Les professionnels des marchés sont à peu près d'accord sur un point: la croissance mondiale est bien là, faible en zone euro mais tirée par les pays émergents, et la croissance des bénéfices des entreprises est solide. Avec des taux d'intérêt très bas, cela devrait favoriser les actifs risqués, actions et obligations d'entreprise. Mais les inquiétudes entourant les dettes souveraines d'une union monétaire européenne dépourvue de politique économique coordonnée l'emportent largement. Les marchés sont ainsi focalisés sur les facteurs de risques, surtout la crise de la dette en zone euro et l'impact de la rigueur budgétaire sur la croissance. Les Bourses restent perdantes depuis le début de l'année, malgré quelques sursauts, et les obligations privées qui avaient résisté jusqu'ici commencent, elles aussi, à perdre du terrain. A cela s'ajoutent les craintes de surchauffe dans les économies émergentes, expliquent des professionnels. «Les risques aujourd'hui c'est l'avenir de la zone euro et la capacité des pays émergents, essentiellement Chine, Inde et Brésil, à faire atterrir en douceur leur économie sans la casser. Et, comme les marchés savent qu'historiquement les ‘soft landings' ça n'existe pas, ou très rarement, ils sont nerveux», souligne Rachid Medjaoui, directeur adjoint de la gestion chez Banque Postale Asset Management. Replier la toile Pour Philippe-Henri Burlisson, directeur des gestions fondamentales chez Groupama Asset Management, «on est dans une aversion généralisée pour le risque, qui n'est pas très rationnelle mais liée aux fortes incertitudes actuelles.» «Les marchés ne se focalisent plus seulement sur la dynamique en cours, qui reste largement positive, mais s'interrogent sur le chemin de croissance que pourraient emprunter les économies développées, contraintes désormais de s'engager dans un processus de désendettement», souligne Florian Roger (Amundi Asset Management). «Les marchés ont perdu de nombreux repères. La chute de Lehman Brothers a montré que le principe du ‘too big to fail' était loin d'être infaillible, et qu'il fallait dorénavant considérer différemment les risques extrêmes». Philippe-Henri Burlisson explique que les acteurs du marché savent très bien que les plans de rigueur en zone euro auront un impact négatif sur la croissance économique et sur les bénéfices des entreprises. «Mais on ne sait pas de combien. C'est là une incertitude dont les marchés ont horreur», dit-il. «Je ne pense pas que les actions vont caracoler en tête. Les actifs risqués sont plus orientés à la baisse qu'à la hausse. Il faut replier la toile et revenir à la neutralité sur ces actifs», ajoute-t-il. Joop van Leenders, stratégiste chez BNP Investment Partners, partage cette analyse. «Dans les circonstances actuelles, nous restons prudents dans notre stratégie d'investissement. Les perspectives de croissance économique et des profits ne sont pas mauvaises à court terme, particulièrement aux Etats-Unis et dans les marchés émergents. Cependant, cela peut être affecté par le risque souverain», écrit-il dans une note. BNP IP est neutre sur les actions, neutre sur le crédit, sous-pondéré sur les obligations d'Etat.