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Un business qui rapporte gros
Chasse sous-marine
Publié dans La Nouvelle République le 02 - 08 - 2010

Rencontré au marché de Ténès, Younès est venu s ‘approvisionner en hameçons, leurres et autres matériel de pêche. «C‘est comme ça, il faut investir en matériel pour avoir les plus belles prises», souligne t-il, avec un clin d'œil complice, au propriétaire du petit magasin de matériel de pêche.
Pour un matériel basique, une bobine de fil de pêche de marque réputée, une canne, un moulinet, des hameçons et des leurres, la note ne descend pas des 5 000 dinars, même si parfois des arrangements se font entre les pêcheurs et les revendeurs.
«Généralement, il faut compter entre 4 000 et 5 000 dinars pour avoir un matériel plus ou moins acceptable pour pêcher du bon poisson», affirme Younès, venu camper cette année du côté de Damous, dans la wilaya de Tipaza.
Dans son local installé juste sur les hauteurs du marché couvert de l'antique Cartenna, le propriétaire de ce magasin conseille les pêcheurs sur la qualité du matériel, les oriente sur les coins de bonne pêche, et, surtout, ne va pas au-delà de simples conseils sur la manière de ferrer un poisson.
«Tu sais, ici, les pêcheurs sont susceptibles, ils savent tout, au départ, donc pas besoin de leur montrer comment ils vont pêcher, même s'ils t'écoutent poliment», confie un vieux... loup de mer de passage dans cette boutique hérissée de cannes à pêche.
La gigue ou comment ferrer le gros poisson
Mais, le «must» du matériel de pêche à la ligne c ‘est celui spécifique à la gigue, une méthode de pêche de profondeurs et au gros. Le matériel de la gigue oscille entre 50 000 et 60 000 dinars, et, en sus, il faut être équipé d'une embarcation. A Blida, c'est la grande tendance de cet été : aller faire de la gigue du côté de Damous et Gouraya. Le matériel, cher s'il en est, et notamment une canne en fibre de verre et un moulinet pour le très gros poisson, permet «de pêcher des pièces absolument fantastiques, comme le denti, le gros pagre, le mérou ou le sériole, entre autres poissons de profondeurs», assure Smaïl, qui a laissé de côté momentanément la chasse sous-marine pour la pêche à la gigue.
«Oui, le matériel de la gigue est coûteux, mais au final, tu rentres pratiquement avec ta barque pleine de gros poissons, que tu vends après pour amortir ton investissement», ajoute Smail.
Le matériel de pêche a été de tout temps un créneau porteur pour les revendeurs, mais les pêcheurs aujourd'hui, avec l'arrivée de la Gigue, qui bénéficie en Europe et aux Etats-Unis de sites dédiés à cette technique de pêche au gros, reprennent du poil de la bête et font de grosses recettes.
«Généralement, un mérou est revendu par les pêcheurs ou les chasseurs à 800-900 DA/kg, un sar à 500 -600 DA/kg, un corbe à 600-700 DA/kg», indique Toufik, un professionnel de la chasse sous-marine, avant de calculer qu'avec une bonne pêche ou une bonne chasse, on peut rentrer le soir avec une recette de plus de 50 000 DA.
Les pêcheurs et les chasseurs vendent leurs prises en général à des mareyeurs des pêcheries des villes du littoral, ou bien à des restaurateurs. «La chasse sous-marine reste, cependant, plus rentable en termes de chiffre d'affaires», précise Toufik, selon lequel une bonne prise par sortie en mer équivaut à une quantité de 30 à 40 kg de poissons, généralement des pièces de gros mérous, des badèches, des sars ou des courbes.
«Deux mérous de 10 kg chacun, trois courbes de 2,5 kg pièce, et quatre beaux sars et dorades de 1,5 kg chacun, agrémentés d'une à deux cigales est une chasse parfaite, un plat varié comme on dit dans notre jargon», relève encore Toufik.
Chasse sous-marine : un filon juteux
Pour autant, le matériel de chasse sous-marine n'est pas donné : un masque de plongée est vendu entre 3 500 et 5 000 DA, le tuba est généralement offert par le revendeur, des palmes «pro» entre 5 000 et 8 000 DA, une tenue de plongée entre 15 000 et 25 000 DA, et les fusils harpons qui se négocient de 10 000 à 20 000 DA. Un chasseur, assure Smaïl, installé actuellement à Témouchent, ne sort jamais en mer sans trois fusils harpons au moins, dont un avec moulinet, un pour la chasse à l'agachon et un troisième, puissant, pour les grottes et les dalles d'accès difficile. «Le matériel est cher, mais on s ‘y adapte», laisse tomber de son côté Toufik, qui ajoute qu'à cet attirail, «il faut ajouter une paire de gants à 2 500 DA, une torche à environ 3 000-4 500 DA, des bottines à 3 000 DA, et un poignard à 1 500 DA environ».
Très peu loquaces sur leur «bizness», les revendeurs de matériel de pêche et de chasse sous-marine font, assurément, de bonnes affaires. La filière est tellement rentable que de grands équipementiers de la chasse sous-marine se sont installés ces trois dernières années en Algérie, notamment à Alger, Oran et Annaba.
«Il y a du poisson, du beau poisson sur nos côtes lesquelles sont, hélas, polluées à une vitesse vertigineuse», regrette un chasseur selon lequel le littoral «doit être protégé, notamment contre les déversements des eaux usées des villes et, surtout, contre la pêche à la dynamite, qui se pratique impunément dans certaines wilayas du centre et de l'Ouest du pays.»
Et, plus qu'une activité sportive, la chasse sous-marine, en apnée et la seule autorisée avec un permis de chasse, est pour des centaines d'Algériens un métier à plein temps, à longueur d'année.
Pour Khaled, Chérif et tant d'autres accrocs des profondeurs, natifs de Bab El-Oued, la chasse est devenue vraiment leur «raison de vivre», estime encore Toufik, ingénieur de son état qui pratique cette activité «de temps à autre, de peur d'en devenir accroc». Et Smaïl de rêver les yeux grand ouverts, fixés sur l'horizon clair de ce beau matin d'été : «Les profondeurs marines, les gorgones ondulant au gré des courants, les tombants pleins de petits poissons picorant le corail, des mérous qui te surveillent du fond de leurs trous, des courbes planant au dessus d'incertaines épaves mangées par le temps, c'est un spectacle extraordinaire que seul la mer peut te procurer. Et, en sus, tu peux vivre de ce monde magnifique.»


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