est de son immunité médiatique, décrivent des adversaires comme lui voudrait qu'ils soient et dans le même temps comme ils devraient être perçus par l'opinion dans laquelle il baigne et prospère. Sans retenue aucune, il insulte : «Oui, elle [la caravane] a été annulée par la volonté d'un groupe d'Algériens qui a été assez puissant dans la médiocrité et dans la détestation de soi. Un groupe d'Algériens qui ne sera jamais à la hauteur des aspirations de ce peuple qui a tant donné pour pouvoir s'élever dans le concert des nations» (l'Expression). Il insulte dans le même temps, sans le savoir peut- être, Mouloud Mammeri qui ne peut, hélas, lui répondre. Mammeri avait dit de Camus: «C'est une vérité que de dire que […] sa condition objective était la suivante : c'était ce qu'il était convenu d'appeler un pied-noir, un Français d'Algérie. En tant que tel, si grand que soit l'effort intellectuel ou idéologique qu'il faisait pour dépasser ce que cette condition avait d'astreignant, il ne pouvait pas ne pas en être, il ne pouvait pas faire qu'il ne soit pas un fils de petit blanc d'Algérie.» Mais notre directeur, emporté, ne se rend pas compte qu'il avoue que son initiative souffrait réellement de ce péché originel qui lui est reproché. Celui de contenir en germe la tentative de réhabiliter des positions de plus en plus en vogue concernant ce qu'il exprime clairement : «Nous avons la nostalgie du vivre-ensemble. Les injustices étaient là, valables pour les uns comme pour les autres. Nous vivions si proches.» (la Croix).
Il parle bien ici de la société coloniale en défense de Camus. L'auteur de cette phrase se défendra de la nostalgie néocolonialiste, il ne pourra pas se défendre d'être dans ce cas l'outil inconscient d'un travail de mémoire à rebours qui s'acharne à réhabiliter le colonialisme. Un travail qui se fait au grand jour, depuis peu. Un travail qui intègre une hostilité grandissante contre toute écriture de l'histoire qui ne procède pas d'un «équilibre» des «fautes» et qui occulterait les «crimes» des combattants algériens.
Il y a aussi cette phrase chez Camus, dans les Justes, qui est de plus en plus brandie. Elle est le pendant de la phrase de Stockholm, en plus clair : «J'ai accepté de tuer pour renverser le despotisme. Mais derrière ce que tu dis, je vois s'annoncer un despotisme, qui, s'il s'installe jamais, fera de moi un assassin alors que j'essaie d'être un justicier». Les caravaniers ne doivent pas ignorer ce qu'elle suggère. Camus avait raison, parce que «le FLN et sa Révolution» ont instauré «un autre despotisme». La question qui se pose est de savoir si les deux «despotismes» peuvent être mis en parallèle pour justifier une remise en cause du choix de bouter le colonialisme hors de l'Algérie.
Les opposants à la célébration de Camus savent que la réponse est dans cette question. Camus le «visionnaire» avait compris et tenté de calmer le FLN et de sensibiliser le gouvernement de son pays sur le «triste sort» des indigènes. Il avait raison contre tous. Contre les pieds-noirs qui ont «perdu leur pays» et contre les indigènes qui se sont «livrés» pieds et poings liés à la dictature du FLN. Il faut espérer que notre directeur du CCA de Paris ne lit pas ou ne sait pas ce qui se dit là-bas et parfois, ici, sur son pays. Quand il lira et saura, il faudra qu'il explique pourquoi tant d'autres références que Camus n'ont pas germé comme idée de caravane ou tout au moins d'hommage. Il y a, tout de même, des circonstances atténuantes qui peuvent jouer. Car il doit être difficile de mobiliser des capacités de discernement dans le vacarme parisien où il n'y en a que pour Camus. Un remède est pourtant disponible pour tout féru de littérature, dans ce cas précis où culture et politique «devraient être séparées». Le remède est de se rendre à l'évidence que le cas du fasciste Céline ne souffre d'aucune indulgence de la part des thuriféraires du colonialiste Camus.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.